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2008

Le 9 mars, le PSUV (Parti Socialiste Unifié du Venezuela) est fondé. Il regroupe les adhérents du MVR (le parti présidentiel) et plusieurs petites formations qui soutiennent la Révolution bolivarienne. Le Parti communiste qui a été pressenti, s’il soutient le Président, reste indépendant. Il conteste la prétention chaviste à l’hégémonie à gauche, mais se lie néanmoins structurellement au PSUV.

La position du PCV s’est exprimée au XIII° congrès : « En vertu de la large gamme de thèses théoriques – ou de l’absence de ces thèses- parmi les forces "chavistes", il est prévu un large débat théorique. Sa définition est toutefois d’une importance vitale. Pour nous, les communistes, il est évident que, sur la base du caractère anti-impérialiste et de l’objectif socialiste de cette révolution, le parti socialiste uni doit se baser sur le marxisme –sous-entendu qu’être marxiste aujourd’hui signifie, à son tour, être léniniste. De la même manière, le fondement idéologique doit prendre le plus avancé des idées révolutionnaires de notre peuple, à commencer par la pensée bolivarienne. Mais l’essence idéologique doit être le marxisme. »

En clair, les communistes reprochent au PSUV, son inconsistance idéologique. Ils n’ont pas tout à fait tort dans le sens ou le Mouvement chaviste est divisé en  courants de pensée et forces disparates, mais pas tout à fait raison dans son affirmation quelque peu dogmatique du marxisme-léninisme. De façon plus pragmatique et réaliste, ils proposent de passer d'une révolution démocratique-nationale à la phase de transition vers le socialisme, un programme par la nationalisation des grands moyens de production, gérés par les travailleurs eux-mêmes, par l'instauration d'un système national de Sécurité sociale, et par une politique nationale d'industrialisation.

Le PSUV, qui prétend rassembler toute la galaxie bolivarienne, risque du fait de la personnalité de Chávez, d’écraser tout débat sur les perspectives de la révolution, de la nature du socialisme, de la place de la propriété privée par exemple.

Le MVR, s’était déjà constitué autour de trois communautés :

-              Les officiers du MBR, le Mouvement bolivarien d’officiers sincèrement désireux d’abattre un régime corrompu, mais peu familiers avec les principes démocratiques. Du groupe initial, beaucoup se sont éloignés du président comme les généraux Baduel et Visconti qui voulaient accélérer le processus révolutionnaire de manière autoritaire. Francisco Arias Cardenas, l’ancien gouverneur du Zulia qui s’est présenté contre Chavez en 2000, et le chef de la sécurité d’Etat Jésus Urdaneta.

-              Des civils, issus des milieux d’affaires ou des secteurs politiques n’ayant pas appartenu aux deux anciens partis de gouvernement comme Luis Miquilena qui était à la tête du parti chaviste, l’homme le plus puissant du pays après le président. Il a occupé divers postes ministériels comme celui de l'intérieur et de la justice, mais fut écarté du parti pour des affaires de corruption au sein du gouvernement. En 2007, il a exprimé son désaccord concernant le référendum sur la prorogation du mandat présidentiel.

-              Le troisième pilier du parti était le Haut commandement des Forces armées. Le président leur avait octroyé au sein du gouvernement un rôle considérable, nettement plus important que celui qu’il avait pendant la dictature de Perez Jimenez.

La méthode employée de désignation des dirigeants du PSUV paraîtra surprenante à plus d’un militant de la gauche française. Ne parvenant pas à se mettre d’accord lors du congrès de mars, il fut décidé que les délégués inscrivent trois noms sur des bulletins afin de les soumettre à Chávez qui devrait désigner ensuite les 69 candidats en tenant compte du choix des délégués. « Cette méthode a empêché des militants « non reconnus » d’être candidats à la direction et de présenter leurs idées aux délégués. » De 33 à 40 % des délégués ont écrit à Chávez pour dire que cette façon d’élire la direction du PSUV n’était pas conforme à ce qu’ils considéraient comme les principes de la démocratie…

Selon Patrick larsen, la direction élue compte une majorité de réformistes de droite, mais aussi des personnalités perçues comme faisant partie de la gauche du mouvement.

Le PSUV rassemble le MVR, le Mouvement électoral du peuple, le Movimiento Independiente Ganamos Todos, l'Unidad Popular Venezolana, le Movimiento Tupamaro de Venezuela et la Liga Socialista. Comme le PCV, Patria Para Todos (PPT) et Podemos qui soutiennent Chávez, ne s’intègrent pas à la nouvelle formation. Ils formeront un front en 2011, le « Pôle patriotique », pour la renaissance et le renouvellement du la coalition électorale formée en 1998, pour la bataille présidentielle de 2012. Ce bloc rassemblera 12 organisations : PCV, Podemos, UPV (Unidad popular Venezuela), Redes (Redes De Respuetas De Cambios Comunitario), Mep (Movimiento Electoral del Pueblo), PPT, Tupamaro, NCR (Nuevo camino revolutionario), PRT (Parti révolutionario del traba-jo), CRV (Causa radical ), PC.

