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Evolution de la société en Israël

Les attentats palestiniens contre les civils israéliens sont devenus chose rare et plutôt le fait d’actes isolés d’individus désespérés. Ainsi les israéliens se sentent plus en sécurité derrière leur mur de séparation et des actions de contrôle de la société palestinienne à l’intérieur comme à l’extérieur du mur. Et quand les choses tournent mal - du fait de la résilience «attentatoire » de quelques « arabes » - Tsahal bombarde Gaza avec l’assentiment de presque tous. La sécurité reste néanmoins un point central et essentiel de la politique israélienne, mais avec les gouvernements Netanyahou, de droite extrême, on n’en parle plus. Les classes moyennes, majoritaires, s’insurgent plus contre la baisse de leur niveau de vie, le prix exorbitant des loyers, la vie chère, qu’au sujet de la politique de colonisation des territoires occupés.

« Le conflit avec les palestiniens, on sait qu’il est là, mais ce ne sont pas les vrais préoccupations des Israéliens aujourd’hui. {] Israël dispose d’une économie solide basée sur le High-tech avec une croissance sans égale dans l’OCDE, alors que la plupart des classes moyennes n’arrivent pas à joindre les deux bouts[1]. » C’est ce que pense Emmanuel Navon, politologue et membre du Likoud, le parti de Netanyahou.

« Les gens se sont fatigués des positions du Likoud et des travaillistes sur la question du conflit avec les Palestiniens[2]. »

Le mouvement social de l’été 2011 était un effet spontané d’indignation contre le coût de la vie, rien à voir avec le conflit palestinien. En fait pas si spontané que cela, les dirigeants du mouvement se sont retrouvés sur les listes du parti centriste Lapid ou du parti travailliste aux élections de 2013. Netanyahou y avait perdu des sièges comme les travaillistes au profit du nouveau parti centriste du Lapid[3] et de l‘extrême-droite. En 2013, le Premier ministre avait fait liste commune avec le parti « Israel Beytenou (« Israël notre maison ») de Liberman…et perdu 11 sièges sur 2009. En 2015, il ne renouvelle pas l’alliance et remporte seul 30 sièges + 6 pour Libermann avec lequel il formera le gouvernement ainsi qu’avec les partis religieux comme le Shass. Le Lapid reperd 8 sièges qui vont au nouveau parti centriste de Moshe Kahlon (10 sièges).

Le Likoud de Benyamin Netanyahou a formé son gouvernement avec une majorité de 61 sièges sur 120 à la Knesset, après 40 jours de tractations, avec Koulanou (centre), Yahadut Hatorah (ultraorthodoxes religieux — ashkénazes- opposés aux programmes « laïcs » de Liberman, le Shas et Le Foyer juif (extrême droite religieuse de Naftali Bennett).

Ce quatrième gouvernement est confronté à plusieurs problèmes : les menaces sécuritaires régionales liées à la guerre en Syrie, en Irak, au Yémen, la possibilité d'un accord nucléaire international avec l'Iran, les liens détériorés avec les Etats-Unis, l'offensive diplomatique et judiciaire des Palestiniens, le coût de la vie et les inégalités sociales.

Conséquences et évolutions dans la société palestinienne

En Palestine occupée[4], les esprits se divisent sur les méthodes de lutte et de plus en plus sur la revendication de deux Etats ou d’un Etat où les droits seraient égaux entre tous les citoyens. Cette revendication est avancée par le Président d’Israël Reuven Revlin mais qui propose l’annexion pure et simple de la Cisjordanie et l’égalité civile. Ce qui n’est pas l’égalité réelle et en particulier sociale[5]. Et l’extrême-droite israélienne est aussi favorable à l’annexion et un seul Etat qui serait d’apartheid, avec des droits distincts selon …la religion. Ce serait un Etat juif d’occupation qui n’apporterait ni dignité ni égalité.

