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PARTAGE OU PARTITION

C’est le vocabulaire anglo-saxon des négociations d’Oslo qui, en préférant la notion de « partition » à celle de « partage », à privilégié une logique de séparation.

« En se focalisant sur cette volonté de faire coïncider la carte d’identité et le territoire, on est certain de ne jamais y arriver[1]… »

A Jérusalem en particulier - où vivent 40 % de Palestiniens - cette logique de séparation est impossible à réaliser parce qu’elle est concrètement impraticable. Dans des espaces de cette ville tout s’entrecroise, les quartiers, les rues, les bâtiments, les étages des bâtiments. Faudra-t-il comme à Hébron, mettre des barbelés horizontaux entre les étages avec des bâtiments avec des miradors, des check-points, des armements un peu partout.

Dans une logique de partage équitable, Jérusalem deviendrait la capitale de deux États, comme prévu par l’ONU lors de l’indépendance d’Israël. Où dans le cadre d’un État binational, qui était une proposition initiale, un choix finalement non soumis au vote de l’Assemblée générale. L’ex-futur Parlement palestinien bâti par l’Autorité palestinienne, existe toujours dans le quartier Abou Dis. Toutes les grandes institutions nationales israéliennes – la Knesset, la plupart des ministères, la Banque centrale – se trouvent elles, très à l’ouest des murailles de la vieille ville, essentiellement palestinienne, mais colonisée peu à peu.

Le dérapage a commencé dès le début de l’administration du territoire par la Grande-Bretagne, au lendemain de la première guerre mondiale. Elle avait confié cette tâche au Colonial Office qui y appliquait les mêmes méthodes brutales que dans ses autres colonies. On était très loin de l’objectif du « droit des peuples à disposer d’eux-mêmes », en complète contradiction avec le fait reconnu que chaque « nation » doit obtenir son État. Le foyer juif a accru son importance, est devenu l’État d’Israël au détriment des Palestiniens qui ont été privé du leur par la guerre, malgré les accords d’Oslo qui devaient enfin aboutir à cette perspective. 

Il faut rappeler ces faits historiques déjà évoqué.

En 1947[..] Les organisations sionistes font en sorte que cette option de l’État fédéral ne soit pas mise au vote, à une époque où les juifs représentent environ 15 % de la population de la Palestine historique et possèdent seulement 10 % du sol. Ce qui est mis au vote, c’est un projet de partition territoriale offrant 55 % des terres au futur État juif de Palestine et 45 % à l’État arabe de Palestine. Chacun sait pertinemment quelles seront les réactions des parties en présence.

Quelle entité politique accepterait de passer de 92 % de la terre à 45 %, en signant un plan de partage ? La première guerre israélo-arabe se produit donc en toute logique et impose une ligne de cessez-le-feu qui octroie à Israël 78 % de la Palestine mandataire pour 22 % aux Palestiniens, à savoir la Cisjordanie, Gaza et Jérusalem-Est[2].

Les Israéliens ne ce sont pas contentés de cela, ils ont voulu encore plus, coloniser toute la Palestine, plutôt que de s’assurer d’un refuge sûr aux frontières stables et reconnues.

Aujourd’hui, à Gaza comme à Jénine, on passe de l’horizon suprématiste à : « je te supprime », « je t’expulse » ou « je t’extermine ».

 

Comment dépasser cette apocalypse voulue par les suprématistes d’Israël comme du Hamas, les messianistes évangélistes chrétiens et juifs ?

En Palestine, on ne voit pas comment l’ascension du Hamas pourrait être freinée, et en même temps tout indique que si Marwan Barghouti était libéré demain, il remporterait les élections haut la main, à la fois contre les affidés de Mahmoud Abbas et contre le Hamas. Car les Palestiniens sont aujourd’hui face à un risque véritablement existentiel, le risque d’un véritable génocide. Car ceux qui son parvenus au pouvoir sont ceux qui ont provoqué et soutenu l’assassinat du premier ministre Yitzhak Rabin en 1995 ; l’assassin Yigal Amir n’était pas un monstre isolé, il était le fruit d’une armée idéologique d’extrême-droite et d’intégristes religieux qui pensent qu’il faut hâter l’apocalypse pour que le messier arrive.

Vladimir Ze'ev Jabotinsky (1880-1940), pensait déjà dans les années 1930 que la population autochtone n’accepterait jamais de se voir déposséder de sa terre, et qu’il faudra donc l’expulser, par la force. Ben Gourion le travailliste sioniste l’affirmait aussi et Netanyahou est un disciple de celui qui organisait dès les années 1920, des milices paramilitaires qui sont les ancêtres directs des groupes de colons aujourd’hui surarmés par Itamar Ben Gvir, le ministre de la sécurité nationale.

Quelle solution ?

Deux Etats ? Une solution tendue impossible par la colonisation massive de la Cisjordanie, sauf à évacuer les 750 000 colons, au risque d’une guerre civile.

La solution à un État est-elle encore possible depuis les massacres du 7 octobre d’un côté, l’écrasement de Gaza et les tueries des colons de l’autre ? En réalité, l’État unique existe déjà de facto puisqu’ il n’existe qu’une seule armée (l’armée israélienne), une seule monnaie (le shekel israélien) et une seule frontière internationale, contrôlée par Israël. Sauf qu’il s’agit d’un État d’apartheid.

« Un autre projet existe au sein de la gauche radicale israélienne, mobilisant y compris des Palestiniens d’Israël, celui dit « Two States, One Homeland », qui envisage deux États, de part et d’autre de la ligne de cessez-le-feu de 1949-1967, mais qui autoriserait d’un côté les colons israéliens à demeurer sur le territoire de l’État palestinien, et de l’autre les réfugiés palestiniens à revenir s’établir en Israël[3] ».

Elie Barnavi, ancien ambassadeur d’Israël en France, historien des guerres de religion en Europe, évoque la possibilité - ou la nécessité - d’une « guerre civile » pour réussir à désarmer les colons les plus radicaux de Cisjordanie. Prise de parole surprenante ! Mais la guerre actuelle comporte un « risque existentiel pour les deux peuples – risque existentiel à court terme pour les Palestiniens, risque existentiel à moyen et long terme pour les Israéliens »[4].

 

[1] Vincent Lemire, historien

[2] Vincent Lemire, historien

 

[3] Vincent Lemire, historien

[4] Source et extraits de : interview de Vincent Lemire par Joseph Confavreux : « Les moments historiques tragiques créent des espaces de politisation inédits » dans Mediapart du 9.12.2023.

Tag(s) : #POLITIQUE, #PAIX, #PALESTINE
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