En avril 2007, une campagne d’inscription des « aspirants au militantisme » a eu lieu ; en juin, plus de 5 millions de personnes s’étaient inscrites, ce qui a débouché sur la création de 22 000 bastiones socialistas, unités de base desquelles ont émergé les représentants présents au Congrès Fondateur qui a eu lieu de janvier à mars 2008 après avoir été plusieurs fois ajourné.

Les premières élections internes ont lieu le 9 mars 2008, désignant les 30 membres de la direction permanente (15 permanents et 15 suppléants). Le parti comptait alors près de deux millions et demi de militants. En juillet 2009, le parti revendique sept millions d’adhérents dont 1 270 000 jeunes affiliés à la JPSUV (Juventud del Partido Socialista Unido de Venezuela ou Jeunesse du Parti socialiste unifié du Venezuela).

Ref : (Romain Migus - http://www.voltairenet.org/article 158266.)

Les dirigeants élus.

Hugo Chavez Frias (Président du Parti), Alberto Müller Rojas (Premier Vice-président du Parti), Adan Chavez (Numéro deux du Bureau Politique), Aristobulo Isturiz (Membre de la direction nationale, Vice-président pour la région centrale de Caracas) -Juin 2009.

Jorge Rodríguez, ancien vice-président est désormais le chef de la direction temporaire du PSUV. Les bataillons socialistes constituent les unités de base du parti au niveau territorial, dont les porte-parole se réunissent  en instances où des représentants sont élus, ainsi de suite jusqu’à la désignation des délégués pour chacun des Etats.

Dans La Déclaration des Principes, Les militants imposeront des choix idéologiques qui finalement sont très proches des préoccupations communistes et du président Chávez quant aux questions de la corruption et du bureaucratisme des institutions de l’Etat.

« La pression de la base a laissé sa marque sur plusieurs des principales décisions du congrès. La « Déclaration des Principes » est beaucoup plus claire et plus ferme, dans ses positions, que l’ébauche de programme qui a été adoptée. Elle inclut, entre autre, la nécessité d’exproprier les capitalistes qui possèdent les moyens de production : « L’inefficacité dans l’exercice du pouvoir public, le bureaucratisme, le faible niveau de participation du peuple dans le contrôle et la gestion du gouvernement, la corruption et le fossé qui se creuse entre le peuple et le gouvernement – tout cela menace la confiance que le peuple a placée dans la révolution bolivarienne. (...) »

« Dans la production et la distribution des marchandises et des services, les intérêts spéculatifs du secteur privé découlent du contrôle et de la propriété des moyens de production, et sont une menace supplémentaire pour la révolution bolivarienne. Dans le cas de la nourriture, il n’est pas suffisant de lutter contre le sabotage et la pénurie par des mesures administratives. Il est nécessaire d’avoir une perspective stratégique pour confier au peuple organisé les moyens de production. »

Il y a également un paragraphe très significatif au sujet des bases idéologiques du parti :

« Le parti prendra comme point de départ l’arbre aux trois racines : la pensée et les actions de Simón Bolivar, de Simón Rodriguez et d’Ezequiel Zamora. Il tâchera de former ses membres en adoptant comme guide la pensée et les actions des révolutionnaires et des socialistes du monde entier tels que Martí, Ernesto Che Guevara, José Carlos Mariátegui, Karl Marx, Friedrich Engels, Lénine, Trotsky, Gramsci, et tous ceux qui ont apporté d’importantes contributions à la lutte pour la transformation sociale. »

Le Président Chávez, ne peut se couper, ni de sa base populaire, ni de ses cadres dirigeants, dans un parti qui reflète les tendances, les divergences au sein de son mouvement entre une droite nationaliste, les républicains, les sociaux-démocrates, les socialistes, une extrême gauche révolutionnaire. C’est le peuple qui en définitive fera les choix, par les urnes… Selon Chávez , le PSUV a pour but d’établir « l'unité du peuple ».

La conception chaviste du socialisme est non-orthodoxe si on se réfère à quelques-unes de ses déclarations :

-              « La patrie, le socialisme ou la mort. Je le jure. Je le jure par le Christ, le plus grand socialiste de l'histoire. »

-              Il a encouragé dans Alo presidente la lecture de Trotsky, adepte de la révolution permanente: « Je suis entièrement sur la ligne de Trotsky, sur la ligne de la révolution permanente ».

Déclarant néanmoins : Nous n'avons pas de modèle étatique de développement (du socialisme). Nous ne disons pas que toute l'économie doit être étatique. Est-il possible qu'il y ait des entreprises privées dans le socialisme ? Oui et je dirais même qu'au Venezuela, c'est non seulement possible mais nécessaire. (Weekly Worker, 2 août 2007).

