Les évènements qui ont lieu en Turquie ne peuvent pas nous laisser indifférents. L’ancien empire ottoman, situé à la frontière de l’Orient et de l’Europe, a la particularité d’avoir dominé le monde de culture arabo-musulmane jusqu’au traité de Versailles signé le 28 juin 1919 où les nations européennes se partagèrent ses dépouilles, et d’avoir régné sur toute une partie de l’Europe jusqu’à la fin du XIXè siècle.
A l'issue de la guerre de Crimée, au congrès de Paris de mars 1856, les puissances européennes garantissent l'intégrité territoriale de l'Empire Ottoman : zones brun foncé, brun clair (Egypte) et brun orange (Tunisie). En contrepartie, les principautés de Moldavie et de Valachie (zone vert clair) acquièrent leur autonomie (voir Roumanie) et la Serbie (zone vert pâle) est placée sous la protection collective des puissances chrétiennes. Quant au Monténégro (zone jaune), il a un statut à part (voir ce pays).
En 1804, Méhémet-Ali se proclame pacha d'Egypte sous la suzeraineté du Sultan. Celui-ci entérine cette prise de pouvoir par un firman de 1805. Grâce à son habileté, le pacha bénéficie rapidement d'une large autonomie, et le pachalik devient héréditaire. Il conquiert le Soudan en 1822, et fonde Khartoum en 1830. Son petit-fils Ismaïl inaugure le canal de Suez en 1869, et troque son titre de pacha contre celui de khédive. La Tunisie a été conquise par les Turcs en 1574, elle est gouvernée par des deys nommés par le Sultan jusqu'en 1881, date à laquelle la Tunisie passe sous protectorat français[1].
En 1923, le général Mustapha Kemal (Ataturk), après une guerre civile de 3 ans, proclame la République. Son régime républicain et laïc est directement inspiré de la révolution jacobine française. L’influence de la France a toujours été importante dans les milieux intellectuels d’Istanbul, avec le lycée français de Galatasaray[2], dont le patronyme est plus connu comme étant celui de l’une des trois grandes équipes de football d’Istanbul.
Le dépeçage de l’empire turc a concerné des pays qui sont aujourd’hui au centre de conflits ou de révolutions à la lisière d’une Union européenne à laquelle la Turquie est toujours candidate : la Syrie (et par extension le Liban), la Palestine, l’Irak, l’Egypte.
La contestation de la place Taksim, déclenchée à partir d’une simple revendication écologiste est-elle de même nature que ? Soit :
- celles que nous avons connues en Europe et aux Etats-Unis contre les politiques d’austérité,
Ou :
- celles qui ont modifié la géographie politique de toute une série de pays du Moyen-Orient, pour certains profondément, comme en Libye, en Tunisie, en Egypte, d’autres très modérément comme en Algérie, au Maroc, ou encore tragiquement avec le Bahrein et la Syrie. Des évènements dont les conséquences affectent jusqu’au Mali avec l’exportation d’armes et de djihadistes qui étaient impliqués dans la guerre civile libyenne. Une guerre où la France et l’Union européenne sont engagées. Aussi l’Irak où des attentats terroristes ont causé plus d’une centaine de morts. L’Iran qui avait connu des manifestations contestataires de la dictature théocratique qui gouverne cet Etat, soutient Bachar el Assad, son allié syrien, et le parti Hezbollah libanais qui intervient directement dans le conflit. Des gouvernements et factions politiques armées sont opposés à la politique impérialiste étatsunienne, à ses alliés régionaux : Israël et les monarchies arabes sunnites de la péninsule arabique.
Au-delà des aspects géopolitiques apparents, les simplifications qui ont cours sur la Turquie, mais aussi sur le monde de culture arabe, réduisent la vie politique à un affrontement entre deux blocs ou à des conflits que les observateurs médiatiques réduisent à des guerres religieuses. A l’énumération de toutes ces implications on comprendra la dimension internationale des enjeux. Les indignés, les insoumis et résistants, rebelles à l’oppression, les exploités, tentent d’intervenir en réagissant dans un cadre de crise du système capitaliste mondialisé qui engendre des mesures « austéritaires » et autoritaires pour les populations. Ce que ces mouvements ont en commun se proclame : liberté, égalité, fraternité !
