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La Conférence de Paris, Israël et les Palestiniens

Benjamin Netanyahou répète sans cesse qu’il est prêt à ouvrir avec les Palestiniens un dialogue direct sans condition. Mais toutes les précédentes négociations dans ces conditions – d’ailleurs le plus souvent patronnées ou sous l’égide du protecteur étatsunien d’Israël – n’ont finalement pas abouti. Y compris les accords d’Oslo jamais finalisés ; or si le but d’Oslo n’était que l’établissement d’une entité palestinienne autonome, c’était en préfiguration la création d’un Etat palestinien à côté d’Israël. Oslo n’a fait que déstructurer le territoire du futur Etat, créant trois zones dont la C sous contrôle total des militaires israéliens. Il s’en est suivi le renforcement de la colonisation, avec la croissance des colonies dans la vallée du Jourdain que l’Etat israélien veut en réalité complètement annexer. Il met tous les obstacles possibles à la vie des paysans palestiniens et bédouins : interdit de construire, y compris des écoles, interdit de planter, l’eau est réservée aux plantations des colons, la production intensive de l’agriculture israélienne dont beaucoup de produits sont exportés en France et en Europe (dattes, avocats, patates douces, kakis, etc...) sans l’étiquetage imposé par le droit européen.

La colonisation se poursuit aussi à Jérusalem-Est que l’Etat israélien veut annexer également et joindre aux grandes colonies adjacentes à Bethléem. Et puis un peu partout, comme autant de poches israéliennes qui parsèment la Cisjordanie.

Récemment, la semaine dernière, 20 maisons palestiniennes ont été détruites dans les territoires occupés depuis 1948. Ces mesures iniques ont provoqué la rage des Palestiniens qui ont manifesté et se sont mis en grève. La majorité des Palestiniens vivant en Israël construisent leurs maisons sans permis car il ne leur est pas permis de construire quelle que soit leur situation familiale. Cette mesure est destinée à les contraindre au départ, mais ils résistent[1].

La colonisation est le principal obstacle à la signature d’un traité de paix. Mais ce n’est pas le seul. Il faut aussi régler la question des réfugiés, de leur retour ou de leur indemnisation.

La répression

Quand ils ne sont pas abattus sur place, les résistants palestiniens sont emprisonnés, y compris les enfants : 7 000 Palestiniens sont détenus dans les geôles israéliennes. Un quart de la population palestinienne sont passés par la case prison.

Un Etat juif ?

Netanyahou réclame à cors et à cris la reconnaissance d’un Etat JUIF. Les Palestiniens ont pourtant reconnu l’existence de l’Etat d’Israël, mais ce ne serait pas suffisant, il faut que ce soit un Etat juif, en quelque sorte théocratique. Car le mot juif désigne une religion pas une ethnie, une nation, comme musulman, chrétien, bouddhiste.

Existe-il un peuple Juif ? En français, avec une majuscule le mot Juif désigne les gens de culture juive comme un peuple. Le terme Juif vient de Judée, un territoire antique de l’un des deux royaumes qui se partageaient la terre de Palestine : la Judée et Israël. Si on peut admettre qu’il existe aujourd’hui une nation israélienne et un Etat, la notion de peuple juif a - selon moi[2] - des connotations ethniques discutables, car qu’y a-t-il de commun entre des juifs séfarades, des berbères d’Afrique du Nord, des Ashkénazes de l’Europe de l’Est, européens et Khazars, les Falachas d’Ethiopie, en dehors de la religion de leurs ancêtres qui étaient en majorité des convertis. Il y a des peuples de culture juive et non un peuple juif.

La conséquence d’une telle reconnaissance ethnico-théocratique en serait le non-droit pour les non-juifs (au sens religieux ou culturel du terme), une conséquence de type raciste à l’égard des citoyens Israéliens Palestiniens dits « arabes », chrétiens ou musulmans, déjà discriminés. Le ministre Agvidor Lieberman envisage d’ailleurs leur expulsion. Une purification ethnico-religieuse !

L’Autorité palestinienne refuse à juste titre de souscrire à ce qui constitue un préalable destiné à éviter toute reconnaissance d’un Etat Palestinien contrairement à des affirmations qui sont contredites par les actes du gouvernement de la droite extrême israélienne.

