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La famille et la femme, discriminations, traditions et religions

La famille est la cellule de base de l’éducation des enfants, sauf pour certaines ethnies communautaires comme les Oromo, les Konso, les Borana.

Dans les familles paysannes, (80% de la population), l’enfant est éduqué avec un grand sens du respect dû aux parents et en particulier la soumission au père. Les enfants assurent beaucoup de tâches dès le plus jeune âge, le service, et ne partagent pas le repas avec leurs parents. L’éducation est sexuée, les voies sont différentes pour les garçons et les filles. Les garçons gardent le bétail et aident aux travaux des champs. Les filles aident la mère aux travaux domestiques, les corvées pour le bois, l’eau, la cuisine, la traite des vaches et des chèvres, porter les produits au marché ; j’en ai vu très souvent le long des routes et sur les chemins lourdement chargées de ballots, sacs, paniers bidons, tout comme leurs mères. L’éducation traditionnelle consiste à en faire de bonnes épouses. Elles doivent s’occuper également des enfants du ménage, les plus petits. On voit aussi des grands frères dans ce rôle.

« En Ethiopie, 83 % des enfants éthiopiens de 5 à 14 ans travaillent, le pourcentage s’élevant à plus de 97 % pour les enfants de plus de 14 ans. Lessecteurs domestiques, agricoles et de l’économie informelle sont ceux qui utilisent le plus la main d’œuvre infantile[1]. »

Aujourd’hui, beaucoup d’enfants sont néanmoins scolarisés, les deux-tiers des moins de vingt ans sont alphabétisés. Mais, selon l’UNICEF, si la moitié d’une classe d’âge accède à l’école primaire, 26 % des garçons et seulement 19 % des filles peuvent accéder à l’enseignement secondaire. Pour beaucoup, l’éloignement entre le domicile et l’école, surtout pour le secondaire, sont des obstacles à une scolarisation. Comme dans beaucoup de pays en voie de développement, c’est une grosse difficulté en l’absence de ramassage scolaire pour ceux qui habitent dans des lieux, des hameaux éloignés de la ville. A la distance s’ajoutent les intempéries. Une solution est d’aller dans des écoles religieuses où l’on est pris en charge, dans les monastères orthodoxes ou les écoles coraniques, où évidemment l’enseignement dispensé est plutôt traditionnaliste. Dans certains monastères démunis, les étudiants devaient cependant mendier leur nourriture dans les villages environnants tout comme le font les moinillons bouddhistes à Luang Prabang au Laos. Les femmes mariées à un âge précoce ne vont pas à l’école (seulement 9 % des filles mariées s’y rendent). Il est estimé que le taux d’alphabétisation des femmes est de 15 à 23 % alors qu’il est de 50 % pour les hommes.

Le Mariage

Pour les orthodoxes, le mariage est indissoluble et la monogamie est de rigueur. Pour cette raison, de nombreuses unions sont célébrées en dehors de l’église, et les divorces et remariages sont fréquents. Pour les musulmans et les animistes, la polygamie est couramment pratiquée. Si la virginité, féminine évidemment, est sacralisée pour les chrétiens et les mahométans, ce n’est pas une obligation dans beaucoup de tribus animistes. L’âge légal du mariage qui a été porté à 18 ans n’est que très peu respecté : L’adoption d’amendements au Code de la Famille en 2001 a augmenté l’âge légal minimum du mariage à 18 ans pour garçons et filles (art. 7) et a aboli la disposition conférant l’autorité au mari en tant que chef de famille ; il a également ajouté un cas de divorce par consentement mutuel des époux (art. 76).

Le droit des femmes : L’adoption du Code Pénal en 2005 a criminalisé plusieurs pratiques traditionnelles telles que les enlèvements (art. 586), la circoncision féminine, l’infibulation ou autres pratiques traditionnelles néfastes (art. 565, 566 et 567), le mariage précoce ou forcé (art. 648), l’héritage de la veuve, la polygamie (art. 560). Il a également criminalisé la violence conjugale (art. 564).

Et même : l’adoption du Plan National d’Action pour l’Egalité des Genres 2006-2010 en 2005. Ce qui est plutôt rare en Afrique.

Mais, pour respecter le droit traditionnel, la Constitution reconnaît aussi l’application du droit coutumier et religieux parallèlement au droit écrit, notamment en matière de droit de la famille qui est particulièrement discriminatoire à l’égard des femmes (art. 34). Selon cette disposition, les conflits concernant les droits dans le mariage, les droits personnels et familiaux peuvent être réglés par des Cours de charia !

En pratique.

- En pays Amhara : 48 % des filles sont mariées avant l’âge de 15 ans… En 2005, on estimait que 26,6 % des filles de moins de 19 ans étaient déjà mariées…

- Malgré son interdiction, chez les musulmans la polygamie reste prédominante en Ethiopie rurale.