Si d’apparence, « les protestations en Turquie visent un dirigeant démocratiquement élu qui a remporté trois élections avec une majorité respectable, a présidé une période de croissance économique importante et repositionné son pays comme une puissance régionale avec des ambitions mondiales[3] », c’est que d’autres facteurs ont joué au-delà d’un ralentissement économique, d’inégalités qui restent profondes et se sont accentuées entre les plus pauvres et les plus aisés[4]. Le taux de pauvreté absolue aurait baissé de 1,35% en 2002 à 0,54% en 2007. Cependant, la diminution du taux de pauvreté «relative» aurait été moins important, passant de 14,74% en 2002 à 14,18% en 2004, et remonté à 16,16% en 2005. En Turquie, plus d’un ménage sur six aurait un revenu inférieur à 50 % du revenu médian et un ménage sur quatre vivrait avec un revenu inférieur à 60% du revenu médian[5].
Par ailleurs, La forte croissance économique entre 2003 et 2007 a eu peu d’incidences sur le taux de chômage qui est resté quelque peu supérieur à 12 % et plus de 18 % en 2009, avec 1 200 000 chômeurs supplémentaires. Et 12 % de la population en âge de travailler est illettrée[6].
Si la population turque est musulmane à 95 %, elle n’est pas pour autant intégriste : 80 % des Turcs rêvent de la liberté à l’européenne, pour des raisons différentes, voire opposées, entre Kurdes, laïcs, milieu des affaires, ou paysans misérables d’Anatolie. Les méthodes autoritaires du premier ministre Recep Tayyip Erdogan sont contestées, y compris par une partie de son électorat traditionaliste et conservateur. L’accumulation insidieuse de mesures qui remettent en cause la laïcité, port du voile, consommation d’alcool, portent atteinte aux libertés individuelles, en particulier dans la partie européenne du pays, autour d’Istanbul. S’il n’a pas pu faire appliquer la Charia, Erdogan s’attaque néanmoins aux signes laïcs et a tenté de criminalisé l’adultère.
La Turquie européenne[7] représente 80 % des forces vives de la nation. Favorable à l’adhésion à l’Union européenne pour ce qu’elle représentait et représente encore comme perspective d’évolution démocratique, cette Turquie dynamique voit s’éloigner son rêve européen avec le durcissement du gouvernement islamo-conservateur, son penchant vers des gouvernements dirigés ou influencés par les Frères musulmans. Les élites turques se sentent de longues dates pleinement européennes. Mustapha Kemal disait :
« La civilisation, c’est l’Occident, le monde moderne dont la Turquie doit faire partie si elle veut survivre. »
« C’est toute l’ambiguïté de la Turquie : pont entre l’Orient et l’Occident, entre les cultures, où se mélangent les peuples et les influences modernes ou traditionalistes, à cheval sur l’Europe et l’Asie, entre autoritarisme et démocratie, la Turquie est à l’image de ces deux visages, le musulman conservateur avec ses minarets et ses femmes voilées, et son volet moderne à l’occidental, vêtures et belles voitures, les souks et les quartiers d’affaires d’Istanbul où s’élèvent les gratte-ciels des sociétés multinationales[8]. » Pour la Turquie progressiste, L’UE représente un avenir, une garantie de l’évolution démocratique du pays. Les laïcs démocrates ont conscience que l’islamisation provoquerait un rejet définitif des opinions européennes à l’égard de l’adhésion de la Turquie.
