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Élection de Bolsonaro

Au début de l’année 2019, Jair Bolsonaro a pris ses fonctions de président de la République fédérative du Brésil. En octobre 2018, il a battu le candidat du Parti des travailleurs Fernando Haddad (56 % à 44 %), le remplaçant de Luiz Inácio Lula da Silva, ancien président du 1er janvier 2003 au 1er janvier 2011, jugé et condamné à 12 ans de prison pour corruption par le juge Sergio Moro, dans le cadre de l’opération anti-corruption Lava Jato (Station de lavage automobile). Lula était le candidat désigné du PT, en tête de tous les sondages, il n’a pas pu se présenter. Fernando Haddad fait un score honorable (44 %), mais perd car il n’a pas la popularité du chef historique du Parti des travailleurs. Lula avait quitté le pouvoir au terme de ses mandats avec plus de 82 % de popularité.

La politique de Lula

En 2003, Lula avait lancé la « Bolsa Família », un programme d'allocations familiales, le principal pilier de sa politique de lutte contre la pauvreté. Le revenu des plus pauvres a progressé de 14 % en 2004.

En 2004, il avait lancé le programme des « pharmacies populaires », destinées à rendre accessible les médicaments jugés essentiels aux plus défavorisés. En 13 ans d'existence, 43 millions de Brésiliens en bénéficieront ; il a été supprimé par le gouvernement conservateur de Michel Temer en 2017...

En 2006, les disparités de revenus au Brésil ont été ramenées à leur plus bas niveau depuis 1960 selon une étude de l'ONU[1].

Lula avait mis en place le programme Fome Zero (« Faim zéro »), qui permit aux familles indigentes l’accès aux produits alimentaires de base, par le biais d’aides sociales.

À l'été 2007, il a débloqué 2,6 milliards d'euros pour améliorer les conditions de vie dans les favelas (collecte d'eaux usées, raccordement à l'eau potable, à l'électricité, goudronnage des principales voies d'accès).

Lula a lancé un programme d'aides au logement nettement supérieur par son ampleur aux politiques développées jusqu'alors, plus de 40 milliards dans le logement.

Durant sa présidence, quelques 30 millions de Brésiliens sont sortis de la pauvreté[2], la malnutrition a reculé de 70 % et la mortalité infantile de 47 %. En reconnaissance de ces résultats, le Programme alimentaire mondial (PAM) et l'Organisation des Nations unies pour l'alimentation et l'agriculture (FAO) lui ont décerné en mai 2010 le titre de « champion mondial dans la lutte contre la faim »

Dans un pays marqué par les inégalités raciales, Lula a créé en 2003 un secrétariat d'État à la Promotion de l'égalité raciale qui, sous l'impulsion du PT et de mouvements noirs, a fait adopter en 2010 par le Sénat, un «statut de l'égalité raciale ».

En décembre 2003, Lula a fait durcir les conditions d'acquisition d'armes à feu, mais en octobre 2005, le principe d'interdiction de ces armes a été rejeté par référendum[3].

Bien que catholique, Lula da Silva s’est prononcé en faveur de la légalisation de l'avortement. Il s’est également déclaré favorable à la légalisation du mariage homosexuel.

Il a signé, le 21 décembre 2009, le décret lançant le troisième programme national des droits de l'homme ainsi que la création d'une Commission de réconciliation concernant la période de la dictature militaire (1964-1985). L'armée s'est opposée à la création de cette commission, deux des trois commandants militaires ont menacé de démissionner conjointement avec le ministre de la Défense Nelson Jobim. Le ministre chargé du Secrétariat des droits de l'homme, Paulo Vannuchi, ami de 30 ans de Lula, avait lui aussi menacé de démissionner, mais si le Programme des droits de l'homme était vidé de son contenu.

On estime à environ 400 le nombre de victimes (morts et disparus) pendant la dictature, aucun procès n'ayant eu lieu.

