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Très intéressante analyse sur Gluksmann qui s'est emparé du leadership du social-libéralisme à l'occasion des élections européennes et prétend représenter une candidature unitaire de la soi-disante gauche réformiste pour les élections présidentielles de 2027. C'est- à dire en dehors de toute alliance avec la gauche de transformation sociale autour de LFI. Échec assuré pour l'ensemble de la Gauche. L'alternative à la droite et l'extrême-centre macronien, c'est l'unité de toutes les forces de gauche et écologiste, des syndicats et des associations de lutte sociétales, féministes, altermondialistes, l'alternative arc-en ciel comme l'écrivait Aurélie Trouvé, ex porte parole d'Attac et aujourd'hui député LFI, dans le cadre d'un projet écosocialiste susceptible de relever les enjeux écologiques et sociaux auxquels l'humanité est confrontée. Cet horizon ne se résume pas à la fusion du socialisme et de l'écologie, il est aussi antiraciste et internationaliste. C'est créer une société qui a pour objectif l'émancipation de toutes et de tous, pour la liberté, l'égalité et la fraternité. Avec aujourd'hui comme priorité la préservation de nos écosystèmes sans lesquels aucune vie humaine n'est passible. C'est œuvrer pour un monde paix, la recherche de solutions négociées aux problèmes aux quels sont confrontés les peuples ( au-delà des limites nationalistes ) au contraire des bellicismes qui mènent au désastre, à une catastrophe qui pourrait-être planétaire.

Allain Louis Graux

CONTRETEMPS - REVUE DE CRITIQUE COMMUNISTE
Pourquoi Glucksmann ?
Stefano Palombarini 30 mars 2024 Pourquoi Glucksmann ?2024-04-07T14:58:19+01:00Conjoncture

Raphaël Glucksmann semble l’enfant chéri de la presse mainstream, qui
voit en lui – dans la perspective des élections européennes à venir – un
antidote utile à la gauche de rupture, incarnée depuis plusieurs années
par Jean-Luc Mélenchon et la France insoumise. Son profil politique ne
laisse effectivement guère place au doute : il s’agit d’une version
vaguement rafistolée de l’orientation d’accompagnement du
capitalisme néolibéral qui a plongé la gauche dans une crise historique,
partout dans le monde.
Mais qu’est-ce que cela dit des batailles qui se jouent à gauche
actuellement et des stratégies des différents partis qui s’étaient unis
dans le cadre de la NUPES, en particulier du PS ? L’économiste
Stefano Palombarini, auteur notamment (avec Bruno Amable)
de L’Illusion du bloc bourgeois, avance quelques pistes.

***

Beaucoup a été dit sur la candidature de Raphaël Glucksmann aux élections européennes, de son
choix d’en faire une occasion de propagande des positions ultra-atlantistes sur la politique
internationale tout en minorant les thèmes de politique économique et sociale. On sait qu’il parle peu
volontiers de la situation à Gaza, pour laquelle il refuse d’utiliser le terme génocide pourtant validé par
la Cour Internationale de Justice dans son verdict à la suite de la plainte déposée par l’Afrique du Sud.
On sait qu’il va bien au-delà de la volonté de soutenir militairement l’Ukraine, une volonté partagée
aussi par ceux qui pensent qu’une aide de ce type est nécessaire pour établir un rapport de force
suffisamment équilibré, et laisser ainsi une chance à une solution négociée du conflit. Non, pour lui
aucun accord de paix n’est possible avec Poutine, un tyran qui menace nos démocraties : la seule
possibilité est de le « défaire totalement », de « l’humilier ». En bon néoconservateur, il va même plus