Le premier ministre doit sa popularité, la victoire de l’AKP à son opposition contre l’armée qui contrôlait le pays au moyen du Conseil national de sécurité[9]. L’influence des généraux - largement anti-européens parce que l’adhésion signifiait la perte de leur pouvoir avec la suppression du CNS exigée par l’UE - était jugée incompatible avec une évolution démocratique du pays. Les militaires avaient quitté le pouvoir en 1982 mais en léguant une Constitution qui leur permettait de contrôler la politique du gouvernement. Erdogan a mis l’armée au pas après une tentative de complot éventée. Cependant les articles 302 du code pénal sur la diffamation en public de l’identité turque, ou 305 sur la protection des valeurs de l’Etat permettent toujours des interprétations qui n’ont que de lointains rapports avec l’exercice de la liberté d’expression. La Turquie détient un triste record du monde avec 76 journalistes emprisonnés sous ces prétextes[10].
L’AKP n’est pas plus souple que les militaires et tous les précédents gouvernements pour ce qui concerne le massacre des Arméniens par l’armée en 1915. Toute allusion à un génocide est immédiatement passible des tribunaux. Même parmi les milieux de gauche, on reconnaît l’existence de massacres qui ne peuvent pas être contestés mais jamais un génocide[11].
Les limites de la démocratie représentative.
Le Parlement turc compte cinq cent cinquante députés, élus pour quatre ans au scrutin proportionnel, chacune des soixante-dix-neuf provinces constituant une circonscription électorale. Les candidats présents sur la liste d'un parti politique ne sont élus que si leur formation a obtenu au moins 10 % des suffrages exprimés au niveau national, si elle a présenté deux candidats à chaque siège de député dans au moins la moitié des provinces, et si elle est bien implantée dans la moitié des provinces et un tiers des arrondissements provinciaux.
La Constitution stipule que le Premier ministre soit un élu du Parlement et la loi électorale oblige à modifier le gouvernement pendant la campagne électorale des élections législatives. Ainsi, les ministres de l'Intérieur, de la Justice et des Transports doivent être remplacés par des personnalités indépendantes et les autres membres de l'équipe gouvernementale doivent être choisis parmi les groupes parlementaires selon l'importance de ceux-ci.
La représentation politique, après les élections législatives de 2011
Parti Voix % +/- Députés +/-
AKP, droite 21 442 528 49,83 % +3,27 327 -14
CHP, gauche social-démocrate et nationaliste
11 131 371 25,98 % +5,13 135 +23
MHP, ext-droite 5 580 415 13,01 % -1,23 53 -18
Parti de la félicité (islamiste) 534 209 1,24 % -1,30
Parti de la voix du peuple (ext-gauche du DHKP-C)[12]
326 020 0,76 % +0,76
Parti de la grande unité (ext-droite)
314 908 0,73 % +0,73
Parti démocrate (DP), ex-parti de la Juste voix (centre-droit)
278 281 0,65 % -4,77
Parti des droits et de l'égalité 121 814 0,28 % +0,28
Parti démocratique de la gauche (DSP)
106 025 0,25 % +0,25
Parti de la juste voie (conservateur)
64 387 0,15 % +0,15
Parti communiste turc TKP 60 818 0,14 % -0,09
Parti de la nation -Le Millet Partisi ou MP – (ultranationaliste)
59 481 0,14 % +0,14
Parti nationaliste et conservateur – (droite)
36 602 0,09 % +0,09
Emek Partisi , Parti du travail (gauche).
31 549 0,07 %
Parti libéral-démocrate (LDP) droite libérale
15 570 0,04 % -0,06
Indépendants 2 859 170 6,57 % +1,34 35 +9
Beaucoup d'indépendants sont les représentants de partis interdits...
Total (participation : 86,7 %) 42 963 148 550
Sur 15 partis participants au scrutin, seuls 4 sont représentés au parlement. Avec un seuil de 10% des voix exprimées pour être représenter au parlement, on pourrait penser que les partis chercheraient à se regrouper. Il n’en est rien, c’est une grande dispersion, à droite comme à gauche. Depuis la perte d’influence du CHP, après la dictature militaire qui a décapité les forces vives de la gauche radicale et de l’extrême-gauche, les forces politiques de la droite dominent le pays.
