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Est-il vraiment banal de faire autant de place dans les médias à ce qui reste un courant parfaitement détestable, non seulement par ses références historiques au fascisme, au nazisme, au totalitarisme, au racisme, à l’antisémitisme ? Le visage amène et souriant, moins provocateur de la fille du défenseur de l’OAS, de l’Algérie française, des révisionnistes[1], laudateur des chants de la Wehrmacht[2], rend-t-il plus acceptable ce qui reste les fondements idéologiques du Front National ? Les discours de Marine Le Pen sont autant l’expression de l’anti-France républicaine que ceux de son père. L’un comme l’autre, comme tous les dirigeants du FN se sont toujours mobilisés contre les évolutions progressistes de la société française. Dans tous les domaines : politique, économique, social, démocratique ; que l’on peut traduire par : autoritarisme (culture du chef), libéralisme, anti-syndicalisme (donc contre la défense des droits des salariés), racisme et xénophobie nationaliste.

Le mariage pour tous.

L’exemple le plus récent est le ralliement du FN et de tous les groupes d’extrêmes-droites à la mobilisation de la « Manif pour tous ». En fait, « manif » pour le rassemblement du conservatisme sociétal, contre l’égalité des droits pour tous. Car le fait d’étendre les droits au mariage à tous les citoyens quelle que soit leur orientation sexuelle, n’enlève aucune liberté aux autres. On peut certes se demander pourquoi les homosexuels tiennent tant à la possibilité de se marier ? Ce n’est pas le mariage qui est en cause, mais le principe de l’égalité du droit. Est-ce - comme le prétendent les opposants – dangereux pour l’éducation des enfants ? Mais, qu’est-ce qui est le plus difficile pour un enfant : vivre seul et malheureux avec un parent ou vivre heureux avec deux personnes du même sexe ? Combien de divorces douloureux chez les hétéros ? En fait, il s’agit d’un prétexte, un chiffon rose et bleu agité devant les visages faussement apeurés des bons chrétiens traditionnalistes, pour imposer une vision conservatrice et réactionnaire de la société, éviter toute évolution progressiste. Une société ne peut pas demeurer figée sur des certitudes héritées d’un passé déformé. Le mariage n’est, depuis ses origines, qu’un contrat passé entre deux êtres, voire deux familles, deux seigneuries, destiné à légitimer l’héritage, les droits de propriété. Les religions l’ont sacralisé. Ce caractère sacré, c’est l’affaire de chacun. La loi ne remet pas en cause le mariage religieux, elle étend les droits à tous, du mariage civil, républicain. En s’attaquant à cette loi d’égalité, précepte qui figure sur le fronton de nos mairies, les manipulateurs extrémistes de droite, qu’ils soient frontistes ou UMP, s’attaquent à la République.

Certes, ce ne sont pas les médias qui ont fabriqué le FN, ce parti né de la fusion de groupuscules sortis du néant qu’ils n’auraient jamais dû quitter. Comme dans beaucoup de pays occidentaux, une partie de plus en plus importante de gens s’estiment trompés, délaissés, sacrifiés, sont désespérés et exaspérés par les politiques menées aussi mal par la droite que la gauche sociale-libérale :

- Les conséquences des crises systémiques du capitalisme, les mesures d’austérité entrainant la casse sociale, le chômage de masse, la remise en cause des acquis sociaux et des services publics.

- L’absence de démocratie dans la gouvernance de l’Union européenne, dont les objectifs politiques ont été pervertis par son extension et transformée en une vaste zone de libre-échange libérale - que l’on projette d’étendre à l’Amérique du Nord[3]-

Cependant, comme mon camarade Alexis Corbière, je pense que « le système [médiatique] offre à l’extrême-droite une caisse de résonance plus ou moins grande, selon les périodes, selon les personnes qui portent ces idées, selon qu’ils sont ou non de bons clients réalisant de l’audience audiovisuelle[4].

Cette extrême-droite se nourrit des peurs qui touchent toutes les classes sociales, des « petits blancs » des villages rurbains aux ouvriers déclassés des cités de banlieues « colonisées » par les travailleurs d’origine immigrée, en passant par les petits paysans délaissés au profit des grands exploitants céréaliers, et même aux riches couches bourgeoises les plus droitières. Il ne s’agit pas d’un complot, mais de la stigmatisation des craintes pour capter un électorat bousculé par la crise économique et financière. Marine Le Pen a compris qu’il fallait élargir son potentiel en recrutant massivement en direction des exclus. Elle n’hésite pas pour cela à employer les mêmes termes de langage que la gauche radicale et altermondialiste, dénonçant les spéculateurs, les marchés financiers, proposant d’établir une protection douanière à nos frontières comme la préférence nationale aux Français pour l’emploi et les droits sociaux. Elle dépasse son fonds de commerce de l’anti-immigration pour un discours prétendument social, que l’on pourrait facilement qualifier de national-socialiste. Cette usurpation n’est pas nouvelle dans l’histoire.

Ce positionnement ambigu ne résiste pas à une confrontation avec le programme libéral de l’extrême-droite, les amalgames, les ambiguïtés.

