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Selon des extraits d’un article, publié le 15/12/2018, de Oliver Costa, directeur de recherche au CNRS et directeur des études politiques au Collège d'Europe, Sciences Po Bordeaux. La version originale de cet article a été publiée sur le site The Conversation, dont France info est partenaire[1].

Certains affirment à satiété depuis un mois que "les gilets jaunes sont le peuple". C’est un raccourci problématique à plusieurs égards. Dans un système démocratique, "le peuple", c’est la communauté formée par l’ensemble des citoyens. C’est une abstraction, un idéal qui permet de penser le vivre en commun.

Il reste à savoir ce que veut le peuple. Par convention, on peut s’en approcher par le suffrage universel. A la présidentielle de 2017, rappelons que 37 millions de citoyens se sont rendus aux urnes. On peut insister sur l’importance de l’abstention et du vote blanc et nul, mais 37 millions, cela reste 100 fois plus que les plus importantes mobilisations de gilets jaunes.

La règle majoritaire est une approximation de ce que "veut" le peuple. En France, pour certaines élections du moins, notamment pour les présidentielles, le mode de scrutin veille à ce qu’une majorité se dégage. Au second tour, on contraint les électeurs à choisir entre deux candidats seulement, de sorte que le vainqueur puisse clamer avoir été élu par une majorité. C’est là encore une illusion, mais les électeurs jouent habituellement le jeu. Ainsi, ils confirment toujours le résultat de l’élection lors des législatives, car ils savent que – en France du moins – l’existence d’une majorité claire est indispensable au bon fonctionnement des institutions et à la conduite de l’action publique.

Certes, cette majorité est un peu artificielle, et Emmanuel Macron a sans doute perdu de vue qu’il a été élu par de nombreux citoyens qui entendaient, avant tout, s’opposer à Marine Le Pen. En outre, la démocratie ne s’épuise pas dans le vote, et la majorité ne peut pas tout imposer. Les citoyens doivent pouvoir s’exprimer entre deux élections. C’est la raison pour laquelle la démocratie garantit le droit de s’exprimer, de s’engager dans un parti, un syndicat ou une association, de manifester, de faire grève, de signer une pétition. Par ailleurs, les droits des minorités doivent être défendus par la Constitution et le droit, et par les autorités.

En France, la démocratie reste largement fondée sur la représentation. Les mécanismes de démocratie participative jouent un rôle modeste, les corps intermédiaires sont traditionnellement considérés avec suspicion, les juges ont une influence relativement modeste, et les élus ont une grande autonomie d’action. En effet, les députés ne sont pas censés représenter leurs électeurs, mais la nation, et le président jouit d’importantes prérogatives, dans une approche de sa fonction très gaullienne, voire bonapartiste.

La crise des "gilets jaunes" est sans doute l’occasion de repenser tout cela, et de donner plus de poids à des mécanismes de démocratie participative et délibérative. Elle est aussi une salutaire mise en garde pour les gouvernants qui ont trop fait abstraction de la manière dont certaines mesures ont été perçues par la population. Réforme de l’ISF, baisse des APL, hausse de la CSG pour les retraités, limitation à 80 km/h ou fiscalité sur le gazole sont autant de décisions qui ont suscité de fortes récriminations qui n’ont pas été entendues, au nom de l’idée que le président avait un mandat clair et un projet pour la France, et qu’il devait garder le cap.

Il n’en reste pas moins qu’une minorité, même très mobilisée, même bénéficiant d’un soutien de l’opinion publique, ne peut pas se substituer à la majorité et effacer les résultats des élections. Les "gilets jaunes" sont un mouvement d’ampleur, mais on n’a jamais eu plus de 300 000 personnes dans la rue. La foule n’est pas le peuple et 300 000 personnes ne peuvent pas décider pour le peuple.