Jafar Farah, ancien journaliste, il dirige le centre Mossawa dédié à l’étude sur les discriminations que subit la communauté « arabe » d’Israël. Il a déclaré à Pierre Puchot[6], au sujet de l’Etat unique :

« Le passage de la rhétorique de la solution à deux Etats à celle de l’Etat unique, qui est à la fois promue par des Palestiniens de Cisjordanie et des députés de l’extrême-droite israélienne, est en train de semer une grande confusion à l’étranger. »

Lui, comme les partisans de deux Etats pensent que ce serait une régression alors que le Peuple Palestinien a franchi déjà trois étapes décisives :

- La reconnaissance des Palestiniens comme peuple par la communauté internationale, y compris les pays arabes qui n’en voulaient pas avant 1967…

- Le droit à l’autodétermination.

- Puis le droit à un Etat.

Promis à Oslo mais resté lettre vaine, et dont l’échéance est sans cesse repoussée sous les prétextes les plus divers, pendant que la colonisation se poursuit.

Les divergences sur les méthodes de lutte contre l’occupation :

- Certains croient à la pertinence de la lutte non-violente contre l’occupant, car elle a permis de mobiliser l’opinion publique internationale et même des Etats et institutions contre les aspects les plus choquants et négatifs de la politique israélienne à l’égard des Palestiniens : arrestations et détentions arbitraires, colonisation, massacres de civils à Gaza. Ceux- là estiment que cette stratégie est plus gagnante que celle des attentats plus ou moins aveugles contre les israéliens. Elle correspond à un désir de paix, d’en finir avec l’injustice par la reconnaissance des droits d’égalité entre tous les citoyens, quelle que soit la nature de l’Etat dans lequel ils vivent ou vivront. Les avis peuvent diverger à ce sujet ; un ou deux Etats, un Etat binational? Même d’anciens membres des réseaux combattants du FPLP ou du Fatah, qui ont connu la prison – et peut-être parce qu’ils ont connu la prison - se sont ralliés à l’option non-violente.

Beaucoup militent dans des associations d’aide à l’éducation, à la santé, à la question de l’autonomie des femmes, au développement de la culture, de l’aide aux prisonniers, aux paysans dépossédés de leurs terres.

Tous croient en l’importance du BDS[7] qui se développe dans le monde pour faire céder Israël, sous la pression internationale économique et politique, à faire sauter le véto inconditionnel américain et le soutien coupable de l’Union européenne. Ils pensent qu’à terme, Israël devra renoncer à sa politique d’apartheid comme ce fut le cas avec l’Afrique du Sud.

- D’autres dénoncent ce « pacifisme bêlant », s’irritent à l’extrême des contrôles excessifs et humiliants dans tous les aspects de la vie quotidienne des Palestiniens :

- Les contrôles tatillons et humiliants aux check-points, le véritable couvre-feu imposé aux travailleurs qui se rendent en Israël.

- L’impossibilité de voyager, de poursuivre durablement un emploi ou des études à l’étranger (Si on dépasse deux ans d’absence, on perd ses droits au retour et à repartir- si on est de Jérusalem -Est avec un droit de circulation jordanien, on perd ce statut et ce droit de circuler. Si on est déclaré absent on perd sa maison…)

- Ils dénoncent la coopération sécuritaire entre l’Autorité et les services israéliens.

- Et par-dessus-tout la négation de leur identité palestinienne, passée, présente et future. Pour le gouvernement israélien, la nation Palestinienne n’existe pas, les Palestiniens sont des « arabes ». Ce qui sous-entend qu’ils aillent rejoindre les pays dits arabes…Or les Palestiniens sont chez eux, sur leur terre, ce qui n’est pas le cas des colons.