loin : les démocraties occidentales ne sont pas simplement menacées par Poutine, mais par
« l’alliance entre la Russie et la Chine […]. Ce n’est pas une alliance conjoncturelle, mais une alliance
idéologique, dont le ciment est le ressentiment à notre égard », où évidemment le « notre » ne fait pas
référence seulement à la France, mais à l’Occident [1] .
Ces positions ne sont guère étonnantes pour qui connaît son parcours : contributeur regulier de la
revue Les meilleurs des mondes, qui a été un soutien indéfectible de la politique étrangère
de George Bush ; membre du cercle de l’Oratoire, think tank atlantiste et néoconservateur ; sous
l’impulsion de Bernard-Henri Levy[2], conseiller de Mikheïl Saakachvili pendant que celui-ci présidait
la Géorgie sur une ligne atlantiste et libérale. En 2007, d’abord candidat pour Alternative Libérale,
Glucksmann décida finalement d’apporter un soutien enthousiaste à Sarkozy, qu’il considérait comme
« l’héritier rebelle » de 1968[3]. Dix ans plus tard, il accueillait avec ces mots le résultat de la
présidentielle :
« Emmanuel Macron s’adresse à des individus empêchés dans leur quête
d’épanouissement par des blocages culturels, des structures sociales ossifiées, des
« assignations à résidence » géographiques, identitaires ou économiques, qu’il
promet de dépasser. Il est structurellement antiraciste et ouvert sur le monde. Il
entend donner à chacun d’entre nous les moyens de se réaliser, rendre la société
moins rigide, plus fluide. Il incarne une pensée centrée sur les libertés individuelles,
à laquelle la France fut longtemps rétive. Voilà pourquoi il a séduit tant d’anciens
soixante-huitards : le président Macron est, de ce point de vue, leur fils
spirituel » [4] .
Macron comme Sarkozy, les héritiers de 1968… Si, depuis, Glucksmann dit avoir viré à gauche (une
gauche qui s’identifie, comme dans la meilleure tradition du Parti socialiste, avec la toujours très
hypothétique construction d’une « Europe sociale »), ses positions sur la politique internationale n’ont
pas changé d’un iota, et correspondent toujours à celles du néoconservatisme le plus aveugle.

Si le profil de Glucksmann ne laisse place à aucun doute, on peut en revanche s’interroger sur les
raisons qui ont conduit le Parti socialiste à le désigner pour la deuxième fois comme tête de liste, en
renonçant de nouveau à attribuer le rôle à l’un de ses dirigeants. Bien évidemment, il s’agit d’une
candidature qui peut se révéler efficace dans une élection qu’on prévoit largement boudée par les
jeunes et les classes populaires : selon un sondage Ipsos publié début mars[5], qu’il faut considérer
plus solide que d’autres en raison de la taille importante de l’échantillon, le taux d’abstention se
situerait à 65% pour les employés et les ouvriers, et dépasserait le 70% pour les moins de 35 ans.
Mais la question ouverte porte sur ce que cette candidature dit des perspectives stratégiques d’un
parti qui, sorti en miettes de la présidentielle, avait décidé de s’engager dans la NUPES avant de
« suspendre » sa participation au mois d’octobre 2023.

Une première hypothèse, souvent évoquée, est celle d’une volonté de renégocier la NUPES sur la
base du résultat des européennes, ce qui permettrait au PS, si les sondages devaient se confirmer, de
jouer un rôle majeur dans la désignation du candidat commun à la présidentielle. Mais cette
interprétation apparaît plus que fragile : le PS a choisi non seulement de refuser une liste unique, mais
aussi de mener campagne sur des thèmes très clivants à gauche, qui l’éloignent radicalement non
seulement de la France insoumise, mais aussi du Parti communiste et d’une fraction non négligeable
des écologistes. De ce point de vue, le résultat des européennes n’a guère d’importance : si la
perspective était toujours celle d’un rassemblement de l’ensemble de la gauche, le PS n’aurait pas
désigné Glucksmann, ni décidé d’axer sa campagne sur la guerre comme unique instrument de
solution du conflit ukrainien. Il l’a fait, et l’enseignement qu’on doit en tirer est que pour les socialistes,
la NUPES est définitivement enterrée.

