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A ADDAMEER, Ramallah

C’est Randa Wahbe, une avocate née aux Etats-Unis qui nous reçoit. Elle rappelle le rôle de l’association : une institution civile palestinienne et non gouvernementale qui travaille pour soutenir les prisonniers politiques palestiniens détenus dans les prisons israéliennes et palestiniennes. Créé en 1992 par un groupe de militants qui s'intéressent aux droits de l'homme, le centre offre une aide juridique gratuite aux prisonniers politiques, préconise leurs droits au niveau national et international, et travaille pour mettre fin à la torture et autres violations des droits des prisonniers par le biais de contrôle des procédures juridiques et des campagnes de solidarité.

Elle dénonce les crimes et les exactions de l’armée d’occupation, exerce une pression sur le plan local comme sur le plan international pour le respect des droits des prisonniers. Les membres du centre travaillent sur la documentation, les archives des tribunaux militaires, le statut des prisonniers politiques.

Actuellement, il y a 6 800 prisonniers, 660 détenus administratifs, 60 femmes sont détenues et 470 enfants. En septembre 2012, il y avait 194 enfants emprisonnés…

La détention administrative est une procédure qui permet à l'armée de détenir des prisonniers indéfiniment, à partir d’informations secrètes, sans une inculpation leur permettant de se défendre lors d’un procès. Les citoyens israéliens et des ressortissants étrangers peuvent également être détenus en détention administrative par Israël (mais seulement 9 colons israéliens ont été en détention administrative).

De 1967 à 2015, il y a eu 800 000 arrestations, soit 20 % de la population (y compris à Jérusalem et Gaza). Ce sont les ordres militaires qui contrôlent et régissent la vie culturelle des prisonniers politiques. En Août 1967, deux mois seulement après le début de l'occupation par Israël du territoire palestinien, l’Ordre militaire 101 a été publié. Il criminalise les activités civiques, notamment: l'organisation et la participation à des manifestations, l'impression et la distribution de matériel politique, interdit l'incitation politique ; il interdit en outre toute activité qui démontre de la sympathie pour une organisation jugée illégale par l’autorité militaire, que ce soit en scandant des slogans ou brandissant un drapeau ou d'autres symboles politiques.

Les prisonniers sont enfermés en Israël comme en Cisjordanie, or ils ne devraient pas être enfermés en Israël. Ce sont souvent des arrestations successives pour les étudiants ; elles peuvent varier de 12h à 2 ans…

Le système des arrestations administratives est un héritage du mandat britannique. Elles étaient autorisées une fois et non répétitive. C’était interdit plus de 6 mois. Or ici cela dépasse jusqu’à 20 ans ! Des personnes ont été arrêtées 4,5, 6 fois de suite. Il suffit de ne pas plaire, même si on n’est pas vraiment dangereux. On vous relâche et une semaine plus tard, on vous arrête à nouveau. Pas de tribunal, de procès, d’avocat, pas de famille. Et on n’a pas le droit de parler du motif de l’emprisonnement. Evidemment, quand il n’y en a pas !

Par exemple, Khalidja une sénatrice, membre du FPLP, a déjà été emprisonnée 12 mois en 2012. Elle est à nouveau arrêtée par mesure administrative, puis mise en accusation pour avoir participé à l’écriture d’un livre et manifesté sa solidarité aux prisonniers.

C’est pourquoi des détenus font la grève de la faim. Un prisonnier, Abder Kadher, en est à son 6ème jour pour protester contre sa seconde arrestation sans motif.

La lutte contre ces détentions administratives est le but principal des prisonniers. Ils ont effectué une grève de la faim l’an dernier. Pour cela, ils ont été torturés par l’armée, menottés, interdit de déplacement, même sur un lit d’hôpital.