A partir de 2004, la création de zones de conservation et de réserves indigènes a entraîné une diminution substantielle de la déforestation.

Tout en conservant des relations étroites avec les États-Unis, Lula a rompu avec l'alignement traditionnel du Brésil sur Washington, et s’est rapproché du Venezuela de Chavez, des États de l'Amérique centrale, de l'Afrique et du Moyen-Orient. Le Brésil a accueilli pour la première fois, en mai 2005, un sommet Amérique latine-pays arabes, et reconnu la Palestine en 2010.

En mai 2006, il qualifia de « souveraine » la décision du président bolivien Evo Morales de nationaliser les champs de gaz boliviens exploités par Petrobras, alors que d'autres exigeaient l’envoi de troupes brésiliennes pour riposter contre le gouvernement bolivien. Il mit également fin à la vieille dispute avec le Paraguay en acceptant de revoir les termes de l’exploitation du barrage d'Itaipu.

Il milita pour la réforme du Fonds monétaire international (FMI). S'opposant au consensus de Washington, il signa avec Néstor Kirchner le consensus de Buenos Aires. Il s'opposa aux États-Unis lors du coup d'État de 2009 au Honduras en exigeant le rétablissement de Manuel Zelaya à la présidence. Celui-ci avait trouvé refuge à l'ambassade brésilienne avec sa femme Xiomara Castro. (En mars 2021, Xiomara remporte l'élection primaire du parti Libre et devient à son tour présidente de la République après sa victoire à l'élection présidentielle du 28 novembre 2021)...

Dilma Roussef, une ancienne guérillera avait succédé à Lula et avait été démise de ses fonctions, victime le 12 mai 2016 d’un coup d’État parlementaire rendu possible par la trahison de son vice-président Michel Temer, issu d’un parti de centre-droit, le MDB (Mouvement démocratique du Brésil). Ces trahisons sont hélas courantes dans la vie politique du pays.

Déjà en 2015, le tribunal électoral de São Paulo avait condamné Michel Temer à une amende de 80 000 réaux pour avoir fait des dons à son parti lors des campagnes électorales du PMDB en 2014, au-delà du plafond fixé par la loi.

Le 29 mars 2016, le PMDB avait retiré son soutien au gouvernement de Dilma Roussef alors qu'une procédure de destitution était ouverte pour le maquillage des comptes publics par le président de la Chambre des députés, Eduardo Cunha, réputé proche du vice-président. Il s’agissait d’évidence d’une manœuvre destinée à écarter Dilma du pouvoir, au profit de son vice-président Temer alors que Temer lui-même était impliqué dans plusieurs affaires de corruption. Dilma Roussef a été destituée par le Sénat le 31 août 2016. En septembre 2019, Temer affirmera que sa prise de pouvoir constituait un « putsch »[4]... Le 17 mai 2017, le journal brésilien O Globo l'a accusé, enregistrement à l'appui, d'avoir ordonné le versement de pots-de-vin pour acheter le silence d’Eduardo Cunha, ancien président de la Chambre des députés. Le 18 mai, la Cour suprême ouvrit une enquête pour obstruction à la justice et pour corruption passive. Il a été arrêté le 21 mars 2019 dans le cadre de l'opération Lava Jato. Le 25 mars, Michel Temer a été libéré en vertu de l'habeas corpus ; il a été à nouveau inculpé le 30 mars, puis de nouveau arrêté le 9 mai, puis libéré une semaine plus tard[5]... Un de ses proches, le colonel Lima, a également été arrêté.

En 2021, le Tribunal suprême fédéral a reconnu la partialité du juge Sergio Moro, le ministre de la justice de Bolsonaro, qui avait fait condamner Lula. Les deux condamnations ont été annulées pour vice de forme. Cette décision a permit à Lula de se présenter à l’élection présidentielle de 2022.

Jair Bolsonaro a pris ses fonctions de président de la République au tout début de l’année 2019. 