- Une étude de la Banque Mondiale conduite en juillet 2005 a conclu que 88 % des femmes en milieu rural et 69 % en milieu urbain considèrent que leur mari a le droit de les battre. De plus, les autorités ne considèrent pas la violence domestique comme une justification sérieuse au divorce…

Il est estimé qu’environ 8 % des femmes mariées dans le pays ont été enlevées et forcées à se marier, en particulier dans les ethnies du sud.

- Les femmes sont également discriminées sur le plan de l’héritage et de la propriété alors que le droit ne les discrimine pas en principe, en pratique et du fait de traditions ou de coutumes, les femmes et les filles sont exclues de celui-ci. Dans certaines familles musulmanes, le garçon reçoit les deux tiers du patrimoine alors que la fille n’en obtient que le tiers et les enfants mâles héritent de la terre[2].

Pour illustrer, citons un cas qui explique bien la condition de la femme, qui ne vaut que par sa capacité de travail et de reproduction. Pour les hommes de la paysannerie vivant dans une extrême pauvreté, les femmes et les filles ne valent guère plus que le bétail et sont considérées comme tel :

« En 2012, « Eden », jeune fille âgée de 14 ans originaire d’Éthiopie, est contrainte de fuir le domicile familial où elle est menacée de mariage forcé. En effet, après le décès subit de sa sœur aînée, l’époux désormais veuf exige auprès du père le remboursement de la dot ou le remplacement de la défunte par sa sœur cadette. Refusant de se soumettre à ces exigences, auxquelles son père veut se plier, « Eden » prend la fuite et se rend à Dire Dawa avec sa mère…[3] »

Il est inutile de condamner moralement de telles pratiques, de s’indigner, si on ne fait rien pour améliorer les conditions d’existence et d’éducation de ces populations …

La pauvreté est l’une des causes principales du mariage précoce. Quand la misère est grande, une fille jeune peut représenter une charge, et son mariage avec un homme bien plus âgé (quelquefois un vieillard), usage répandu dans certaines sociétés du Moyen-Orient et de l’Asie du Sud, est une stratégie de survie familiale considérée parfois même comme avantageuse pour la jeune fille. Dans les sociétés traditionnelles d’Afrique subsaharienne, il arrive que la famille de la future mariée reçoive du bétail de la part du promis ou de ses parents pour prix de leur fille.

Les MGM : LES MUTILATIONS GENITALES FEMININES

En dépit de légères différences entre les différentes régions, quelque 80 % des femmes éthiopiennes âgées de 15 à 49 ans ont subi une forme de MGF. La pratique est légèrement moins courante chez les jeunes femmes des tranches d’âge inférieures (25 ans au plus). Elle est de 100 % dans les régions afar et somali, de religion musulmane ! La forme la plus répandue de MGF en Ethiopie est la clitoridectomie : 96,2 % des femmes et 96,5 % des filles ont subi une forme d’excision sans fermeture du vagin[4]. Pour l’infibulation, 2,9% des femmes et 3,4% des filles ont été soumises à cette pratique.

– 52 % des femmes de 15 à 49 ans ont fait subir l’excision à au moins une de leurs filles, la plupart lorsqu’elles étaient en bas âge.

Les MGF restent très pratiquées : on estime qu’environ 74 % des femmes ont été victimes de MFG. Aucune poursuite judiciaire n’a été engagée jusqu’à présent contre les auteurs de MGF… (2005). Selon une déclaration de l’ONU du 27 octobre 2010 - Plus de 70 % des 40 millions de femmes éthiopiennes ont été excisées. Mais ce chiffre serait en train de diminuer rapidement. Espérons !

Sur le plan historique, ces pratiques ont été codifiées, en particulier par le roi Zar’a Yā‘eqob au milieu du XVe siècle. Il aborde en particulier la question de la place des femmes dans les rituels liturgiques et la question des coutumes concernant ces femmes, coutumes qu’il souhaite adapter voire supprimer. Il énumère les règles à observer pour les femmes. Certes il n’était pas pour l’égalité des sexes mais il refusait les mutilations. Il déclara dans une homélie : les vierges doivent assister jour et nuit au sacrifice de la messe ; en période de menstruation, elles restent devant l’église et ne doivent pas approcher du lieu du sacrifice. Après leurs règles, elles doivent se purifier et ensuite elles peuvent assister à la prière. Lors de la messe, les hommes et les femmes sont séparés et ne doivent pas se voir. Si les maisons des fidèles sont trop éloignées de l’église, les ecclésiastiques se rendent auprès d’eux le vendredi et enseignent aux hommes et aux femmes, séparément. Les fidèles doivent honorer le clergé, en le nourrissant. Puis, Zar’a Yā‘eqob s’attarde sur des pratiques qu’il juge non-chrétiennes et qu’il entend réprimer. Il s’agit d’une part de la « circoncision des femmes » et d’autre part de la nudité des jeunes filles du Tigré qui ne dissimulent que la moitié inférieure de leur corps jusqu’à leur mariage. C’est le sujet de l’excision qui retiendra notre attention. Un tiers de l’homélie pour le deuxième dimanche de chaque mois est consacré à ce problème. Zar’a Yā‘eqob commence par évoquer les pratiques de ceux qu’il désigne comme « les païens et les musulmans, habitant à l’est et à l’ouest de l’Éthiopie ». Il a entendu dire que ceux-ci font la circoncision des jeunes filles en coupant avec un rasoir leur « organe génital » et qu’après cela, ils font en sorte que le sang referme le trou, sans même laisser un orifice suffisant pour l’urine. Il s’agirait par conséquent de l’ablation des lèvres et d’une cicatrisation bord à bord. Lorsque la jeune fille se marie, son mari déchire avec ses doigts l’hymen de sa femme (on pourrait donc penser qu’il y a eu aussi infibulation). Si le mari est trop jeune, c’est son frère aîné qui se charge de cette tâche et s’il n’y parvient pas, alors le parrain le fait avec un rasoir. On dit alors qu’il a épousé la jeune fille par le rasoir. Puis le mari couche avec sa femme et une poterie en forme de phallus permet d’éviter que le sang referme les organes de la femme. À la suite de cette description extrêmement crue, Zar’a Yā‘eqob ajoute : « Les habitants du Tigré, chrétiens, ont adopté cet usage des musulmans et des païens[5].