Le 24 avril 2014, 90 prisonniers palestiniens en détention administrative ont lancé un mouvement de grève de la faim qui s’est étendu à plusieurs prisons israéliennes mobilisant maintenant plus de 230 prisonniers dont plus de 125 détenus administratifs. Sur les douze membres du Conseil législatif palestinien emprisonnés (dont le Secrétaire général du Conseil législatif), neuf sont en détention administrative depuis des années. Après plus de 40 jours de grève de la faim, 80 de ces grévistes ont été hospitalisés et certains d’entre eux se trouvent dans un état critique. l’administration pénitentiaire israélienne a pris des mesures punitives à plusieurs reprises, en envoyant 40 grévistes à l’isolement et en transférant plus d’une centaine dans d’autres prisons. Les grévistes de la faim ont également subi des fouilles corporelles et des perquisitions de leurs cellules, certains ont même été battus et brutalisés.

Un mouvement de grève de la faim massif, fort de plus de 1500 prisonniers, avait déjà mobilisé les prisonniers palestiniens au printemps 2012 - certains l’ayant suivie pendant plusieurs mois au péril de leur vie. Dans un accord conclu le 14 mai 2012, l’administration carcérale israélienne s’engageait à ne recourir à la détention administrative qu’en cas de « circonstances exceptionnelles » comme l’exige le droit international, à ne pas renouveler les ordres de détention des prisonniers administratifs déjà emprisonnés, à améliorer les conditions de détention et à mettre un terme à l’usage abusif de l’isolement. Mais Israël n’a respecté aucun de ces engagements et continue notamment de recourir à la détention administrative de manière abusive, d’où ce nouveau mouvement de grève de la faim.

130 prisonniers administratifs avaient été libérés en échange du soldat Shalit, 50 sont à nouveau en prison.

Le régime de la détention administrative d'Israël viole de nombreuses normes internationales. Par exemple, les détenus administratifs de la Cisjordanie sont expulsés du territoire occupé et internés à l'intérieur d'Israël, en violation directe des interdictions de la quatrième Convention de Genève (articles 49 et 76). La grève de la faim, c’est une façon de dire à cette armée inflexible : respecter notre humanité. Ce ne sont pas des privilèges que les prisonniers demandent, mais le respect des droits humains : l’accès à internet, à l’éducation, aux visites des familles, à la presse, à la télévision. Lorsque les visites familiales sont autorisées, elles ont lieu une fois toutes les deux semaines pendant 45 minutes. Mais si le prisonnier est détenu dans une prison israélienne, l’autorisation est longue et difficile à obtenir, au moins un an.

Les conditions d’emprisonnement sont inhumaines, déshumanisées : les portes sont magnétiques par exemple. On est isolé, sans voir personne.

En 1992, la grève de la faim contestait les interdictions. Elle a permis d’obtenir des matelas, le journal. Cependant, dès qu’une grève commence, les interdictions pleuvent, les prisonniers sont déplacés pour couper les liens entre eux, éviter de faire connaître à l’extérieur ce qui se passe à l’intérieur des prisons. L’autorité israélienne fait aussi payer des amendes par les familles, si elles veulent voir leur prisonnier. Un chantage honteux et méprisable !

En fait, les prisons sont bâties avec l’argent des prisonniers.

L’organisation dénonce auprès des organismes internationaux toutes ces pratiques illégales : la détention pour raison politique, les prisons bâties illégalement en Cisjordanie. Elles grignotent le sol de la Palestine, son périmètre.

L’aide internationale aux prisonniers

C’est important pour eux, même si la lettre que vous envoyez n’arrive pas, car il sait que vous l’avez envoyée. Des lettres arrivent à l’association, elles sont remises aux intéressés à leur libération.

Augmenter la conscience sur ce combat légitime pour le respect des droits humains, c’est augmenter la chance de libérer les prisonniers.

Les prisonniers membres du FPLP ont été complètement isolés pendant les années 2002 à 2009.