Ceux-là n’acceptent pas que des colons venus récemment de France - ou d’ailleurs – ou d’une alya[8] plus ancienne, s’installent sur les propriétés familiales palestiniennes, pour y prospérer, bénéficiant d’avantages financiers dont eux ne disposent pas pour cultiver leurs propres terres, ou édifier une entreprise, une usine, bâtissant des maisons aux toits de tuiles rouges[9] en rupture avec le paysage culturel palestinien, encerclant leur village, leur quartier, leur maison, avec le mur, une barrière, qui ne leur permet pas de se rendre sur leurs terres ou d’accéder à l’eau[10]. Les colons plantent le drapeau à l’étoile de David sur leur toit, le balcon à leur fenêtre comme un glaive ou un pieu dans le cœur de leur identité revendiquée comme arabe et palestinienne.

Ce que les colons nient au profit d’un droit théologique au retour pour les descendants d’ancêtres mythiques[11].

Ceux- là (des Palestiniens) pensent :

- que la violence exercée à l’encontre des soldats de l’armée d’occupation et des colons (tous illégaux selon le droit international) de Cisjordanie et de Jérusalem-Est, est légitime.

- que les accords depuis Oslo n’ont été que des prétextes à coloniser[12] davantage.

Et à ce sujet on ne peut que leur donner raison.

- que les dirigeants de l’autorité se sont trompés ou ont trahi pour bénéficier des prébendes des aides européennes, étrangères, et de l’UNRWA[13]. Et qu’ils sont pour la plupart corrompus…

Certains, les plus exaspérés et radicalisés, par ce régime de véritable apartheid et d’esclavage qui dure depuis 1948 pour les uns, 1967 pour les autres, estiment que tous les Israéliens sont des colons, qu’ils doivent partir. Ils ne souhaitent pas leur extermination, mais qu’ils ne pourront revenir que munis de visas palestiniens…pour vivre éventuellement en paix et dans des rapports d’égalité avec tous les habitants sur la terre de Palestine.

Remarque

Je souhaite par cet article montrer l’état des réflexions observés dans les sociétés israélienne et palestinienne lors de mon récent séjour.

Bien d’autres questions méritent évidemment d’être traitées, notamment celles que beaucoup se posent comme la pertinence de la revendication pour deux Etats que j’ai ébauchée. Ce sera l’objet de prochains articles…et d’informations, de futurs comptes-rendus.

L’existence dans les villes de Palestine, en dehors des aspects de contrôle (mais peut-on les ignorer ?) paraît dynamique, joyeuse, exubérante, pleine de vie. Les marchés regorgent de marchandises, comme les boutiques et magasins, les embouteillages sont le lot quotidien des très nombreux automobilistes. Les immeubles d’habitation en pierre blanche (style comblanchien) sont magnifiques ; on est loin de bidonvilles fréquents dans certains pays de la région du grand Moyen Orient. Mais sous cet aspect extérieur, à deux pas du mur, de la présence des soldats aux carrefours routiers, on sent lorsque l’on discute avec les représentants des très nombreuses associations civiles, qu’il suffirait d’une étincelle pour qu’une troisième intifada explose… que l’on soit violent ou non-violent. Alors que ce que les Palestiniens souhaitent tous, c’est vivre en paix, sur une terre ou leurs droits, tous leurs droits soient respectés et leur identité nationale reconnue.

Allain Graux

De retour de Palestine

Le 15 juin 2015

Bibliographie

- De la nation et du peuple juif ; Comment le peuple juif fut inventé. (Chez Renan - Shlomo Sand (historien israélien)-14/10/2009- ISBN : 978-2-918597-03-2)

« Le « peuple d’Israël » constitue-t-il un peuple dans l’acception moderne du terme ou bien une importante communauté religieuse, à l’orée du monothéisme dans le monde occidental ? L’expansion du judaïsme dans le monde résulte-t-elle de l’exil d’un peuple ou bien de conversions religieuses massives sur le pourtour méditerranéen, puis en Russie méridionale et au Caucase ?