Cependant, s’il condamne la pratique musulmane d’opérer, il légitime, la « circoncision féminine », par les chrétiens orthodoxes :

Au temps de sa circoncision, on ne taille pas sa chair avec un rasoir et on ne rend pas adhérent son organe génital avec le sang. On la circoncit comme il a été prescrit. Au temps de son mariage, son époux n’ouvre pas le cachet de la virginité de la femme avec les doigts de sa main et n’ouvre pas l’organe génital de la fille avec le rasoir comme Dieu l’a créé. Le cachet de la virginité de la fille sera ouvert avec l’organe de l’homme marié à cette fille et le rasoir n’entrera pas dans son organe génital, sauf le jour de sa circoncision, comme cela fut prescrit à Abraham[6]

Zar’a Yā‘eqob consacre de longs passages de son homélie à démontrer la nécessité de circoncire les filles, en se fondant sur l’Ancien Testament.[]

Au final, ce passage du Livre de la lumière de Zar’a Yā‘eqob impose à tous les chrétiens du royaume la « circoncision des femmes », puisque celles-ci sont soumises aux mêmes règles que les hommes, règles prescrites par Dieu dans la Bible. L’impact de cette généralisation de l’excision à tous les chrétiens du royaume est difficile à mesurer, puisqu’on ne sait pas si l’excision (et sous quelle forme ?) était déjà répandue ou non chez tous les chrétiens[7].

Et qu’en est-il donc de la prostitution dans ce pays?

La capitale hébergerait 150.000 prostituées : « Presque toutes les filles qui travaillent dans un bar à Addis Abeba sont des prostituées ». C’est le constat de l’association américaine Women at Risk (W.A.R)[8]. Les filles offrent leur service pour 30 euros dans les bars. C’est plus rentable que la rue, où les filles sont là aussi très nombreuses : elles « réclament des prix ridiculement bas, certaines le font pour moins de 2 dollars (1,30 euros) »… 60 % d’entre-elles ont entre 15 et 24 ans, selon une étude réalisée en 2002 par l’ONG Family Healt International en collaboration avec le ministère de la Santé éthiopien, 18,5 % avaient entre 12 et 19 ans. «La plupart des jeunes éthiopiennes fuient l'union forcée pour un autre esclavage comme domestiques sous-payées ou prostituées...» déclarait Virginie Gomez, de RFI le 08/03/2008.

« L'image de soi négative et l'expérience traumatisante étaient davantage marquées chez les filles qui avaient été victimes de viols et de prostitution enfantine que chez les victimes de mariages forcés, qui avaient encore la possibilité de recourir à un filet de sécurité sociale et qui bénéficiaient encore d'un certain statut social tant qu'elles avaient le statut de femme mariée. Les femmes séparées ou célibataires, de leur côté, se situent plus bas sur l'échelle sociale, avec toutes les conséquences de cette situation. » C’est une des constatations de l’étude menée par le docteur éthiopien Y. Wondie Yehualashet, cité par le Prof. M. Temmerman, (du Département d’uro-gynécologie, Universiteit Gent, Belgique)

[1] Forum on Street Children Ethiopia -Février 2009

[2] Source : www.africa4womensrights.org

[3] http://www.odae-romand.ch/spip.php?article527

[4] Source : UNICEF, Ethiopie EDS 2000

[5] La circoncision et l’excision en Éthiopie du XVe au XVIIIe siècle : lectures d’un rituel Marie-Laure Derat

[6] C. Conti Rossini, L. Ricci, 1964-1965, vol. 1, p. 91.

[7] Ibid 31

[8]

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