La prolongation du statu–quo actuel, un territoire illégalement occupé et colonisé depuis les conquêtes militaires de 1948 et 1967, avec des populations discriminées, constitue un régime d’apartheid. Il est la cause des actes qualifiés de « terroristes » par les uns, de résistance par les autres. En fait, ce sont des actes de désespoir d’une partie de la population, en majorité d’une jeunesse palestinienne - voire d’enfants - humiliée et désespérée. Beaucoup d’israéliens, à l’abri de leur mur honteux, ignorent tout de ce que subissent les Palestiniens dans leur vie quotidienne. D’ailleurs pour eux, la Palestine n’existe pas, ce sont des Arabes qui n’auraient aucun droit sur une terre biblique revendiquée par « les Juifs » sionistes, au nom de leur dieu. Ce dieu qui est d’ailleurs le même pour les juifs, les musulmans et les chrétiens, seuls les prophètes et leurs religions subséquentes diffèrent.

Paradoxalement, plus la colonisation se poursuit et plus les populations se côtoient, tout en étant séparées par la ségrégation, rendant chaque jour plus difficile la réalisation d’un Etat palestinien fiable et crédible, à côté d’un « Etat Juif ». Sans le retrait total des colons israéliens de Jérusalem-Est et de Cisjordanie, un Etat palestinien ne peut-être qu’un Etat croupion, sans droits réels, sans indépendance réelle, sans armée nationale, une simple association de bantoustans. C’est pourquoi, de plus en plus de Palestiniens orientent leurs revendications vers une solution pour un Etat unique ou binational et l’égalité des droits.

Avec la colonisation, la reconnaissance d’un Etat juif est aussi aléatoire que celle d’un Etat palestinien. C’est une contradiction majeure de la politique du gouvernement israélien.

Un ou deux Etats ?

Alors pourquoi l’Autorité palestinienne, mais aussi  l’ONU, « la communauté internationale » s’accrochent-ils, en vain, à cette idée de la solution à deux Etats ? Pour beaucoup, c’est une posture morale, mais on n’y croit pas vraiment. On se contente du statu-quo, comme l’Union européenne qui paye les fonctionnaires de l’Autorité palestinienne, mais soutient Israël par un accord d’association économique et culturel. Il suffirait de rompre cet accord pour amener un gouvernement israélien, trop habitué à l’impunité, jamais sanctionné pour le non-respect des résolutions de l’ONU, à résipiscence.

Pour l‘autorité palestinienne et le peuple palestinien, la reconnaissance juridique internationale constituerait la reconnaissance de leur identité nationale, une étape vers une solution pacifique de coexistence et de l’égalité des droits. La solution définitive, Un Etat, Un Etat binational, Deux Etats, pourrait, devrait devenir le choix des peuples qui vivent sur la terre de la Palestine historique, de l’Israélo-palestine, une véritable autodétermination et non un choix imposé de l’extérieur comme se fut le cas en 1947, alors que les trois solutions avaient été envisagées et qu’il n’a été proposé que le partage dans les conditions inégales que l’on connaît. Elles ont entériné un conflit qui s’est perpétué jusqu’à nos jours. Un conflit qui joue un rôle majeur dans toute la région du Proche-Orient. Un règlement juste et pacifique contribuerait à la paix.

Dans ce contexte, La conférence de Paris est-elle utile ? « Le seul véritable succès que l’on puisse reconnaître à ses promoteurs est d’avoir pu réunir en ce début d’année plus de 70 pays et organisations internationales pour rappeler l’actualité du plus vieux conflit de la planète », comme le déclare  René Backmann dans Médiapart[3]. Mais sans les Israéliens ni les Palestiniens, on en voit de suite les limites et l’impuissance.

Un pas a été fait, enfin, par le Président Obama et son secrétaire d’Etat John Kerry, qui ont laissé passer, en s’abstenant, la résolution 2334 du Conseil de sécurité de l’ONU, qui condamne la politique de colonisation d’Israël. Mais sans sanction véritable, comme le boycott,  à l’égal de ce qui fut fait avec succès contre l’apartheid en Afrique du Sud, cela ne sera qu’une posture de plus, pour ne pas dire une imposture ! 

