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« À partir de 1269, les juifs du royaume de France sont astreints au port d'une marque vestimentaire, imposée en Occident par l'Église depuis 1215. La forme ronde de la rota ou roella adoptée par les rois de France, et sa couleur, jaune dans un premier temps puis bichrome - rouge et jaune- traduisent le caractère infamant de cet insigne, qui accentue la volonté de ségrégation physique des juifs en terre chrétienne aux XIIIe et XIVe siècles[1]. »

C’est en application du canon 68 du IVe concile de Latran sur l'initiative du pape Innocent III, qui prévoyait dès 1215 que les chrétiens ne puissent par erreur se mêler aux juifs ou aux musulmans et que ces derniers se distinguent par leur vêtement, laissant aux autorités séculières de chaque royaume toute latitude pour préciser le caractère particulier de cet habit. L'objectif est d'instaurer ainsi le principe d'une ségrégation avec la croyance, longtemps concurrente du christianisme.

  « Dans certaines provinces, la différence dans l'habit distingue Juifs ou Sarrasins des chrétiens, mais dans d’autres s'est répandue une telle confusion qu'aucune différence ne les distingue.

Aussi arrive-t-il parfois que, par erreur, des chrétiens s'unissent à des femmes juives ou sarrasines et des Juifs ou des Sarrasins à des chrétiennes. Afin que les excès de si damnables unions ne puissent plus trouver l'excuse d'une erreur due au vêtement, nous décidons que ces gens, de l'un et l'autre sexe, dans toute province chrétienne et en tout temps, seront distingués publiquement des autres peuples par leur habit, puisque nous lisons que cela même leur a été enjoint par Moïse[2] ».

Ce signe distinctif est le lointain précurseur de l’étoile jaune imposée par les nazis.

C’est le début d’une discrimination qui touchait aussi les hérésies : cathares, les amauriciens, jugés coupables de panthéisme, et les œuvres de Joachim de Flore, accusé de trithéisme[3].

Accusés de déicide pour la crucifixion de Jésus de Nazareth dit le Christ, les juifs sont soumis à des lois particulières qui les isolent du reste de la population.  Les juifs ne sont que les usufruitiers (ceux qui ont le droit d'usage) des biens qu'ils « possèdent ». Ils ne peuvent pas posséder la terre, être des agriculteurs ou des artisans. Ne leur restent que les métiers intellectuels (en particulier la médecine) ou les métiers financiers, car l'Église catholique interdit le prêt avec intérêt entre chrétiens. Les juifs peuvent donc prêter sur gages avec le plus souvent un taux d’intérêt considérable (jusqu'à plus de 40 % par an). Ce qui vaut à ces riches banquiers une réputation d’accapareurs (caricature du juif aux doigts crochus). Mais tous les juifs n’étaient pas des prêteurs et financiers.

Souvent les seigneurs et emprunteurs, jusqu’aux rois, lorsqu’ils ne pouvaient pas rembourser leurs dettes, les annuleront ou expulseront les juifs, quand ils ne sont pas purement et simplement massacrés. C'est ce que fera le roi Philippe Auguste en 1182.

En Europe occidentale, la plupart des habitants sont soumis à des impôts dont ils connaissent l'existence, la périodicité et le montant. Les impôts sont fixés par les coutumes ou bien, à partir du XIIème siècle, par des chartes négociées entre les seigneurs et les habitants. Les juifs, considérés comme étranger à la communauté locale, sont imposables à volonté, c'est-à-dire en fonction des besoins des seigneurs.

Les juifs sont considérés comme des hommes à part de la société chrétienne.

Cette histoire des origines de la judéophobie[4], permet de comprendre, avec les pogroms du XIXème siècle et la shoah, le souhait des personnes de religion ou culture juive, de se regrouper dans un territoire, sur une terre dont ils étaient privés, qui leur appartienne. Et aussi le profond désir de travailler cette terre dans les kibboutz, alors que les premiers émigrants en Palestine étaient le plus souvent des intellectuels, des bourgeois, fourreurs, bijoutiers, médecins, enseignants. Les religieux se sont emparés de ce profond désir pour rejoindre la terre promise par dieu au peuple juif selon les croyances bibliques.

Sauf, que ces immigrants allaient se heurter à un peuple qui vivait en Palestine, de religion musulmane, chrétienne, et même juive.  

Note : une page de mon livre actualisé sur l'histoire de la Palestine. A paraître prochainement ...

Allain GRAUX

     5.12.2023

 

 

 

 

 

 

[1] Sansy Danièle. Marquer la différence : l'imposition de la rouelle aux XIIIe et XIVe siècles. In: Médiévales, n°41, 2001. La rouelle et la croix. Destins des Juifs d'Occident. pp. 15-36;

doi : https://doi.org/10.3406/medi.2001.1523

https://www.persee.fr/doc/medi_0751-2708_2001_num

[2] Version française en partie tirée de Les Conciles œcuméniques : les décrets, t. II-1, Paris, Cerf, 1994, p. 567, cité dans Tolan 2003, p. 266.

[3] Hervé Rousseau, Article Satan, Encyclopaedia Universalis, DVD, 2007.

[4] La judéophobie, qualifiée à tort d’antisémitisme, car les pratiquants européens de la religion juive ne sont que rarement originaire d’une ethnie sémite... On renforçait ainsi, et on le fait toujours, l’image d’un peuple d’ailleurs... du racisme !  

Tag(s) : #societe
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