La progression de l’AKP en voix s'est accompagnée d'un recul en nombre d'élus, du fait de la poussée des candidats indépendants (pour la plupart des représentants de la communauté kurde) et du CHP.
A droite :
L’AKP, depuis son accession aux affaires en 2002 avec 34,2 % mais 364 sièges sur 550 grâce au scrutin uninominal à un tour, a confirmé son pouvoir avec deux nouvelles victoires aux élections législatives en 2007 et en 2011 (cette année-là avec près de 50 % des suffrages). La base du parti AKP, ce sont les partis islamiques précédents. Le rêve de son président est de changer la Constitution laïque pour une loi fondamentale qui ferait de lui le président d’une république islamisée se référant à la charia. Mais il n’a réussi à convaincre que la moitié de des députés. Pour l’instant !
Le MHP, Parti d’action nationaliste est un parti ultra nationaliste aux tendances fascisantes, il a été fondé par le colonel Türkes décédé en 1997. Son organisation de jeunesse, « les Loups gris » est très virulente envers les Kurdes et la minorité religieuse alévie. Les ülkücüs (militant du MHP) sont nombreux dans les rangs de l’administration, surtout dans la police.
Avec 8,3 % des voix, il avait dû quitter l’assemblée en 2002 pour y revenir en 2007 avec 71 députés et 14,2 %.
Le Parti démocratique (DP) est fondé en 1983 sous le nom de Parti de la juste voie, héritier du Parti de la justice, de la droite Libérale et conservatrice. Il a connu un grand succès au début des années 1990, remportant notamment les élections législatives de 1991. Son fondateur, Süleyman Demirel, a été Premier ministre de 1991 à 1993, puis Président de la République de 1993 à 2000. Il n’est plus représenté au parlement national depuis les élections de 2002.
Le DTP, Parti de la Turquie démocratique est un petit mouvement conservateur fondé par des proches de l'ancien président Süleyman Demirel. Son chef est un jeune diplomate, Mehmet Ali Bayar.
Le Parti de la mère patrie (ANTAVAN, anciennement ANAP), parti de centre droit dirigé par Erkan Memcu.
Le Parti des jeunes Turcs (GP, anciennement Genc), droite de l'échiquier politique créé par Cem Uzan, propriétaire de la chaîne de télévision Star et du journal du même nom, souvent qualifié de Silvio Berlusconi t ATP (Parti de la Turquie étincelante) : parti ultranationaliste créé par Tugrul Türkes, allié au MHP
BBP, Parti de la grande union. Formation islamiste d’extrême droite fondée en 1996 et dirigée par Muhsin Yazicioglu. Son influence est limitée : 1,4 % des voix en 1999. En 1995, il avait fait élire 7 députés sous l’étiquette de l’ANAP.
Hezbollah (ou Hizbullah) : organisation extrémiste islamiste qui aurait été fondée à Diyarbakir, fin 1980, au lendemain du coup d’État de l’armée. Longtemps inconnue du grand public, mais pas des autorités qui l’aurait favorisé en sous-main. Cette organisation particulièrement bien organisée compterait quelque 20 000 militants.
A gauche
Le principal parti d’opposition est le Parti Républicain du Peuple (CHP). Ancien parti unique du kémalisme, il est membre associé de l’internationale socialiste. Il obtenait 19,4 % des voix en 2002 et a recueilli 26 % des suffrages en 2011, avec 135 sièges. Mais il est incapable de choisir entre son allégeance à l’armée et la démocratie. Il est traversé par de nombreux courants.
Le DSP, Parti de la gauche démocratique est un parti de la gauche nationaliste, comme le CHP dont il est issu depuis sa scission en 1985. Avec Bülent Ecevit et son épouse Rahsan, il s’est imposé un temps avec 22,1 %, le DSP était arrivé en tête aux législatives d’avril 1999. Il a participé au gouvernement de 1997 à 2002 et a subi l'usure du pouvoir. Son effondrement a été total, avec moins de 1,2 % des voix en novembre 2002, il n'est plus représenté à l'assemblée.