« Je suis inquiet parce que j’estime que le statu quo est intenable, qu’il est dangereux pour Israël, mauvais pour les Palestiniens, mauvais pour la région et mauvais pour la sécurité aux Etats-Unis », a déclaré Barack Obama. Il craint aussi de voir disparaître la possibilité d’une solution à deux Etats et : « ne voit pas comment ce problème peut être résolu en faisant qu’Israël demeure à la fois un Etat juif et démocratique[4] ». Il estime qu’Israël court le risque « d’étendre une occupation » pour finir par avoir des « millions des gens privés de droit » dans un seul Etat et justifie sa décision de laisser passer la résolution condamnant les implantations israéliennes par la nécessité « de tirer la sonnette d’alarme ». Il était plus que temps ! Et nous ne devons pas oublier qu’Obama a été, de tous les présidents américains depuis Truman, celui qui a le plus fait pour Israël. En septembre 2016, il accordait à Israël une aide militaire sans précédent, de 38 milliards de dollars sur les dix prochaines années. Il avait précédemment systématiquement mis son veto à toutes les résolutions des Nations Unies condamnant Israël.

Cette dernière décision, même s’il s’agit d’une posture pour l’histoire, marque un tournant dont témoignent les efforts désespérés du gouvernement Netanyahu pour reporter le vote, et ses réactions outrancières vis-à-vis de pays, tels le Sénégal ou la Nouvelle-Zélande, qui avaient eu l’outrecuidance d’y prendre part.

Dans un cas comme dans l’autre, il faut se rendre  compte qu’il est nécessaire de parler dru et cru à Netanyahou, et pas seulement de parler mais de prendre des sanctions pour lui imposer de véritables négociations avec les Palestiniens et dans le cadre de l’ONU, soit sous garantie internationale. Le seul langage possible en la circonstance est celui du rapport de force.

La mobilisation de l’opinion publique internationale et les actions de type BDS, en faveur d’une paix juste et durable, est un moyen de pression nécessaire, indispensable et décisif pour obtenir la fin de la colonisation et la reconnaissance de l’identité palestinienne.

La nouvelle entente des différents courants politiques palestiniens.

« L’annonce d’un accord entre Fatah, Hamas et l’ensemble des formations palestiniennes, à la suite des discussions engagées à Beyrouth puis à Moscou, est un signe encourageant pour la refondation de l’OLP comme représentant de l’ensemble du peuple palestinien pour la constitution d’un gouvernement d’unité nationale appelé de ses vœux par tout un peuple[5] ».

Cela ne peut que favoriser des pourparlers qui seraient légitimés par l’ensemble des forces politiques palestiniennes.

Contradictions

Il ne suffit pas d’invoquer le droit international comme le font les dirigeants occidentaux, y compris français, tout en poursuivant des objectifs de domination économique et politique, tout en intervenant militairement dans cette région du Proche-Orient, en Syrie contre Bachar et les groupes islamistes, au Yémen en armant et participant  à la coalition dirigée par l’Arabie Saoudite qui bombarde les civils, les hôpitaux et les écoles, tout comme ce fût le cas à Alep.

Allain GRAUX

 Le 2017.01.20

http://allaingraux.over-blog.com/2017/01/la-conference-de-paris-israel-et-les-palestiniens.html


[1] "Territoires 48 » : ce terme désigne ceux qu’on appelle souvent « les Arabes d’Israël » ou encore « Les Palestiniens d’Israël » : lors de la guerre de 1948, la majorité des Arabes sont été expulsés de leur terre. Cet événement constitue pour eux « la catastrophe, la Naqba. Sur les 900 000 qui vivaient sur le territoire désormais israélien, environ 150 000 ont pu rester. Ils constituent 20 % de la population d’Israël. Considérés comme citoyens israéliens, pouvant élire des députés à la Knesset, ils subissent cependant nombre de discriminations, l’une des plus graves étant l’interdiction qu’ils ont de construire.

[2] Mais pas  seulement, c’est aussi le cas de Shlomo Sand, écrivain et historien israélien –« Comment le peuple juif fut inventé » Fayard. Mais il est parfaitement compréhensible que des personnes dont les ascendants étaient de religion ou de culture juive se sentent attachées à cette identité et revendiquent leur appartenance à un peuple juif, même s’ils ne pratiquent pas la religion juive, en raison des tragédies de l’histoire que leurs familles et leur communauté culturelle ont subies.

[3] L’initiative française au Proche-Orient s'achève en naufrage – 2017.01.15 Médiapart

 

[4] le 18 janvier 2017. (Crédit : Nicholas Kamm/AFP)

[5] Communiqué AFPS 2017.01.19

Tag(s) : #PALESTINE, #geopolitiqque
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