L’âge des prisonniers

On peut arrêter des enfants de moins de 13 ans, mais pas les emprisonner plus d’une semaine, avec éventuellement leurs parents…la décision est toujours prise par un juge militaire. On peut donc être emprisonné à partir de 13 ans.

Environ 700 enfants palestiniens de moins de 18 ans sont poursuivis chaque année par les tribunaux militaires israéliens après avoir été arrêté, interrogé et détenu par l'armée israélienne. L'accusation la plus courante perçue contre les enfants est de lancer des pierres, un crime qui est punissable en vertu de la loi militaire jusqu'à 20 ans de prison. Depuis 2000, plus de 8 000 enfants palestiniens ont été arrêtés.

Les soldats israéliens lors de l'arrestation et de l'interrogatoire d'un enfant pratiquent généralement les gifles, les coups, coups de pied et poussées violentes. De plus en plus, les officiers ISA utilisent les menaces sexuelles, y compris des menaces de viol comme un moyen d’utiliser la peur pour les contraindre à faire des aveux.

Alors que la Convention des Nations Unies sur les droits de l'enfant définit un « enfant» comme tout être humain âgé de moins de dix-huit ans », selon l'ordre militaire israélien 132, les enfants Palestinien de 16 ans et plus sont jugés et condamnés par des tribunaux militaires israéliens comme des adultes. La peine est décidée sur la base de l'âge de l'enfant au moment de la détermination de la peine, et non pas au moment où l'infraction aurait été commise. Ainsi, une peine commise au moment où il était mineur peut-être celle appliquée à un majeur !

Les enfants peuvent-être condamnés à :

- l’assignation à résidence dans leur famille, mais on ajoute un an à la peine, ou exclu de leur ville natale et envoyés à l’extérieur, dans une autre famille ou un centre. Un membre de la famille peut l’accompagner ou la famille doit payer les frais d’entretien. Mais, on les envoie souvent à Gaza !

- Ils sont le plus souvent condamnés de 2 à 5 ans de prison.

L'administration pénitentiaire israélienne ne fournit qu’une éducation seulement dans les centres de Megiddo et Rimonim. Elle impose des restrictions sur les sujets qui peuvent être enseignées, limités seulement aux mathématiques et aux sciences humaines, interdit les autres sujets pour "raisons de sécurité". Les filles de moins de 18 ans sont généralement détenues avec des adultes et ne reçoivent aucune éducation formelle. Les garçons israéliens qui sont détenus à Rimonim reçoivent environ 20 heures de cours par semaine dispensés dans une classe spéciale. A Megiddo, ils sont contraints d'étudier dans la cour de la prison sans aucune protection contre les conditions climatiques. Surtout, l'administration pénitentiaire israélienne refuse d'établir un mécanisme de coordination avec l'Autorité palestinienne. Par conséquent, les enfants palestiniens détenus sont enseignés selon le programme israélo-arabe, à la place du programme officiel adopté par le ministère palestinien de l'Éducation.

Avec ces mesures, même s’il est plein de bonne volonté, l’enfant emprisonné ne bénéficie pas d’aide scolaire, quand bien même il « n’a pas perdu son stylo et son papier » ! Il peut, en principe, présenter le bac et disposer de 3 semaines à 1 mois de permission. En principe !

Arrêté à 13 ans, libéré à 15 ou 16 ans, l’enfant emprisonné se retrouve en classe avec des gamins de 12 ans. Généralement il quitte l’école…

Les femmes

Il reste 20 prisonnières politiques sur les 60 qui étaient emprisonnées avant la libération du soldat israélien Shalit.

Elles subissent les mêmes conditions d’incarcération que les hommes, aggravées par leur spécificité de genre, harcelées sexuellement, déshabillées par une soldate mais devant un soldat. Elles sont maltraitées au moment de leurs règles. On les mêle aux droits communs pour les punir.

