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L’Amazonie ne se limite pas aux rivages de l’Amazone, elle déborde dans huit pays : la Bolivie, le Pérou, l’Equateur, la Colombie, le Venezuela, le Guyana, le Surinam et la Guyane française.

Tous les peuples indigènes de l'Amérique, du Nord au Sud, étaient originaires d'Asie et peut-être d'Océanie aussi. Pendant une époque qui remonte à 40 000 ou 50 000 ans environ, quand l'agriculture, la céramique et le tissage n'avaient pas encore été inventés, quand l'humanité vivait au Paléolithique, des migrations ont commencé, notamment à travers le détroit de Béring pour aboutir au peuplement de ce continent. Environ 7 000 ans avant Jésus-Christ, dans les montagnes du Mexique central, des Amérindiens ont découvert la capacité germinative des semences de différentes plantes sylvestres, les ancêtres du maïs, de la courge, du haricot et de beaucoup d'autres légumes, qui ont été peu à peu domestiquées et sélectionnées, y compris en Amazonie. Certains estiment que les premiers chasseurs-cueilleurs sont arrivés en Amazonie, il y a environ 10 000 ans, probablement par les savanes intérieures, au centre des Guyanes. Pour arriver en Amérique du Sud, il y a deux voies : la voie andine et la voie amazonienne. Cette dernière serait plus ancienne, dans les Basses Terres, pour une raison logique. Du Panama, ils traversent la forêt et débouchent en Colombie. A l’ouest, ils trouvent devant eux des montagnes hautes de 6000 mètres et à l’est la forêt qu’ils connaissent. Certains groupes ont pu emprunter des routes littorales qui ont disparu sous l’eau puisque le niveau de l’océan a changé. 

Mais des restes humains trouvés en Amérique du Sud auraient environ 20 000 ans. Quelques trouvailles récentes (par exemple le squelette de Luzia à Lagoa Santa) sont morphologiquement différentes du génotype asiatique et sont plus proches des aborigènes africains et australiens. Ces peuples aborigènes auraient ensuite été absorbés par les émigrants d’origine sibérienne. Les natifs de la Terre de Feu à l'extrémité sud du continent américain sont peut-être les derniers descendants de ces populations aborigènes. Il convient de traiter le peuplement de l'est du continent qui pourrait être le fait de peuples originaires d'Asie (peuples asiatiques et de l'Océanie) du peuplement de l'ouest où des migrations ont eu lieu grâce à la glaciation.

Pour certains peuples, la vie sédentaire a favorisé l'élaboration de conditions matérielles d'une existence adaptée : l'architecture domestique, la céramique, le filage, le tissage, la production d'excédents pour les échanges. Une territorialité des groupes sociaux s’est créée, s’affrontant aux groupes de chasseurs–cueilleurs restés nomades.

L'agriculture, en Amérique du Sud, semble avoir eu son centre d'irradiation dans la région andine, puis s’est propagée vers l'Amazonie et vers une extension significative du littoral atlantique et du bassin du Prata.

Les données archéologiques commencent seulement à établir la date de ce processus ; elles sont liées à la découverte de la céramique. Pour le Brésil, la céramique fait ses débuts au premier millénaire avant Jésus-Christ ; elle semble être associée à la dispersion des trois groupes linguistiques que les anthropologues ont caractérisés comme agriculteurs de la forêt tropicale : le Tupi, l'Aruak et le Karib. Ces peuples se sont établis tout au long des fleuves à partir de 1000 avant Jésus-Christ jusqu'à 1500 de notre ère, sous la forme de grands hameaux ; ce qui suppose une économie diversifiée et tout à fait adaptée à l'environnement[1].

« L’Amazonie précolombienne est comme un immense réseau d’échanges, entrecoupé de milliers de routes. Je dis bien routes et non sentiers…Francisco de Orellana avait donc raison quand il écrivait avoir vu, en 1542, une foule et une succession de grands villages le long de l’Amazone…Il n’avait sans doute pas totalement tort. Les fouilles archéologiques qui ont été faites depuis les années 1980 tendent à corroborer, et pas seulement le long de l’Amazone, l’existence de grandes sociétés. D’importantes chefferies avec des villages de plusieurs milliers d’habitants. A l’image de ceux décrits par Mike Heckenberger qui a découvert des villages précolombiens formant, dans le Haut Xingu, de grands ensembles annulaires avec des routes qui mesurent jusqu’à 40 mètres de large ! Cela suppose toute une organisation pour éviter que la végétation ne reprenne ses droits rapidement[2]. »

« Les Amérindiens ont largement profité de cette terre quasi magique… Mais contrairement à ce qui se dit, elle n’était pas « fabriquée » par eux. La « terra preta » est le fruit, on devrait dire le vestige, d’une très longue occupation humaine. » La terre noire (terra preta en portugais) est un type de sol sombre d’origine humaine et d'une fertilité exceptionnelle due à des concentrations particulièrement élevées en charbon de boismatière organique et nutriments tels que azotephosphorepotassium, et calcium. Il contient aussi une quantité remarquable de tessons de poterie. L'activité micro-organique y est des plus développée. Ces sols ont été créés par l’homme entre -800 et 5005, et sont d'origine précolombienne.