Le DSP et le CHP n'ont jamais gouverné ensemble.
ÖDP (Parti de la liberté et de la solidarité) est le parti socialiste fondé en 1996 de Ufuk Uras : 1 député indépendant élu en 2007. Il est membre de la Gauche anticapitaliste européenne
Les communismes en Turquie
C’est un foisonnement de groupuscules de toutes obédiences : trotskistes, maoïstes, léninistes, staliniennes, qui se sont subdivisées de scissions en scissions, engagées dans la clandestinité et la lutte armée contre le régime militaire.
Le Parti communiste de Turquie
Le TKP sort de l’illégalité dans les années 60 sous le nom de TIP (Türkiye Isçi Partisi), Parti des Ouvriers de Turquie). Il obtient 3% des suffrages aux élections législatives de 1965 et constitue en 1967 le DISK, Confédération des Syndicats Ouvriers Révolutionnaires. Les éléments les plus radicaux du mouvement étudiant, face à la répression croissante, s’éloignent du TIP pour s’engager dans la lutte armée, et lorsqu’en 1970 des centaines de milliers d’ouvriers marchent sur Istanbul et occupent la ville pendant deux jours pour s’opposer à une décision du parlement d’interdire le DISK, le TIP est incapable de donner une quelconque perspective politique à cette insurrection prolétarienne. La bourgeoisie, elle, effrayée par le développement du mouvement ouvrier, répond le 12 mars 1971 par un coup d’Etat militaire qui interdit toutes les organisations communistes ou de gauche. Plusieurs groupes militants, comme le TKP-ML (Parti Communiste de Turquie – Marxiste-Léniniste) formé en 1972, se lancent dans la lutte armée.
Le TIP est « re-légalisé » en 1972 sous le nom du TISP (Parti Ouvrier Socialiste de Turquie). Les communistes turcs forment également des structures armées clandestines comme Dev Yol (Chemin Révolutionnaire) ou Kurtulus (Libération) qui s’affrontent aux groupes paramilitaires des Loups Gris du MHP (Parti du Mouvement Nationaliste). Divisé sur la question du soutien ou non au CHP (Parti Populaire Républicain) au nom de l’antifascisme, le TIP connaît des scissions comme Sosyalist Ikaria (Pouvoir Socialiste) en 1978. C’est affaibli que le TIP et les groupes qui en sont issus font face au coup d’Etat militaire de 1980. Des groupes comme Sosyalist Ikaria parviennent à se maintenir et reforment, malgré une législation qui interdit l’utilisation du mot « communiste », le TKP en 2001 sur des bases « orthodoxes » c’est-à-dire staliniennes. Le TKP est cependant loin d’avoir l’influence qu’il pouvait avoir dans les années 70, et n’obtient lors des élections générales de 2002 que 0,19% des suffrages et 0,22% en 2007, 014 % en 2011.
Le Parti communiste des travailleurs turcs (TKEP) a été interdit depuis 1937, ses militants sont clandestins ou vivent en exil. Ils sont nombreux parmi les victimes de la répression policière. En septembre 1999, dix de ses membres ont été tués dans la prison centrale d’Ankara. Issu du THKO (Armée de libération du Peuple de Turquie), le TKEP est apparu en 1980. Le TKEP/L (Türkiye Komünist Emek Partisi / Leninist) est issu de ce dernier. Sa branche armée sont les Troupes de Guerilla Léninistes (Leninist Gerilla Birligi - LGB)
Le TDKP est le parti communiste-révolutionnaire de Turquie. Le TDKP est un parti politique clandestin qui est interdit en Turquie depuis plusieurs années. Il a été fondé par la fusion avec Halkın Kurtuluşu (« Libération du peuple »), le 2 février 1980 à Izmir lors du premier congrès du TDKP. Actuellement, le TDKP regroupe essentiellement des cadres du parti et a redirigé tous ses membres vers des organisations légales. Les cadres actuels d'EMEP (Parti du travail de Haydar Kaya) sont principalement d'anciens membres du TDKP. Il a obtenu 0,08 % aux législatives de 2007.