Une deuxième hypothèse prend ainsi corps : la décision de rompre durablement toute démarche
unitaire pourrait être le produit d’une nostalgie de la longue période qui a vu le PS dominer l’espace de
la gauche avec les autres mouvements réduits à la marginalité, une nostalgie qu’on sait être bien
présente parmi les cadres du parti. Cette perspective interprétative laisse cependant songeurs tant elle
relèverait de l’absence complète d’analyse des échecs subis en 2017 et 2022. La crise du Parti
socialiste a été celle de la gauche d’accompagnement, dont le projet depuis les années 1980 était une
transition vers le capitalisme néolibéral accomplie « en douceur », qui éviterait toute rupture brutale à
la Thatcher, avec des réformes institutionnelles s’attachant d’abord aux domaines les moins
directement connectés aux intérêts populaires, comme le système financier ou le commerce
international, et menées dans une logique de compromis, à l’image du gouvernement Jospin qui a
battu les records en matière de privatisations tout en concédant la réduction de la durée légale du
travail à 35 heures.

Si cette stratégie a fonctionné pendant presque quatre décennies, elle était destinée à rencontrer sa
limite : au moment où la poursuite de la réforme néolibérale imposait de s’attacher à la relation
salariale et à la protection sociale, le bloc de soutien au PS s’est scindé en deux, avec d’une part les
groupes sociaux décidés à prolonger le mouvement qui ont rallié Macron, et d’autre part les catégories
populaires définitivement dégoutées par l’action des gouvernements socialistes qui ont pris d’autres
directions, principalement vers l’abstention ou vers la gauche de rupture, au cri de « jamais plus le
PS ». L’impossibilité de François Hollande de se représenter et le mauvais résultat de Benoit Hamon,
puis la déroute d’Anne Hidalgo ne sont pas des événements à l’intérieur d’une parenthèse qu’il
s’agirait de refermer : la stratégie de la gauche d’accompagnement, à une époque gagnante, n’est
aujourd’hui plus viable.

En créditant d’un minimum d’intelligence politique les dirigeants socialistes, il faut donc douter de la
pertinence de cette deuxième hypothèse et en formuler une troisième en mesure de rendre compte du
choix de se ranger derrière Glucksmann. La lutte pour succéder à Macron dans la représentation du
bloc bourgeois est destinée à s’ouvrir dans la période qui vient, et rien ne dit qu’elle sera réservée aux
composantes de la minorité présidentielle. La dérive droitière du Président et de ses fidèles laisse
d’ailleurs imaginer qu’un espace puisse s’ouvrir pour un candidat en mesure de rejouer la campagne
« progressiste » du premier Macron, et il y a beaucoup de raisons pour imaginer que le profil de
Glucksmann soit adapté à une telle tâche.

Cependant, même dans les sondages sur les prochaines européennes qui lui sont les plus favorables,
il n’y a pour l’instant aucun signe d’une capacité du PS d’intercepter le soutien ne serait-ce que d’une
petite fraction du bloc bourgeois : celui-ci s’effrite, mais exclusivement à l’avantage de la droite et
(surtout) de l’extrême-droite, alors que le total des voix pour les listes socialiste et écologiste est, dans
tous les sondages, au mieux identique à celui de 2019[6]. Mais de façon plus fondamentale, il faut
rappeler quels étaient les axes structurants de la première campagne macroniste : accent sur
démocratie, libertés publiques, droits individuels, certes ; attachement total à la construction
européenne, évidemment ; mais aussi volonté ferme d’amener à son terme la transition néolibérale, y
compris au prix de réformes impopulaires sur le travail et la protection sociale.
C’est sur ces axes que le bloc bourgeois s’est construit, et c’est la capacité d’être crédible sur les trois
axes qui sera déterminante pour savoir si un autre Macron est vraiment possible [7] . Concrètement,
pour le PS cela reviendrait non seulement à se payer plein de mots sur l’Europe et la démocratie,
exercice qu’il maitrise parfaitement, mais aussi à réhabiliter la loi El Khomri et François Hollande, ce
qui n’est pas à exclure mais qui demanderait d’effacer de la mémoire des électeurs toutes les critiques
formulées par le parti à leur encontre, l’inventaire « sans concession » dressé par Olivier Faure du
quinquennat de l’ancien président[8], la participation à la NUPES, l’alliance aux législatives avec la
France insoumise. Bref, si l’idée est de se positionner de sorte à représenter un bloc bourgeois par
ailleurs déclinant, l’éphémère virage à gauche de la période qui va de mai 2022 à octobre 2023
pourrait se révéler un handicap insurmontable.
Même si c’est à des degrés divers, chacune de trois clés de lecture évoquées a de quoi laisser
perplexe. Il y en a en revanche une quatrième qui paraît plus pertinente. Il est possible que le PS ait
tiré comme enseignement de ses derniers échecs l’impossibilité de jouer de nouveau un rôle de
premier plan dans le gouvernement du pays, et qu’il considère désormais comme objectif prioritaire
simplement sa survie : ce qu’on pourrait appeler « le syndrome PCF ». La décision d’intégrer la
NUPES, qui restera peut-être dans les mémoires comme la dernière tentative socialiste de traduire
une ambition nationale dans une stratégie politique, impliquait un risque sur la viabilité d’un parti
qu’elle a profondément divisé.