 

[1] Source : Porro Antonio. Le peuplement de l'Amazonie. La population indigène: origine et distribution. In: Recherches brésiliennes. Archéologie, histoire ancienne et anthropologie. Besançon : Université de Franche-Comté.

[2] « L’Amazonie était considérablement plus peuplée à l’époque précolombienne » - Stéphen Rostain, Directeur de recherche. Archéologue spécialiste de l’Amazonie. http://interviews.lemondeprecolombien.com/index_65.htm

 

Les ethnies de l’Amazonie équatorienne

Les Panoan sont probablement les descendants d’Indiens qui se seraient mis à l’écart de tout contact pendant la grande exploitation du caoutchouc, de la fin du XIXème au début du XXème siècle.

Les Jivaros. Cinq peuples sont regroupés sous ce terme : Shuars (40 000) Achuars (5 000)Shiwiar (700). Les Shuars sont des habitants des forêts de la haute Amazone qui ont été désignés par les envahisseurs espagnols sous le nom de Jivaros (Xibaros), dont la signification est sauvage ou barbare. Leurs territoires sont coupés en deux, par la frontière entre l'Équateur et le Pérou.

Les Aguarunas, (45 000) et les Huambisas (5 500) vivent majoritairement au Pérou : 

Les Siona, ne sont que 350 à 400 personnes. Leur territoire de l’Oriente est voisin de celui des Secoya dont ils sont proches culturellement. Ils ont été décimés par les maladies et repoussés par l’exploitation des ressources naturelles de la forêt, depuis le caoutchouc et le bois jusqu’au pétrole qui provoque la pollution des eaux. 

Les Secoya, environ 400 personnes, sont organisés en trois communautés et présents dans la province de Sucumbíos. Ils pratiquent l'agriculture itinérante et l'exploitation du bois. Une partie de leur territoire est livré à l’exploration pétrolière.

Les A'i Cofán (Aïni), sont un peuple originaire de la province de Sucumbíos au sud de la Colombie. Leur population n’est plus que de 1 500 à 2 100 personnes (en 2010), alors qu’elle était d'environ 20 000 au milieu du XVIème siècle. Ils sont aussi des victimes de plusieurs décennies de forage pétrolier

Les Waorani ou Huaorani, de 2 200 à 2 500 personnes, ont leur territoire situé dans les provinces de NapoOrellana et Pastaza et comprend une partie du parc national Yasuni. Ils sont parvenus, jusqu’en 1958, à maintenir la défense de leur territoire et leur indépendance par des actions guerrières et une grande mobilité. Ils sont souvent désignés par le terme péjoratif Aucas, nom d’origine quechua dont le sens est : « gens de la forêt, sauvages ».

Les Zápara, vivent le long des fleuves Conambo et Pindoyacu, sur le haut Curaray, dans la province de Pastaza et le long du Tigre au Pérou dans la province du Loreto. À la fin du xviième siècle, on estime leur nombre à plus de 100 000 personnes. Un siècle plus tard au début de la « fièvre du caoutchouc » ils n’étaient plus que 20 000, décimés par les épidémies, l’esclavagisme et le travail forcé dans les plantations d'hévéas. Le nom « Záparo » vient du panier fait de lianes bejuco fendues en deux et deux fois tressées, entre lesquelles des feuilles imperméables sont placées, et d’un couvercle travaillé de la même façon, dont les Zápara se servent pour mettre leurs vêtements et autres biens au sec (Simson 1877). Eux-mêmes s’auto-désignent káyapwö (Tessmann 1999). Aujourd'hui, ils sont estimés à 250 personnes en Equateur et une centaine au Pérou. Avec d’autres populations du même groupe ethno linguistique, de la famille Záparo, ils formaient l’un des peuples les plus nombreux de l’ouest du bassin amazonien. Les populations Gae et Semigae ont disparu.