Quelques exemples

- L’immigration : un coût pour la France ? Si, en 2009, les immigrés ont perçus 48 milliards, ils en ont rapporté 60 en cotisations sociales et au fisc …

- Emploi, on peut observer que le taux de chômage est plutôt inférieur dans les pays de forte immigration (USA, Suisse, Suède (6%)) que ceux à faible population immigrée (Italie).

Pays

Taux immigrés

Chômage national (mars 2013)[5]

Suisse

20%

3,2%

Allemagne

8,9 % (2001)

5,4 %, + de travail partiel

USA

13 %

7,5 % ( avril 2013)

Suède

14,3% (eurostat)

6,2%

Norvège

10,8% (eurostat)

3,6%

Autriche

16,26 % (2005)

4,8%

France

(7,8 %) nés hors de l'Union européenne

10,2 % (avril, 2013)

Ce qui est certain, c’est que les immigrés sont les plus touchés par le chômage[6]. Mais « le taux d'activité des femmes est très inégal en fonction de l'origine. Si 74% des femmes d'origine portugaise ont une activité professionnelle, ce taux s'élève à 67% pour les femmes d'Afrique sub-sahélienne (soit plus que la moyenne des Française de naissance 66,8%) mais n'est que de 50,5% pour les femmes d'origine algérienne, 45,8% pour celles d'origines marocaines et seulement 28,7% pour les femmes d'origine turques[7] ». Cela est lié aux différences culturelles de qualification, d’intégration.

- L’économie : la prospérité des entreprises ne serait garantie que par des baisses d’impôt et de charges. Quelle est la différence avec les propositions de l’UMP, du MEDEF, et hélas la politique du gouvernement Ayrault ? Les entreprises bénéficient déjà de 30 milliards d’Euros d’exonération de cotisation dont on n’a vu jusqu’à présent aucun effet sur l’investissement et l’emploi.

- Droit social : le FN veut supprimer les syndicats de salariés et instaurer un système corporatiste comme Pétain ou Franco. On cherche en vain des propositions de nouveaux droits pour les salariés, de revalorisation des revenus des salariés et des retraités. Pour Marine Le Pen, ceux qui manifestent pour la défense du droit à la retraite sont des émeutiers…

- Logement : plutôt que de proposer l’augmentation de la construction de logement sociaux, Marine Le Pen déclare que les logements devraient être prioritairement attribués aux Français de souche.

- Vie sociale : avec le FN, c’est l’interdiction de l’avortement, le retour de la femme au foyer, toutes mesures très régressives pour la liberté, l’égalité, les droits des femmes.

Avec un tel programme réactionnaire comment expliquer que 18 % des électeurs aient accordé leurs suffrages à la candidate de l’extrême-droite, qu’un bon tiers des adhérents et sympathisants de l’UMP professent les mêmes faveurs pour ces propositions ?

La propagation des idées de l’extrême-droite résultent de la révolution conservatrice. C’est elle qu’il faut analyser et combattre au lieu de faire la courte échelle à son expression la plus extrême. Ceux qui s’en font les propagandistes au prétexte qu’elles représenteraient 20 % d’une opinion publique qu’il ne faudrait pas ignorer, devraient réfléchir à la façon « démocratique » dont Hitler est parvenu au pouvoir, dans un contexte économique et social qui n’est pas sans rappeler notre actualité. Ils devraient réfléchir à ce qui se passe en Hongrie, avant qu’il ne soit trop tard.

C’est à mesure que le conservatisme libéral « s’impose que les idées du FN se répandent dans la société…Dans les années 1980, Jean-Marie Le Pen se fait appeler le « Reagan français » et promeut l’ultralibéralisme qui constitue l’idéal du FN – dont la croissance repose sur la manipulation du mal-être que provoquent les effets calamiteux de cet « idéal » pour aveugler les esprits. La souffrance est ce qu’il y a de plus manipulable. L’idéologie en général fait passer les effets pour les causes et le FN accomplit cette tâche en exploitant le mécanisme du bouc émissaire qui fait que, quand on souffre, et que l’on ne comprend pas la cause de sa souffrance, on recherche une victime expiatoire. Cependant, à mesure que les effets catastrophiques de l’idéologie néoconservatrice deviennent patents, et en particulier après 2008, la fille Le Pen complexifie cette tactique : elle profite de l’absence totale de discours politique sérieux sur le renouveau de la puissance publique de la part des partis de gauche – réformistes aussi bien que radicaux – pour s’engouffrer dans ce qui fait dire de ce fait que son discours ressemble à celui de Jean-Luc Mélenchon[8]… »

