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2013-14 : L’ultra-droite se rassemble et manifeste

Les réformes sociétales du « hollandisme » sont l’occasion pour toutes les mouvances ultra- conservatrices de se rassembler contre le pouvoir, disputant la rue à l’opposition de la gauche de gauche mobilisée périodiquement par le Front de Gauche sur des initiatives de son porte- parole et ex-candidat à la présidentielle de 2012, Jean Luc Mélenchon.

Le « mariage pour tous » a provoqué de multiples manifestations, sous des bannières diverses qui se voulaient apolitiques, sous l’égide de l’humoriste et militante catholique Frigide Barjo. Cela a commencé le 17 novembre 2012 et a duré jusqu’au 26 mai 2013. Le 13 janvier, une manifestation nationale de « La Manif pour tous » regroupait à Paris entre 340 000 (chiffre police) et 800 000 personnes (chiffre organisateurs). Le 24 mars, une seconde manifestation nationale rassemblait entre 300 000 (chiffre police) et 1,4 million (chiffre organisateurs) de manifestants. Le 21 avril, une manifestation parisienne, deux jours avant le vote de la loi à l'Assemblée nationale, rassemblait entre 45 000 et 270 000 personnes selon les sources. Un dernier rassemblement national, au cours duquel environ 150 000 personnes défilent, a lieu le 26 mai 2013, peu après la promulgation de la loi. L’évaluation du nombre de manifestants est toujours sujette à caution ; je les donne à titre indicatif. On peut cependant noter l’exagération évidente des organisateurs et l’essoufflement du mouvement protestataire à partir du vote à l’Assemblée.

La loi en question n’enlève aucun droit à ceux qui veulent se marier, elle en accorde de nouveaux à ceux qui ne le pouvaient pas, et notamment les homosexuels. Ce sont des oppositions contre le libre choix, les libertés individuelles, tout comme les motifs des nouvelles manifestations qui ont pris le relais en janvier 2014, contre l’amélioration de la loi sur l’avortement. Là aussi c’est une question de choix individuel, on n’oblige pas les femmes à avorter, c’est une possibilité destinée à éviter des drames pouvant conduire à la mort, au suicide. Là encore, les ultra-conservateurs et intégristes de tous poils veulent imposer leurs propres concepts à ceux qui n’ont pas la même représentation de la religion ou de la philosophie.

Si pour certains, leurs croyances sont sincères et respectables, bien que dogmatiques, pour la droite conservatrice et traditionnaliste, pour l’extrême-droite, c’est l’occasion de rassembler une foule de gens aux aspirations différentes et de tenter de les unir sous leur bannière.

On retrouve dans les cortèges des membres de l'Action française, du Mouvement national républicain de Bruno Mégret, du Front national avec Marie-Christine Arnautu, une vice-présidente, du Parti de la France de Carl Lang, du Renouveau français, de la Renaissance catholique, de l'Alliance royaliste, des militants du GUD, des Jeunesses nationalistes, des membres du Bloc identitaire et de l’Oeuvre française. Civitas manifeste à part, mais conjointement. La manifestation du 21 avril rassemble plusieurs personnalités politiques, dont Christine Boutin, les députés Gilbert Collard (apparenté FN), Patrick Ollier (UMP), Hervé Mariton (UMP), Jean-Frédéric Poisson (UMP), ou encore Jean-Christophe Fromantin (UDI). Le 26 mai Jean-François Copé, le Président contesté de l’UMP participe également. Tout ce beau monde hétéroclite ne préparent-ils pas des lendemains dont on pourrait rapidement déchanter ?

En marge des actions violentes ont eu lieu, des journalistes sont molestés ou poursuivis.[1]

On a observé ce même type de rassemblement hétéroclite en Bretagne, cette fois sous le patronage d’un maire qui se prétend de gauche, à Carhaix. Le prétexte était une taxe écologique, d’ailleurs votée par le précédent pouvoir de droite et dont il est vrai que les modalités d’application sont sujettes à caution. Derrière des syndicalistes sincères, des ouvriers et des paysans, victimes de la politique libérale et mondialisée de la finance internationale, se cachaient en réalité des groupuscules d’extrême-droite les plus divers. Les partis de droite et le FN cherchant pour leur part à récupèrer le mouvement protestataire.

Ces manifestations étaient l’exemple parfait de la confusion idéologique et politique la plus totale, d’un mélange de justes revendications syndicales avec des réclamations régionales ayant en commun la suppression d’un impôt, l’occasion d’une remise en cause des moyens de l’Etat et donc une contestation de la République elle-même, de la légitimité du pouvoir. Autre thème traditionnel du combat de l’extrême-droite et en plein territoire chrétien passé à la social-démocratie. Paradoxalement, Marine Le Pen, actuellement, réclame un rôle accru de l’Etat contre le pouvoir économique, contre Bruxelles, contre le mondialisme. En paroles. Mais le FN n’en est pas à un tête à queue prêt en matière programmatique. Ce que fulminait le père avant 1980, n’est plus d’actualité, par contre on retrouve les accents poujadistes des origines.

Ne retrouve-t-on pas dans ces mouvements, ces manifestations de droite extrême, et celles de gauche, les accents, le climat - toutes proportions gardées – des années 30 à 1940 ?