Les Kichwa de l'Amazonie. Les Quechuas sont les dépositaires de la civilisation inca La Nationalité[1] Kichwa est constituée de treize peuples répartis en Equateur, dont les Otavalos, les Kayambis et les Naporunas. Certaines populations kichwa vivent également au Pérou et en Colombie, près des zones frontalières avec l'Équateur. La principale organisation représentative des kichwas d'Équateur est ECUARUNARI, qui ne représente toutefois que les kichwas de la partie andine du pays.

Selon le recensement de 2001, 451 783 équatoriens parlaient le kichwa, plus de la moitié vivant dans la Sierra, dans les provinces du Chimborazo (125 771), Imbabura (62 079), Cotopaxi (50 070). Les populations kichwa de l'Oriente ( Amazonie) se trouvent quant à elles principalement dans les provinces du Napo (37 166), de l'Orellana (21 073 et du Pastaza (13 813). Parmi les provinces de la Costa, c’est celle du Guayas (avec Guayaquil, la plus grande ville du pays) qui compte la population la plus importante de locuteurs du kichwa (13 261).

« Le kichwa, comme plus généralement le quechua et d'autres langues autochtones d'Amérique latine a prêté de nombreux mots à l'espagnol. Certains de ces mots sont empruntés spécifiquement au kichwa d’Equateur et non au quechua du Pérou. Outre de nombreux noms de plantes, des mots courants comme chuchaki (« gueule de bois »), ñaña (mot employé par une personne de sexe féminin pour désigner sa sœur), étendu à ñaño pour frère, canguil (« pop-corn »), chapa (« policier »),  sont utilisés par de nombreux équatoriens.[2] »

 

 

[1] On entend par nationalité : Le peuple où ensemble de peuples anciens antérieurs et constitutifs de l’État équatorien, qui s’auto-définissent comme tels, ont une identité historique, langue et culture communes, qui vivent en un territoire déterminé suivant leurs institutions et formes traditionnelles d’organisations sociale, économique, juridique, politique et exercices de l’autorité.

 

[2] Estudio del léxico del Ecuador [archive], Estrella Santos, A. T., 2007, pp. 747-795

Histoire

L’arrivée des Espagnols en 1492 change brutalement la vie des communautés quixos (kichwas) en Amazonie comme dans le reste du pays. Le colonisateur instaure le paiement d’un impôt pour l’utilisation agricole du sol, payé en nature jusqu’en 1846. A la fin du XIXème siècle et au début du XXème, la fièvre du caoutchouc structure et réorganise la propriété de la terre, rompant avec les économies de subsistance de la population et le système de relations sociales. En 1920, les terres sont déclarées improductives, suite à la crise du caoutchouc. Elles sont colonisées par des vagues de migrants, des sans-terres fuyant la crise foncière de la Sierra provoquée par les latifundistes. Jusqu’à la fin de la décennie de 1960, l’Amazonie a été perçue comme un exutoire pour la main d’œuvre excédentaire de la Sierra. La réforme agraire du 11 juillet 1964 entraine la déforestation des zones amazoniennes en encourageant les colons à défricher au-delà de leurs possibilités de culture pour assurer leur droit de propriété sur des terres soi-disant vierges et destinées à être colonisées. Puis, le pétrole devient un axe structurant de l’économie équatorienne.

Les Shuar durent aussi céder du territoire face à cette nouvelle colonisation soutenue tant par l'Etat équatorien que par les municipalités andines, aux prises avec une population paysanne expulsée de ses terres pour la constitution de grandes propriétés sous prétexte d’une modernisation encouragée par les Etats-Unis. Pour justifier les exactions sur la population autochtone, les colons réinventent le mythe du « Jivaro sauvage et sanguinaire ». Dans le même temps, les missions religieuses, tant catholiques que protestantes, s'emploient à sédentariser et regrouper les Indiens, à leur inculquer les principes de la civilisation en raflant leurs enfants pour les scolariser dans leurs internats, ce qui eut pour effet de créer une coupure culturelle entre les générations.

« Quelle place ont les premiers habitants dans l’Amazonie conquise ? Ils ont longtemps été considérés comme incapables de décider par eux-mêmes de leur destin et de leurs actes. Cette irresponsabilité présupposée était même inscrite dans le marbre : par exemple, la première Constitution de l’Equateur, en 1830, faisait preuve de bien peu de modération dans les qualificatifs désignant les Amérindiens : Article 68 : ce Congrès constituant nomme les vénérables curés de paroisses comme tuteurs et pères naturels des indigènes, exerçant leur ministère de charité en faveur de cette classe innocente, abjecte et misérable. (Constitution de l’Équateur, 1830)[1]

En 1986, toutes les organisations indigènes se sont fédérées pour fonder la Confédération des Nationalités Indigènes de l’Equateur qui, en 1990 a organisé la plus grande manifestation que l’Equateur ait connue, pour exiger la reconnaissance des langues et des cultures autochtones.