L’İşçi Partisi (« Parti des travailleurs ») est un parti politique d’extrême gauche nationaliste de Turquie qui n’a jamais été représenté au Parlement, et dont les scores électoraux sont minimes.
Le Parti communiste de Turquie/marxiste-léniniste (TKP/ML) est un parti maoïste turc fondé en 1972 par İbrahim Kaypakkaya. L'organisation est placée sur la liste officielle des organisations terroristes de la Turquie sous le nom de TKP/ML- KONFERANS (TKP/ML - Conférence). Il est né de la scission du Parti révolutionnaire ouvrier et paysan de Turquie (TIIKP), un parti communiste pro-chinois, lors du coup d’Etat militaire de 1971, divisé sur la lutte armée.
LES KURDES
Clandestin, le parti communiste kurde, le PKK est devenu le KADEK en avril 2002, ce qui n'a pas empêché l'Union européenne de classer, en mai 2002, cette formation parmi les organisations terroristes. En février 2000, le PKK a annoncé l’abandon de la lutte armée et modifié son logo en remplaçant la faucille et le marteau par une torche encastrée dans une étoile. Depuis 1993, le PKK réclame l’autonomie du Kurdistan et non plus l’indépendance. Son fondateur en 1973, Abdullah Öcalan dit Apo, «l’oncle » était un étudiant maoïste. Il est en prison à vie. Néanmoins, Il vient récemment de négocier avec le gouvernement.
Le DTP (Parti de la société démocratique) de Ahmet Türk est un parti autonomiste kurde; il avait 19 députés aux législatives de 2007. Le parti a été dissout à la suite d'une décision de la cour constitutionnelle le 11 décembre 2009. Principale formation kurde de Turquie fondée en 2005 à partir de la fusion du Parti démocratique du peuple (DEHAP) et du Mouvement de la société démocratique (DTH). Ses deux leaders, Ahmet Turk et Aysel Tugluk, ont été arrêtés et emprisonnés en février 2007 pour avoir distribué des tracts en langue kurde…
Le PSK, Parti socialiste du Kurdistan : parti Kurde modéré vivant dans la clandestinité.
Le HADEP (Parti de la démocratie du peuple) : parti autonomiste kurde, interdit.
Parti pour la paix et la démocratie (BDP) a été fondé en 2008 pour prendre la suite du Parti de la société démocratique (DTP), dissout pour ses liens supposés avec le PKK. le BDP suit, comme le DTP avant lui, une ligne sociale-démocrate et il est membre associé du Parti socialiste européen. La plupart des députés du DTP, qui avaient été élus en tant qu’indépendants, ont rejoint le BDP. Le BDP a obtenu un très bon score lors des élections législatives de 2011.
Le mouvement de la place Taksim
Il agrège des groupes très divers, plus ou moins politisés, unis par une même détestation du gouvernement islamiste de Recep Tayyip Erdogan.
Les alévis
Cette minorité religieuse très particulière à la Turquie anatolienne est une branche hétérodoxe libérale de l'islam chiite, issue des invasions perses est forte d'environ 10 à 15 millions de personnes dans le pays.