Le 19 mars, il a été reçu à la Maison blanche par Donald Trump qu’il admire et qui lui sert de modèle.  Leur vision du monde et des valeurs est commune : positions anti-avortement et pro-armes, en faveur de l’église et contre les institutions républicaines.

Leur premier communiqué commun stipule que le Brésil et les États-Unis appuient totalement Juan Guaido au Venezuela, « nommé » et autoproclamé président de la République par l’Assemblée nationale de son pays. Cette décision n’a aucune valeur et survient hors de toute légalité nationale comme internationale.

Le programme de Bolsonaro se résume à son idéologie : « Dieu – famille – patrie – liberté » et la lutte contre le « communisme ». Il bénéficie de l’appui des églises évangéliques qui prospèrent dans ce pays et détiennent une très forte représentation (30 % du corps électoral). Elles soutiennent ses propos anti-avortement.

Bolsonaro a exploité le thème de la criminalité et de la violence dans un Brésil où les gangs dictent leurs lois dans certaines favelas contrôlées par les trafiquants de drogue. Il a autorisé l’achat d’armes individuelles et laissé proliférer les milices armées. Les factions les plus actives de ses partisans d’extrême-droite se sont massivement armées et n’hésitent pas à tirer comme le fait la police militaire dans ses interventions dans les favelas. Il ne fait pas bon, dans certains quartiers d’être noir et rouge. Ma correspondante à Sao Paulo, métisse et vêtue de rouge - comme de nombreux partisans de Lula le jour de l’élection – ne voulait pas passer par certaines rues des quartiers très bourgeois du sud de Sao Paulo, de peur de se faire tirer dessus. D’autres favelas comme celle que j’ai visitée à Rio, au-dessus du quartier de Santa Teresa - sont parfaitement calmes, quand elles sont contrôlées par les associations sociales, bénéficiant d’un médiateur issu du quartier et de l’aide de la police municipale...

Bolsonaro a entrepris de se défaire des carcans administratifs qu’il attribue aux gouvernements de gauche, supprimé les aides aux plus défavorisés, aux associations et célébré la liberté d’entreprendre.

Le 9 novembre 2021, Bolsonaro a sonné la fin de la Bolsa Família, d’une valeur moyenne actuelle d’environ 190 réaux (30 euros) par mois, versée à environ 14 millions de familles. En plus de reprendre certaines allocations déjà existantes, le système baptisé Auxílio Brasil (“Aide Brésil”), inclus des bourses au mérite pour les jeunes se démarquant dans les compétitions sportives, scolaires et scientifiques. L’allocation de base aura une valeur moyenne supérieure de 17,8 % à celle du précédent programme. Mais “cette hausse correspond au rattrapage de l’inflation, l’allocation n’étant pas actualisée depuis 2018”.

Durant la première année de la pandémie, les difficultés alimentaires ont touché plus de la moitié des foyers brésiliens, soit 117 millions de personnes, et 19 millions, (9% de la population), ont connu une "insécurité alimentaire grave" en 2020. La dégradation subie par des millions de Brésiliens qui ont perdu leur emploi lors de la récession de 2014-2016, s'est accélérée quand Jair Bolsonaro a supprimé le Consea en 2019 et que les programmes de lutte contre la malnutrition ont subi des coupes sévères. La hausse des prix alimentaires, entraînée par la chute du réal, a frappé les plus pauvres. Sur un an de pandémie, les prix ont augmenté de 15%, soit près de trois fois le taux d'inflation. Le riz a flambé de 70%, l'huile de soja de 88%. En avril 2020, le gouvernement a annoncé que les familles déshéritées toucheraient l'équivalent de 94 euros par mois. Mais depuis, cette somme a été divisée par deux. La mesure a fini par coûter 45 milliards, soit trois fois plus que prévu. Le budget annuel des aides d'urgence a donc été ramené à 7 milliards. Quelques 22 millions de Brésiliens qui touchaient une aide d'urgence en 2020 n’ont rien perçu en 2021.