Pour un militant français, le PSUV apparaît comme un objet assez incompréhensible, loin des principes d’organisation des partis de la gauche française. La notion d’adhérent est très différente, pas de cotisation mais une simple inscription avec un numéro de téléphone sur des listes partisanes. C’est un parti qui rassemble des masses immenses de supporters, mais les cadres sont une poignée de dirigeants dont les convictions démocratiques oscillent avec la distance qui les sépare d’une base locale authentiquement populaire. L’adhésion est un lien vertical et direct avec le leader et un lien horizontal avec les mécanismes de la démocratie participative : missions, conseils communaux.

Mais les masses ne sont pas manipulables par la seule force du charisme de Chávez, elles l’on démontré lors du référendum raté de 2007 et des élections de 2008. C’est à la fois une richesse et une faiblesse, un parti sans structure fortement organisée, risque de ne pas bénéficier du même soutien populaire sans Chávez. Cependant les catégories sociales bénéficiaires, et devenues en partie administratrices des bienfaits de la redistribution des revenus pétroliers, n’accepteront pas de les voir remettre en cause par des politiciens discrédités par un passé aux pratiques véreuses. Les couches populaires, autrefois cantonnées dans la passivité d’un système d’alternance bipartite héritée de l’accord de Punto Fijo[1], se sont désormais emparées d’un pouvoir bouillonnant d’expression et d’implication au niveau local.

La combinaison du lien plébiscitaire et de la pratique de démocratisation à la base est un sujet de préoccupation que l’on peut trouver dans tous les partis à vocation présidentiable, car il repose sur un « prince populaire » - tel que le définissait Machiavel - s’appuyant sur le peuple pour affirmer sa puissance contre les grands. Avec Chávez, il semble que la conscience de ce danger s’exprime par sa volonté de renforcer le pouvoir populaire des conseils communaux. Le rôle du PSUV n’est pas celui du parti unique comme à Cuba, mais il gagnerait cependant à se constituer une ossature solide et se forger un programme plus rigoureux, une idéologie partagée qui ne soit pas celle de la parole du chef, diversement interprétée selon la variété des relais par des cadres désignés d’en-haut, en cascade. Car « la pérennité de cette action n’est pas assurée et le régime a aussi vu la création d’une nouvelle bourgeoisie qui vit de façon parasitaire aux dépens de l’Etat… »

Le rassemblement populaire autour d’une figure charismatique peut aider à débloquer des situations, effectuer des ruptures, mettre en mouvement la société, il n’est pas suffisant dans une perspective émancipatrice.

« Alors que cette structure, à laquelle appartient officiellement la quasi-totalité de l’électorat chaviste, pourrait être le lieu de l’élaboration, par le débat, du Socialisme du XXI° siècle, il semble que peu d’espace y soit pour l’instant consacré. Au contraire, le parti se limiterait à une machine électorale produisant le consensus autour des propositions d’un homme. L’adhésion au PSUV est vue par certains comme la façon la plus simple d’obtenir des fonctions dans l’organigramme gouvernemental, ce qui suppose une adhésion utilitaire et nuit à la tenue des débats ».

« Le PSUV sera un grand parti de masses où s’intègreront beaucoup de groupes sans distinctions idéologiques et inclura tout type d’ouvrier, jeune, dirigeant, indigène et entrepreneur nationaliste ». Dans ce vaste rassemblement aux intérêts divers, les secteurs les plus à droite, Fedeindustrias et une grande quantité de fédérations patronales associée au chavisme, pensent que « la constitution est déjà socialiste, il n’y a pas besoin de la changer ! Le socialisme comme modèle a échoué ! Les ouvriers ne sont pas aptes à mener les usines, les industriels sont essentiels ! Le socialisme vénézuélien n’aura rien à voir avec Marx, ce sera différent ! Nous vivons dans le socialisme, les missions, Mercal, Barrio Adentro, c’est le socialisme ! »

Il paraît évident que tous ne sont pas devenus socialistes du jour au lendemain. Un immense travail de formation reste à faire, à commencer par définir ce que recouvre exactement le socialisme du XXI° siècle.

Allain Graux

7.01.2012

 

 

 

 

 

 

 

 

 



[1] Punto fijo : pacte entre les partis, après la dictature de Jimenez

 En 1958, un pacte dit de « Punto Fijo » scelle l’accord signé entre les trois grands partis dont l’AD et le COPEI et les Forces syndicales pour éviter le retour des aventures militaires. Ce pacte régira le système vénézuélien pendant 40 ans. Dans une alternance politique apparente, 6 des 8 élections présidentielles verront le pouvoir passer de l’AD au COPEI, et inversement. Le pacte est un engagement des protagonistes à soutenir le président élu et à se répartir les postes de la République. L’alternance, qualifiée de « loi du  Pendule » (ley de Pendulo), assurera la stabilité institutionnelle et régulera la vie politique en incluant les secteurs radicaux, mais en excluant le Parti Communiste.

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