La maladie de notre société, ce n’est pas le FN, il n’est qu’un symptôme de la crise. « Cette maladie, c’est le désespoir qui fait croire et accepter que la régression serait inéluctable. Il est honteux et lâche de s’y soumettre[9] ». Je crois comme Bernard Stiegler que : si le FN n’est pas bon pour la démocratie, ce n’est pas en insultant ses électeurs qu’on les ramènera vers la démocratie. Faire en sorte que celui qui souffre parce qu’il est malade soit accusé d’être la cause de sa maladie, c’est en faire un bouc émissaire – tout comme le FN fait des immigrés la cause d’une souffrance que ceux-ci subissent en général plus que quiconque. Mais contrairement à Stiegler, je ne crois pas que le FN prospère dans ce désert des idées politiques en se posant en défenseur de la puissance publique. Je ne souscris pas à l’absence de sérieux de l’autre Gauche ; c’est là que s’élabore et se propose l’alternative. Mais effectivement le FN, lui, propose l’instauration d’un État autoritaire qui ferait enfin régner l’ordre dans cette incurie généralisée…Et que […] Les gens veulent des concepts politiques porteurs d’une vision, la France veut savoir où elle va, et seul le courage de recommencer à penser et à inventer permettra de répondre à l’angoisse qui fait la fortune de Marine Le Pen.

Le Parti de Gauche et le Front de Gauche, avec Jean Luc Mélenchon, est porteur d’un projet global, de cette vision d’une autre société, d’un autre monde possible. Comme ATTAC, des syndicats come Solidaires, il propose des alternatives au système fini et désespérant de la mondialisation ultra-libérale. Ce projet c’est l’écosocialisme, un projet qui responsabilise, émancipe les citoyens, développe leur esprit collectif et coopératif, propose de transformer le monde avec la planification écologique. Un projet qui donne des réponses progressistes et positives aux problèmes de notre temps. L’écosocialisme répond à cette angoisse qui fait la fortune populiste du marinisme par la radicalisation de la misère. Le Front de Gauche croie à l’intelligence du peuple quand on lui permet de s’exprimer. Dans les assemblées citoyennes qu’il organise, il propose de redonner une indispensable confiance aux citoyens, pour réfuter cette idée que la régression sociale serait inéluctable.

Quel que soit l’idéal de la société proposée, contrairement à ce que pensait Jean Jacques Rousseau, je ne crois pas que la nature humaine soit fondamentalement bonne même si l’homme n’est pas non plus foncièrement mauvais. Depuis l’aube des temps humains, il agit pour la survie, celle des siens, de son clan, de sa tribu, sa nation. Pour cela il veut exercer un pouvoir, à la mesure de ses possibilités et capacités, sur les plus faibles, les femmes, les enfants, les étrangers, les immigrés, les plus pauvres que lui, pour paraître, dominer, par possession ou autorité, possession et autorité, au sein du groupe humain sans lequel il ne peut développer son existence. Nous devons donc créer une structure sociale organisée de telle façon que les hommes soient naturellement amenés à se sentir solidaires, obéissent à des réflexes collectifs de coopération et de solidarité, non de concurrence et de compétition, préludes à la domination, l’exploitation, la guerre de chacun contre tous.

De multiples actions portent des valeurs alternatives, mais privées de portée générale, elles demeurent comme des parallèles qui ne se rejoignent jamais…sauf dans l’infini !

La peur des idéologies nous laisse dans la peur de toute théorisation et pousse au renoncement. Pourtant, rarement le capitalisme n’a été mis en cause aussi radicalement, et aussi rarement peu de perspectives d’un changement fondamental n’ont été exprimées depuis Marx et Lénine…sauf par le Front de gauche et les expériences de type bolivarien en Amérique. Ce n’est pas un hasard si elles sont, ou ignorées dans leurs perspectives, ou le plus durement combattues.

Allain Graux

Le 29 mai 2013

[1] Ceux qui contestent l’existence des camps d’extermination nazis.

[2] Le Pen possédait une maison d’audition qui diffusait des chants nazis.

[3] Le marché transatlantique qui est en cours de négociation.

[4] Alexis Corbière, secrétaire national du Parti de gauche – « Le parti de l’étrangère » – Editions Tribord 2012 – P.124

[5] La tribune – 25.04.2013

[6] D'après le ministère du Travail, le taux de chômage des immigrés originaires du Maghreb et d'Afrique subsaharienne atteignait 23% en 2011, contre 8,5% pour le reste de la population. En cause notamment, un niveau de diplôme plus bas…Le taux de chômage de l'ensemble des immigrés était lui de 16,3%... seuls 5,6% de ceux nés au Portugal et 7,4% de ceux nés en Espagne étaient sans emploi.

En 2011, 4 millions d'immigrés âgés de 15 à 64 ans résidaient en France métropolitaine, représentant 10% de la population en âge de travailler. Quelque 30 % d'entre eux sont nés dans un pays de l'Union européenne (UE), 31 % au Maghreb, 15 % en Afrique subsaharienne et 24 % dans un pays européen hors UE ou sur un autre continent que l'Afrique. La participation des immigrés au marché du travail est comparable à celle des non immigrés.

- L’Express - 31/10/2012 -

[7] Rapport du Haut Conseil à l'intégration -mars 2013- http://www.hci.gouv.fr/IMG/pdf/AVIS_emploi.pdf

[8] Bernard Stiegler : « Le Front national prospère dans le désert des idées politiques » (L'Humanité du 26 avril 2013) – Mediapart -9 mai 2013 par Thierry T. d'Ouville

[9] ibid

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