Faure n’a gagné le congrès de janvier 2023 qu’avec un très faible écart, résultat d’ailleurs contesté par
ses opposants ; et tout indique qu’au moins depuis octobre, il a perdu la main sur un parti aujourd’hui
dominé par son ancienne minorité, une (ex)-minorité constituée très largement par des élus locaux
dont les choix stratégiques sont liés bien davantage au renouveau de leurs mandats qu’à un projet de
gouvernement pour la France. Il suffit de rappeler que ses figures principales s’appellent Carole Delga,
présidente de la région Occitanie (ovationnée sur demande de Glucksmann au meeting toulousain du
23 mars), Nicolas Mayer-Rossignol, maire de Rouen, Michaël Delafosse, maire de Montpellier, ou
encore Anne Hidalgo, maire de Paris. Tous réunis aujourd’hui, avec Faure, dans le soutien à
Glucksmann, dont la candidature s’explique avec la nécessité de réunifier un parti menacé de
disparition à cause des mauvais résultats électoraux mais aussi de ses fractures internes.

Ainsi, comme je l’ai indiqué, le résultat des européennes à venir, quel qu’il soit, ne jouera guère dans
la renégociation d’une NUPES que le PS a décidé de dissoudre définitivement ; il pourra
éventuellement donner quelques illusions, mais bien fragiles, aux nostalgiques des années glorieuses
du parti ; et se révèlera très probablement inefficace pour ceux qui voient dans l’essayiste
néoconservateur le successeur possible de Macron. Mais si elle ne correspond à aucun projet
politique national solide et cohérent, la candidature Glucksmann permet aujourd’hui au PS de se
considérer comme enfin ressoudé : l’appareil n’est pas mort, comme n’est pas morte sa capacité
d’aider des notables locaux à garder leur place.   

*

Illustration : Wikimedia Commons.
Notes
[1] « Raphaël Glucksmann: « Il faut humilier Poutine en Ukraine » », L’Echo, 28 avril 2023.
[2] « Dans la famille Glucksmann, le fils est conseiller de président », Le Monde, 5 octobre 2011.
[3] A. Glucksmann, R. Glucksmann : Mai 68 expliqué à Nicolas Sarkozy, Denoël,
2008.
[4] R. Glucksmann : « Nous avons évité la mort clinique, mais la maladie, elle, demeure », tribune
publiée dans Le Monde, 8 mai 2017.
[5] Ipsos –CEVIPOF : Enquête Electorale Française : Européennes -Vague 3,
Mars 2024. L’échantillon utilisé est de 11.770 personnes.
[6] Aux européennes 2019, le total des listes conduites par Jadot et Glucksmann était de 19,7%,
auquel il faudrait ajouter au moins une partie des voix qui s’étaient portées sur la liste Hamon (3,3%).

Dans les huit sondages publiés à ce jour sur les européennes 2024 depuis début mars, le total des
listes PS et EELV varie entre 17 et 20%.
[7] P. Rimbert : « Un autre Macron est possible », Le Monde diplomatique, décembre 2018
[8] « PS : Faure tourne la page Hollande et fustige son bilan », Les Echos, 28 janvier 2019
Lire hors-ligne :
élections, élections européennes, gauche, Glucksmann, macronisme, néolibéralisme, NUPES, parti socialiste, social-
libéralisme, Union européenne
« Le capitalisme, la terre, les communs

Usines récupérées et autogestion écologique. Vers une alternative au capitalisme ve

Tag(s) : #Actualité politique et sociale, #Republique, #politique
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