La CONAIE et le pétrole

En 2007, Rafael Correa avait proposé à l’ONU de ne pas exploiter le bloc Ishpingo, Tambococha et Tiputini (ITT) dont les réserves sont estimées à 920 millions de barils de pétrole représentant 20 % des réserves de l’Equateur. En échange, il demandait à la communauté internationale une compensation de 3,6 milliards de dollars sur 12 ans à titre de compensation pour la lutte contre le réchauffement climatique et pour éviter l’émission de 400 millions de tonnes de CO², responsables des gaz à effet de serre. Cependant, l’Equateur n’a obtenu qu’à peine 13,3 millions de dollars, soit 0,37% des fonds attendus[2].

Rafael Correa, a demandé au Congrès, le 15 août 20143, l’autorisation d’exploiter le pétrole de la réserve du parc Yasuni, après avoir constaté l’échec du plan de compensation :

«  J’ai décidé de « solliciter auprès de l’Assemblée nationale la déclaration d’intérêt national approuvant l’exploitation du pétrole de Yasuni, a-t-il déclaré. Dans le cas où le Congrès autoriserait l’extraction du pétrole, « elle ne pourrait pas se faire sur une zone supérieure à 1% du parc national Yasuni » qui s’étend sur près d’un million d’hectares, a précisé le président Correa.

Après les ressources fiscales, le pétrole est la 2e source de financement de l'Equateur, avec une production quotidienne de 500 000 barils.

Certains media "libéraux" du monde occidental ont projeté l´image que le principal conflit politique et social en Equateur est entre l´Etat et les communautés indigènes. La réalité est beaucoup plus complexe. Cette position idéalise les peuples indigènes et en fait l´essence même de la vertu et de l´innocence. Le soi-disant conflit entre les communautés indigènes et le gouvernement s’expliquerait par l’exploitation minière ou l´extraction pétrolière. Il n´existe en réalité aucune position homogène des peuples indigènes face à l´extraction de pétrole. Parlant souvent au nom des communautés indigènes, certains activistes occidentaux ont la fâcheuse tendance de laisser entendre que les peuples premiers rejettent la modernité. Dans la pratique, les indigènes, tout comme le reste de l´Humanité, ont très souvent des demandes très modernistes comme le sont l´accès à l´éducation, aux services de santé et aux bénéfices sociaux en général. En deuxième lieu, il faut évaluer sérieusement s´il serait correct ou non d´arrêter brusquement l´exploitation pétrolière avant d´avoir posé les bases d´un exutoire à une économie primaire-exportatrice. Y renoncer, aurait pour conséquence le retour à l’économie de la plantation, ainsi qu´une réduction drastique des ressources pour combattre la pauvreté et le tarissement des capitaux d´investissement pour diversifier l’économie. Il faut considérer que les plus grandes menaces contre la biodiversité et les premières causes de la déforestation en Equateur sont la pauvreté et l´avancée agressive de la frontière agricole. La pauvreté et le manque d´infrastructure sanitaire impliquent, entre autre, que les déchets et les eaux usées de plusieurs villes et villages sont déversés directement dans les rivières amazoniennes. Le pétrole reste la principale source de revenu pour construire l’infrastructure nécessaire pour combattre la pauvreté. Chaque nationalité indigène (dans la Constitution équatorienne, on parle de nationalités et non de tribus ou d’ethnie) est le porte-étendard d´un grand héritage culturelle que nous devons respecter et comprendre. Mais de la même façon que nous admirons la valeur intrinsèque de notre diversité, nous devons nous assurer de ne pas tomber dans l´idéalisation ingénue d´aucune société[3].

Pachakutik, le bras politique de la Conaie, a refusé de présenter un colistier à Rafael Correa durant les élections présidentielles de 2006, préférant présenter son propre candidat à la présidence. Pachakutik n’a totalisé, à l’époque, que seulement 2,1% des voix. En termes de résultats électoraux, plus de 60% de la population indigène (qui ne représente que 7% des équatoriens) a voté pour Rafael Correa aux dernières élections présidentielles de 2013.

 

 Allain Graux, écrivain-voyageur

  14 mai 2018

 

 

[1] Stéphen Rostain, déjà cité.

[2] Source : Le Monde.fr avec AFP- 16.08.2013-  

[3] Source et très large emprunt à Guillaume Long, Français naturalisé Equatorien, Ministre de la Culture de l´Equateur.

http://www.medelu.org/En-defense-de-Rafael-Correa

 

 

Tag(s) : #AMERIQUE LATINE
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