AG

Cela est juste, mais il convient d’ajouter que le mouvement a reçu le soutien d’une large majorité de gens selon toutes les études menées. Dans une crise de ce genre, qui n’est pas seulement revendicative, mais en fait de régime, la démocratie voudrait que l’on retourne aux urnes, pour avoir l’avis du peuple. Trois possibilités :

- le référendum pour l’approbation ou le rejet des propositions du Président Macron ;

-la dissolution de l’Assemblée nationale et le retour aux urnes pour connaître le choix du peuple.

Cependant, le système étant ce qu’il est, monarchiste, bonapartiste, il faut en changer et élire une Assemblée Constitutionnelle pour une nouvelle constitution républicaine qui permette aux divers courants de pensée et catégories sociales d’être mieux représentées et plus paticipatives.

-donc l’élection d’une assemblée constituante.

La logique du "tout ou rien"

En outre, comment intégrer la violence à cette équation ? Une manifestation violente est-elle plus ou moins légitime qu’une manifestation pacifique ? Certains estiment que la violence est un indice du degré de mécontentement des manifestants (de "désespoir", diraient ceux qui les soutiennent) et que le gouvernement doit être plus à l’écoute en cas de débordements. Mais, une fois encore, peut-on gouverner un pays ainsi ?

Ce qui caractérise le mouvement des "gilets jaunes" depuis le premier jour, c’est la méconnaissance des règles habituelles de la mobilisation, qui doit opérer à travers un ensemble d’outils démocratiques et pacifiques : pétitions, tribunes dans la presse, manifestations (déclarées et encadrées), contacts avec les élus, grèves…

Le mouvement avait trouvé, avec le gilet jaune, un marqueur de mobilisation très astucieux : chaque automobiliste français était équipé de cet accessoire visible, facile à porter ou à mettre en évidence sur son tableau de bord. Mais les initiateurs du mouvement ont choisi d’emblée d’opter pour des formes d’action illégales : manifestations non déclarées en préfecture et dépourvues de responsable et de service d’ordre, blocages de routes et de commerces, violences envers les automobilistes récalcitrants et les forces de l’ordre, dégradations et incendies volontaires…

Ils ont en outre, par principe, refusé de rencontrer les représentants de l’État et cherché à imposer leurs revendications de manière unilatérale, dans une logique du "tout ou rien". Si n’importe quelle organisation – mouvement politique, syndicat, association, collectif – s’était rendue coupable du dixième des exactions commises par le mouvement des "gilets jaunes", elle aurait sans doute été rapidement dissoute.

En l’espèce, l’impunité règne, car le mouvement n’a pas de structure et de représentants officiels : chacun peut s’improviser porte-parole des "gilets jaunes" auprès de médias très complaisants, sans endosser la moindre responsabilité, ou se livrer à une surenchère sur les réseaux sociaux.

La question de la violence, nœud du conflit

Certains commentateurs relativisent cette violence structurelle. Ils opposent la violence du gouvernement, qui étrangle de taxes les classes laborieuses et fait montre d’arrogance, et celle des manifestants. Ils comparent les débordements des "gilets jaunes" à ceux des supporters de foot les soirs de victoire ou à ceux du Nouvel An. Ils renvoient dos à dos casseurs et forces de l’ordre. Le citoyen qui se promène aujourd’hui dans les rues désolées de Paris, Bordeaux, Saint-Etienne ou Toulouse, entre carcasses de voitures brûlées, barricades et devantures de magasins défoncées, pourra difficilement considérer que ce ne sont que les inévitables effets collatéraux d’un mouvement fondamentalement non violent.

La question de la violence est le nœud de ce conflit. Elle en constitue alternativement la légitimité ("Il faut prendre en compte les revendications de ces gens en colère") et l’illégitimité ("On ne cède pas aux casseurs et aux factieux"). Car, sitôt que le pouvoir accède à des revendications exprimées avec violence – et le gouvernement n’a eu d’autre choix que de le faire, pour que la pression retombe –, on encourage d’autres groupes sociaux à adopter des comportements inciviques et délictueux.