En 2020, le Covid avait frappé très fort et causé la mort de 786 000 personnes. Bolsonaro avait refusé le port obligatoire du masque, nié l’épidémie assimilée à « une simple grippe » et ses effets : « il faut résister à la maladie, on n’est pas des pédés », et banalisé la mortalité : « il faut bien mourir, nous mourrons tous un jour ». Il a été vivement critiqué pour son traitement de la pandémie et a perdu de son influence dans les milieux populaires pour sa légèreté et sa négation des difficultés auxquelles les populations étaient soumises. Un clivage s’est opéré à ce sujet.

Bolsonaro, le climat, la biodiversité.

Depuis 2019, « le budget dédié à l’agro-industrie a augmenté de 50 % et celui des mines et de l’énergie, de 406 % ». L’ONG, les Amis de la Terre s’est vue, expulsée de son siège brésilien dans l’État du Rio Grande do Sul, immédiatement après la victoire de Jair Bolsonaro. Elle dénonce les licenciements en chaîne « dans les institutions publiques en charge de contrôler les violations et les infractions à la législation ». Tous les agents concernés « ont été remplacés par des officiers militaires » dont le rôle fut dès lors de « prévenir les entreprises des dates de contrôle » et de rendre ces derniers totalement superflus...

La première année de son mandat, Jair Bolsonaro a sabré le budget public de l’Institut brésilien de l’environnement et des ressources naturelles renouvelables (Ibama) de plus de 30 %. Dans le même temps, celui de l’Institut Chico Mendes de conservation de la biodiversité (ICMBio) perdait un tiers de ses dotations publiques, relève Greenpeace. Quant au budget global du ministère de l’Environnement, « il enregistre son plus bas niveau depuis 2010 ».

Les peuples autochtones sont chassés de leurs terres, expulsés de leurs locaux, poursuivis en justice, accusés publiquement d’être à l’origine des feux de forêt qui ravagent l’Amazonie. Les coupables sont plutôt ceux qui coupent illégalement le bois, qui défrichent par incendie pour développer l’agro-industrie… « Une surface de 13 235 km2 a été déboisée rien qu’entre août 2020 et juillet 2021 », dénonce Thais Bannwart, de Greenpeace Brésil, « soit une augmentation de 75,6 % en un an ». Sur fonds d’orpaillage clandestin. Des terres dont dépendent « 23 millions de personnes, dont 34 000 autochtones », précise l’ONG.

Le Brésil a vu, depuis 2019, ses émissions globales de gaz à effet de serre augmenter de 10 %.

Revirement électoraliste

En juillet 2022, le gouvernement de Jair Bolsonaro, a fait voter par le parlement plusieurs postes de dépenses pour créer de nouvelles prestations sociales d'ici à la fin de l'année, à 81 jours de l'élection présidentielle...Ces dépenses de 7,6 milliards d'euros, ont fait l’objet d’un  décret «d’état d'urgence» afin de contourner la loi électorale qui interdit l'adoption de nouvelles lois en période électorale. L’objectif était évidemment d’obtenir un soutien électoral parmi la population des plus pauvres, après avoir supprimé les aides qui les avaient plongés dans la misère. Une augmentation de 50% du programme Auxilio Brasil, est passée de 400 à 600 réaux (environ 110 euros) par mois...

L'urgence actuelle (pour le gouvernement) est électorale, pas sociale», a analysé pour l'AFP Marcelo Neri, directeur du Centre des politiques sociales de la Fondation Getulio Vargas[6].

A ces mesures sociales de dernière heure, s’est ajouté un véritable plan stratégique de l’épouse pour intervenir dans les milieux évangéliques, une mise en scène populiste de plus, en visitant des hôpitaux, des écoles…

 

Tag(s) : #AMERIQUE LATINE, #international, #reportages
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