Les militants du CHP, la petite bourgeoisie socialisante et nationaliste, qui n’avaient pas eu l’occasion de se manifester depuis 207 et son opposition contre la nomination de « l’islamiste Abdullah Gül » à la présidence de la République. Sur la place Taksim, ses militants se font discrets car ils sont acceptés à condition de ne pas arborer leurs couleurs. Le président a déclaré que son parti ne participe pas aux manifestations mais qu’il apporte son soutien en tant que citoyen. « C’est aujourd’hui un parti de centre-gauche nationaliste, au sens turc du terme, c’est-à-dire qui fait passer les valeurs de la république et d’ l’Etat avant tout, y compris la religion, estime Multacan Sahan, enseignant à Galatasaray[13] »
Les militants d’une extrême-gauche morcelée, éparpillée entre des dizaines de groupuscules issus du vieux Parti communiste turc (TKP) et de la gauche turque et kurde. Ces partis et les syndicats (Disk, Kesk[14]) - qui avaient appelés à la grève sans être très suivis - ont été la cible de nombreux procès qui ont envoyé des centaines de militants en prison pour des liens supposés avec le terrorisme. Le DHKP-C (Parti-Front révolutionnaire de libération du peuple) ou le TKP-ML (Parti communiste turc marxiste-léniniste) sont des groupes toujours actifs en Turquie et leurs quelques dizaines de militants étaient en première ligne sur les barricades de la place Taksim. Le TKP (parti communiste turc), le DHKP (organisation marxiste-léniniste interdite en Turquie), le BDP (parti kurde), sans oublier le syndicat KESK des services publics étaient aussi présents.
Les milieux artistiques, écologistes.
Les artistes et les intermittents du spectacle, les architectes et les milieux culturels en général, ont rejoint les manifestations dès les premières heures. Sensibilisés aux questions environnementales et urbaines, ils militent depuis longtemps contre la politique urbaine insensée qui transforme Istanbul depuis plusieurs années[15].
Le parti écologique, créé par une transsexuelle ne dépasse pas 2 % aux élections.
Le Parti de gauche de l’avenir, le Parti de l'égalité et de la démocratie (EDP) et le Parti vert ont fusionné le 25 novembre 2012 pour devenir le Yeşiller_ve_Sol_Gelecek_Partisi
Les étudiants
Leur mobilisation va de soi car des centaines d'entre eux ont été arrêtés, condamnés parfois à de la prison, comme Sevil Sevimli, étudiante franco-turque qui a été incarcérée trois mois. Ils s’opposent à l’intervention des policiers sur les campus et à l’intention du gouvernement de construire des mosquées au sein des universités. La jeunesse turque est nombreuse : 50 % des 75 millions d'habitants ont moins de 30 ans.
Que revendiquent-ils ?
Quelques plates-formes ont été votées ce week-end. Elles sont longues et sont régulièrement amendées. On peut cependant relever quelques axes principaux:
-Vivre dans une Turquie vraiment démocratique. La libération des élus, des étudiants et des journalistes emprisonnés (plus de 10 000 prisonniers politiques). Une véritable réforme de la justice pour permettre à celle-ci de travailler librement. L’indépendance des médias par la fin de la censure, l’arrêt de l’intimidation de l’AKP sur les journalistes, le retrait des groupes commerciaux proche du pouvoir dans la direction des journaux.
Égalité de droit et de traitement entre les sunnites et les autres communautés religieuses. Le respect des droits et des spécificités des minorités kurdes chrétiennes et alévies. La reconnaissance de l’athéisme et de de l’agnosticisme.
-La séparation des pouvoirs. La possibilité pour toutes les composantes du peuple et de la société civile de s’exprimer sans risquer d’être réprimé de quelque manière que ce soit. La mise en place de véritable contre-pouvoir permettant au citoyen d’exercer son rôle en dehors des élections.
-L’arrêt immédiat des projets d’aménagement décidé sans consultation par les municipalités d’Ankara et Beyoglu. La fin de la dépossession des particuliers ou profit de sociétés privées propriétaires de capitaux[16].
Quelle suite à ce mouvement ?
Bien malin celui qui saurait le dire ! Sans la participation du CHP, principal parti d’opposition kémaliste et social-démocrate, à une coalition de gauche constituée avec le BDP, parti kurde, le TKP, parti communiste, l’EDEP et toutes les composantes de la gauche, le mouvement du Gezipark restera sans solution politique démocratique.