L’alimentation est de deux types :

- Soit le régime général de la prison ;

- ou la cantine qui est payée par les familles qui en ont les moyens, si on veut améliorer un ordinaire très ordinaire. En effet, le régime des prisonniers est à la portion congrue pour obliger les familles à verser de l’argent. Les isolés n’ont pas droit à la cantine.

Droit

Un prisonnier peut faire appel à une instance internationale pour contester son incarcération. Cependant à deux conditions :

- prouver que la cour militaire a été injuste ;

- démontrer l’intention d’injustice caractérisée.

Or, la prison est inaccessible à l’avocat, à la famille.

L’expression, l’action publique internationale, sont-elles efficaces ?

Oui c’est efficace. Israël est sensible à ce qui met en cause sa réputation. Il existe un site Web pour les prisonniers en péril.

La croix rouge communique avec les militaires. Auparavant, c’est elle qui gérait les cantines. Mais souvent, elle agit avec une certaine complicité avec l’armée israélienne, recommande aux détenus jugés dangereux de ne pas s’inscrire à la cantine, car « ce n’est pas la peine »…

Leurs visites se font au pas de course, cinq minutes, car les observateurs se rendent dans cinq à six prisons dans la même journée.

Propos rapportés par Allain Graux ( visite du 4 juin 2015 )

CPI et TPI

Israël, comme la Chine, l’Inde, n’a pas signé le Statut de Rome et émet des critiques au sujet de la Cour Pénale internationale. Seulement 123 Etats sur 193 ont signé et ratifiés le statut de la CPI, et 32 dont les Etats-Unis et la Russie ne l’ont pas ratifié. Le gouvernement israélien a déclaré que considérer les transferts de population comme un crime ne pouvait être accepté par Israël. À la suite de la pleine adhésion de la Palestine à la CPI en avril 2015 et à l'ouverture d'un examen préliminaire sur d'éventuels crimes de guerre dans les territoires palestiniens (bombardements civils), Israël, par la voix d'Avigdor Liberman, son ministre des Affaires étrangères, fait pression auprès d'États membres de la Cour pénale internationale pour qu'ils cessent de financer le tribunal de La Haye, ce que la plupart des États démocratiques refusent, notamment européens.

Malgré plusieurs plaintes antérieures, les juges de la CPI, sise à La Haye aux Pays-Bas, ne se sont jamais prononcés sur le conflit israélo-palestinien.

La CPI a néanmoins ouvert un examen préliminaire en janvier 2015, étape préalable à une enquête, sur des crimes de guerre présumés en Palestine. Car L’autorité palestinienne a obtenu, fin 2012, le statut d'Etat observateur à l'Organisation des Nations unies (Onu). Cela a permis l'adhésion de la Palestine à la CPI, le 2 janvier, qui autorise les Palestiniens à y demander des comptes aux dirigeants israéliens L'examen préliminaire de la CPI sert à déterminer s'il existe une «base raisonnable» pour ouvrir une enquête, a précisé le bureau du procureur.

Triste bilan

La Commission des affaires des prisonniers de l'Organisation de libération de la Palestine a déclaré dans un rapport préparé pour la Journée des prisonniers palestiniens, célébrée le 17 avril de chaque année, qu’Israël a arrêté depuis 1967 et jusqu'en avril 2015, environ 850 000 Palestiniens, dont 15 000 femmes, et des dizaines des milliers d'enfants. Le rapport précise que «l'Occupation a effectué, depuis le déclenchement de l’Intifada à al-Aqsa, le 28 septembre 2000 à nos jours, plus de 85 000 arrestations. Plus de 10 000 enfants de moins de dix-huit ans, et environ 1200 femmes, et quelques 65 députés et ministres ont été arrêtés par l’occupant, qui a émis plus de 24 000 décisions de détention administrative.

La commission des affaires des prisonniers de l’OLP a enregistré, au cours des quatre années écoulées, l’arrestation de 3755 enfants, dont 1266 arrêtés en 2014.

Tag(s) : #PALESTINE
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