L’occasion pour le FN de recueillir les fruits de la contestation dans des terres qui ne lui sont pas très favorables, en particulier sur le thème récurrent de l’immigration. Il n’a pas beaucoup d’efforts à produire, les groupuscules qui gravitent autour de lui assurent la logistique. Dans le désert idéologique, tout ce qui conteste est un effet d’aubaine pour lui. Les sondages ne lui accordent-ils pas la victoire avec 23 % des suffrages aux prochaines municipales, devant l’UMP à 20 % et un PS à 18 % ? Encore que les sondages …

Le 26 janvier c’est la manif du « Jour de colère », un collectif soi-disant « apolitique » et « citoyen », mais qui rassemble toute l'ultra-droite, les catholiques intégristes et le négationniste et antisémite Dieudonné, comme pour le 30 novembre « contre le matraquage fiscal, la misère paysanne, le chômage, l’insécurité, la faillite de l’éducation nationale, la destruction de la famille, le mépris de l’identité française, les atteintes à la liberté et le déni de démocratie ». L’objectif est de « coaguler » toutes les colères : « Il est temps d’unir nos forces autour des points communs qui nous rassemblent », indique le site internet du dit collectif. Il s’agit bien d’une nouvelle tentative, cette fois clairement affirmée de regrouper tous les mécontentements, aussi disparates soient-ils, dans un but unique : renverser les institutions républicaines et les dispositions les plus progressistes à partir de doléances contre …les conséquences du libéralisme et des politiques austéritaires, menées tant par les droites que les gauches européennes et souvent de concert dans des gouvernements communs.

Qui sont les dirigeants de ce collectif ?

- L'avocat Frédéric Pichon, ancien leader du GUD (Groupe Union Défense, l’extrême-droite universitaire). ». Grégoire Boucher qui gravite autour de la galaxie du GUD : il est « ami » de Frédéric Chatillon[2] et de son bras droit, Olivier Duguet, l'ex-trésorier du micro-parti de Marine Le Pen.

- Adélaïde Pouchol, qui signe dans l'Homme nouveau, journal catholique traditionaliste. En juin, elle a animé une conférence sur le Printemps français avec Béatrice Bourges, à Orléans[3].

- Des associations réclamant la démission d'Hollande (Hollande Dégage, Hollande m'a tué, Stop-Hollande), des mouvements anti-fiscalité (Rassemblement des contribuables français de Nicolas Miguet, les Citrons pressés, les Vaches à lait, etc.), anti-islam (Reconquête républicaine, le Comité Lépante), identitaires (Réseau-Identités, Nationalité-Citoyenneté-Identité, la Ligue francilienne), des catholiques intégristes (comme Civitas, proche de la Fraternité Saint-Pie X), des associations aux revendications plus ciblées (comme les Bonnets blancs qui s’opposent à la réforme des rythmes scolaires) et d'autres aux mots d'ordre plus flous (l'Observatoire du mensonge, Foutez-leur la paix)[4].

- Yvan Benedetti et Alexandre Gabriac, les leaders de l'Œuvre française et des Jeunesses nationalistes, ces groupuscules antisémites dissous en juillet 2014…

- L'ex-FN Bernard Antony, ancien chef de file des catholiques traditionalistes au sein du parti lepéniste, et fondateur de l’Agrif, participera aussi à la manifestation pour combattre le « racisme anti-blanc et anti-chrétien », selon Libération.

- L'association anti-islam Résistance républicaine, satellite de Riposte laïque.

Et :

- Marion Maréchal-Le Pen avait indiqué qu’elle serait présente, mais la présence du mouvement de Dieudonné - qui n’est pas en odeur médiatique de sainteté – l’a refroidie ainsi que certains dirigeants des partis de droite. Pourtant, en décembre, sa fédération du Vaucluse participait à l'organisation de la manifestation[5].

Pour le chercheur Jean Yves Camus, ce rassemblement « n'est pas unitaire », et il souffre de l'absence d'« objectif », et de figure politique ou médiatique permettant de coaguler tous ces mouvements ».

Cependant, Résistance royaliste appelle à rejoindre ce mouvement en prenant comme référence les manifestations des ligues d'extrême droite contre le gouvernement, le 6 février 1934.

Une similitude déjà observée avec des évènements du passé qui devrait inquiéter tous ceux qui se réclament des idées républicaines, de la démocratie, des libertés, de l’égalité, de la solidarité.

Allain Graux

Le 26 janvier 2014.

[1] Le 13 avril, la journaliste et militante Caroline Fourest qui devait assister à un débat à Nantes est « traquée » toute la journée par des centaines de manifestants. Environ 200 personnes se rendent ensuite à la gare où ils s'allongent sur le ballast et bloquent la voie pendant 40 minutes empêchant le passage du train (sur lemonde.fr, 14 avril 2013). Le même jour des manifestants se rendent devant le domicile du député EELV François de Rugy à Paris, et de la ministre déléguée aux personnes âgées et à l'autonomie Michèle Delaunay à Bordeaux. (Le Monde, 15 avril 2013)

[2] - ancien du GUD, copain du national socialiste Alain Soral et de Dieudonné…proche de Marine Le Pen.

[3] - Source : Médiapart - L'ultra-droite se cache derrière «Jour de colère» 24 janvier 2014 | Par Marine Turchi

[4] Source : Ibid

[5] « ibid

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