Mais ce mouvement a brisé bien des tabous, bousculé bien des mentalités, a vaincu la peur et a démontré une dynamique sans précédent depuis Mai 68. Il marquera l’histoire d’une génération dans cette Turquie belle et rebelle qui lutte pour une Turquie en paix avec tous les citoyens qui la font, sans distinction aucune. Cela passe par le chemin de la démocratie réelle et de la justice sociale. C’est la lutte que mène le mouvement du Gezipark[17].
Erdogan a choisi l’épreuve de force, par la ruse et le mensonge vis-à-vis du mouvement contestataire. Il peut actuellement se sentir soutenu par la base traditionnaliste et une population rurale conservatrice qui désapprouve ce remue-ménage, mais des failles apparaissent au sein de son p arti, des rivalités qui pourraient lui être fatales à l’avenir. Mais il est peu probable que la gauche en profite.
Allain Graux
Le 11 juin 2013
[1] Jean-louis.bourgouin.pagesperso-orange.fr/Empire ottoman carte.htm
Carte encyclopédia britannica
[2] Fondé en 1481 par le sultan Bajazed II
[3] Le Monde diplomatique – juin 2013 – Alain Gresh, citant James Dorsey .
[4] Le revenu moyen du décile le plus riche de la population des pays de l’OCDE est aujourd’hui environ neuf fois celui du décile le plus pauvre, soit un ratio de 9 à 1. Il est de 14 en Turquie…comme en Israël et aux USA. (http://www.oecd.org/fr/social/soc/49177707.pdf).
[5] Garip Turunç - Université Montesquieu – Bordeaux IV
[6] REF : INTRODUCTION CROISSANCE, EMPLOI ET INÉGALITÉS EN TURQUIE : Seyfettin GÜRSEL, Yusuf KOCOGLU, Jean Claude VEREZ
[7] Autour d’Istanbul
[8] www.allaingraux.over-blog.com-
[9]Chaque mois le gouvernement soumettait ses projets au CNS… Le conseil national de Sécurité (MGK) était le vrai pouvoir politique en Turquie. Son secrétariat regroupait le président de la République, le Premier ministre et les ministres de la défense, de l’intérieur, de la Justice, les chefs des trois armées, ainsi que le chef de l’Etat-major.
[10] Depuis 2009, le pouvoir mène en effet une véritable répression à l’encontre de ses opposants, emprisonnant des milliers d’étudiants, enseignants, universitaires, avocats, journalistes et élus. – Le Nouvel Observateur - 6.06.13
[11] Il appartiendrait aux historiens de se prononcer sur le caractère génocidaire du million et demi d’arméniens massacrés. Ceux qui reconnaissent le massacre conteste le génocide car les arméniens d’Istanbul auraient été épargnés..
[12] Le gouvernement a arrêté 167 membres du parti en février, suite à un attentat contre l’ambassade américaine.
[13] Mediapart – 11.06.2013 - Pierre Puchot- En Turquie, l’avenir incertain du parc Gezi
[14] Le « Conseil de solidarité entre les syndicats » a été créé en 1967 ; il a été à l’origine de la création du DISK : « la Confédération des syndicats ouvriers révolutionnaires ». Les viennent de l’industrie du verre, de la métallurgie, des pneumatiques et de la presse. L’émergence de syndicats marque une rupture avec une structure syndicale officialiste : le TÜRK-IS, lié aux structures du pouvoir. Le DISK qui regroupait 500 000 membres en 1970.
[15] REF : La mosaïque de la contestation en Turquie -Le Monde.fr | le 04.06.2013, Guillaume Perrier.
[16] http://www.lepartidegauche.fr/viedegauche/article/turquie-en-direct-la-place-taksim-23633 - résidant du PG à Istanbul.
[17] La Turquie belle et rebelle ! -10 juin 2013 par Tunjaï Cilgi - http://www.democratie-socialisme.org/spip.php?article2889
carte de l'empire ottoman