- La Paix n’aura pas lieu – Pierre Puchot – Don Quichotte

- Les Seigneurs de la Terre - Histoire de la colonisation israélienne des territoires occupés

Idith Zertal, Akiva Eldar (citoyennes israéliennes) Traduit par Charlotte Nordmann- 12/09/2013

[1] Source : La paix n’aura pas lieu (Don Quichotte) n– Pierre Puchot – P.381[2] Ibid p.384

[3] Le Lapid était passé de 3 à 11 sièges.

[4] Jérusalem-Est et territoires de Cisjordanie

[5] La communauté Palestinienne de l’Etat d’Israël représente 20% de la population ; La moitié c vit en dessous du seuil de pauvreté…

[6] La paix n’aura pas lieu – déjà cité – p. 401

[7] BDS : « Boycott, désinvestissement et sanctions » est une campagne internationale appelant à exercer diverses pressions économiques, académiques culturelles et politiques sur Israël afin d'aboutir à la réalisation de trois objectifs : la fin de l'occupation et de la colonisation des terres arabes, l'égalité complète pour les citoyens arabo-palestiniens d’Israël, et le respect du droit au retour des réfugiés palestiniens.

Lancée par 171 organisations non-gouvernementales palestiniennes le 9 juillet 2005 - un an jour pour jour après l'avis de la Cour internationale de justice sur la Barrière de séparation israélienne, la campagne BDS qui se réfère explicitement aux campagnes de boycott ayant été conduites contre le régime d'apartheid d'Afrique du Sud, demande à exercer des pressions sur l’État d’Israël jusqu'à ce que celui-ci se conforme au droit international, et notamment aux résolutions de l'ONU. Source : Wikipédia

[8] Alya : signifie littéralement « ascension » ou « élévation spirituelle ». Ce terme désigne l'acte d'immigration en Israël par un fidèle de la religion juive et descendant de membres de cette communauté religieuse. Il ne faut pas confondre la judaïté qui est une culture religieuse avec une origine ethnique ; les juifs sont d’origines ethniques diverses. Il n’y a donc pas de peuple juif (lire Shlomo Sand : Comment le peuple juif fut inventé, Fayard, 2008)

« 3120 juifs de France ont choisi, en 2013, d'émigrer en Israël. Un chiffre en hausse de 63% par rapport à l'année précédente! Jamais, depuis 2005, l'immigration juive en provenance de France n'avait connu une telle vitalité. Les Français fournissent un contingent plus important que les juifs en provenance des Etats-Unis (2680 personnes, en baisse de 13%) ». Source : http://www.lexpress.fr/actualite/monde/proche-moyen-orient/les-juifs-de-france-affluent-en-israel_1312553.html#lVm13wuzjm6hG3a6.99

[9] Les tuiles rouges permettent aux drones israéliens de distinguer les zones coloniales des constructions palestiniennes. Ce qui a eu pour effet que certains « colons palestiniens » venus des Etats-unis (oui ça existe !) construisent aussi avec des toits de tuiles rouges pour éviter d’être bombardés…

[10] Comme à Nabi Samuel, Bil In, Fasayel, que j’ai visités et bien d’autres lieux.

[11] Comment le peuple juif fut inventé. (Chez Renan - Shlomo Sand (historien israélien)-14/10/2009- ISBN : 978-2-918597-03-2)

« Le « peuple d’Israël » constitue-t-il un peuple dans l’acception moderne du terme ou bien une importante communauté religieuse, à l’orée du monothéisme dans le monde occidental ? L’expansion du judaïsme dans le monde résulte-t-elle de l’exil d’un peuple ou bien de conversions religieuses massives sur le pourtour méditerranéen, puis en Russie méridionale et au Caucase ? »

[12] Lire : Les Seigneurs de la Terre - Histoire de la colonisation israélienne des territoires occupés, par Idith Zertal, Akiva Eldar (citoyennes israéliennes) Traduit par Charlotte Nordmann - 12/09/2013

[13] Organisme de l’Onu d’aide aux réfugiés.

Tag(s) : #géopolitique
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