Pourquoi faire grève des semaines durant ou se réunir pacifiquement – à la manière du mouvement Nuit debout – pendant des mois sans rien obtenir si, en mettant à sac les Champs-Elysées ou en incendiant une préfecture, l’on provoque un recul immédiat du gouvernement ? La manière dont certains lycéens se sont récemment "mobilisés" – en brûlant des voitures et en s’équipant pour en découdre avec les forces de l’ordre – montre que le recul face à la violence crée des effets de contagion difficilement contrôlables.

AG

Le pouvoir est largement responsable de cette violence qu’il a souvent provoquée et entretenue pour déconsidérer le mouvement. Ensuite, en cédant sous la pression, il a encouragé le sentiment de déconsidération et de rejet des instruments démocratiques et contre-pouvoirs que sont les syndicats, les partis politiques et les associations. On aboutit de ce fait à l’anarchie individualiste au lieu de renforcer le collectif et le sociétable, le vivre ensemble.

.. On rappellera alors que 80% des Français désapprouvent l’action du président. Mais qui peut se dire satisfait de son action alors que la France vit une situation insurrectionnelle, que les citoyens sont empêchés de circuler à leur guise ou de travailler, que les chaînes de télévision passent en boucle des images de guérilla urbaine ? Le citoyen de bonne foi ne peut que constater que le président s’y prend mal pour gouverner le pays.

Pour autant, est-ce que les 80 % de sondés seraient prêts à porter Jacline Mouraud ou Éric Drouet au pouvoir, ou l’un des leaders de l’opposition ? Jean‑Luc Mélenchon, Marine Le Pen, Laurent Wauquiez et Olivier Faure [...] les sondages les plus récents montrent qu’aucun ne tire bénéfice du mouvement..

Une majorité attachée aux institutions et à la paix sociale.

Nul ne sait où va ce mouvement. La mobilisation est numériquement en baisse, mais les plus radicaux pensent leur heure venue et ne vont sans doute pas relâcher la pression. Les échauffourées ne sont plus le fait de gilets jaunes, mais d’extrémistes, de casseurs et d’opportunistes.

[...] mouvement marqué par une ligne politique confuse, par sa fascination pour la violence et par son refus de la négociation.

Les Français ont, dans un premier temps, largement approuvé les "gilets jaunes" parce qu’ils partageaient leurs revendications, étaient déçus par le gouvernement ou manifestaient une certaine sympathie pour un mouvement inédit. Certains étaient sans doute aussi mus par une forme de suivisme, de culpabilité de classe, de griserie médiatique ou de romantisme révolutionnaire. D’autres refusaient d’afficher leur soutien à un gouvernement sourd aux revendications, et désapprouvaient le discours de ceux qui affichaient leur mépris pour cette mobilisation populaire ou dénonçaient un peu rapidement la "peste brune".

« Ce qui n’était encore que le sentiment d’une partie de la nation parut ainsi l’opinion de tous, et sembla dès lors irrésistible aux yeux mêmes de ceux qui lui donnaient cette fausse apparence. » (De la démocratie en Amérique. Tocqueville - Laffont, p. 1045)The Conversation ».

AG : Voilà qui devrait inciter à la réflexion et à la juste mesure des évènements auxquels nous assistons ou participons.

je n’ai pas publier le texte intégral, seulement les parties qui recueillent mon adhésion ou ma réflexion, mais on peut trouver ici le texte intégral :

https://www.francetvinfo.fr/economie/transports/gilets-jaunes/point-de-vue-les-gilets-jaunes-representent-ils-vraiment-le-peuple_3100373.html#xtor=EPR-2-[newsletterquotidienne]-20181215-[lestitres-coldroite/titre1]

 

 

[1] Mes commentaires, AG, sont en italique.

Tag(s) : #POLITIQUE
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