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CESSEZ LE FEU !

La résolution américaine au Conseil de Sécurité pour un cessez le feu à Gaza 
Elle plaidait pour « la nécessité d’un cessez-le-feu immédiat et durable pour protéger les civils de tous côtés, permettre l’acheminement de l’aide humanitaire essentielle et atténuer les souffrances humanitaires » et soutenait « sans équivoque les efforts diplomatiques internationaux pour parvenir à un tel cessez-le-feu en lien avec la libération des otages encore détenus ». Jusqu’ici, les États-Unis avaient systématiquement bloqué par leur veto toutes les initiatives pour un cessez-le-feu immédiat dans l’enclave palestinienne, au bord de la famine. Cette proposition n’exigeait pas un cessez le feu, assorti d’éventuelles sanctions pour l’imposer au gouvernement israélien. Mais comment comprendre le refus de la Chine, de la Russie, et l’abstention du Guyana, alors que pour la première fois depuis l’attaque du 7 octobre par les Brigades al Quassam du Hamas et de cinq groupes armés palestiniens , le gouvernement des États-Unis proposait un cessez le feu ?
Raji Sourani, directeur du Centre palestinien pour les droits humains, a pour sa part fourni une réponse, en dénonçant les « menteurs » qui ont porté cette résolution : « Comment leur faire confiance, à moins d’être stupide, naïf ou les deux ? Ils fournissent les avions, les bombes. Des soldats occidentaux nous combattent. Des Français, des Italiens, des Américains . »
Le rejet de la résolution américaine a été soutenu "unanimement" par les pays arabes, parce qu'elle n'appelle "pas à un cessez-le-feu immédiat". Le Hamas a dénoncé la "formulation trompeuse" de ce texte. L'ambassadeur russe a dénoncé un texte "hypocrite" qui n'appelle pas directement à faire taire les armes. "La Chine et la Russie ne voulaient simplement pas voter pour un projet rédigé par les US, parce qu'ils préfèrent nous voir échouer que de voir un succès du Conseil", a fustigé l'ambassadrice américaine Linda Thomas-Greenfield.
La résolution américaine mentionnait également « les opérations en cours et à venir à Gaza », soit un possible feu vert à une opération terrestre à Rafah à laquelle cette même administration Biden affirme pourtant s’opposer. Une ambiguïté supplémentaire de la position américaine.  

Les raisons du revirement américain.
La position de Biden n’était plus tenable à quelques mois de l’élection présidentielle, les voix des électeurs de son aile gauche l’abandonnant ainsi que celles des citoyens d’origine arabes. Il a aussi besoin de garder le vote de la communauté juive, majoritairement démocrate, bien que contrastée entre ceux qui soutiennent Israël et les 75 % des jeunes de 18 à 35 ans qui critiquent les bombardements sur Gaza. 
En apportant un soutien inconditionnel au gouvernement israélien, en déclarant vouloir un cessez le feu conditionné à la libération de tous les otages israéliens et à l’éradication du Hamas, Biden s’est placé dans une position contradictoire dont il lui est aujourd’hui bien difficile de sortir sans se renier complètement.
L’administration Biden souhaite aussi préserver les alliés arabes, la normalisation en cours entre l’Arabie saoudite et Israël étant indispensable pour les projets économiques et énergétiques américains déjà conclus avec le Maroc, le Bahreïn, le Soudan, le Bhoutan et les Émirats arabes qui sont eux aussi sous la pression de leurs opinions publiques atterrées chaque jour un peu plus en regardant les images des chaînes satellitaires d’Al Jazeera ou d’Al Arabiya. 

Nouveaux textes de résolution ? 
Après l’échec de la résolution américaine, sous le poids de la condamnation du Génocide en cous par l’opinion publique mondiale, ça se bouscule au portillon pour proposer un texte ! 
Un nouveau projet alternatif porté par sept membres non permanents du Conseil (Algérie, Malte, Mozambique, Guyana, Slovénie, Sierra Leone, Suisse) a été mis au vote le samedi 23 mars à 14h. Ce projet du Mozambique est soutenu par la Chine, « exigeant un cessez-le-feu humanitaire immédiat pour le mois du ramadan »,  a été examiné le 25 mars par le Conseil de sécurité. Il doit "être respecté par toutes les parties et conduire à un cessez-le-feu permanent et durable" ; il souligne la nécessité urgente de protéger les civils et d’acheminer l’aide humanitaire dans l’ensemble de la bande de Gaza.
Le président français, a de son côté assuré que la France travaillait sur un autre projet de résolution. Selon une source diplomatique, ce texte plus large et à plus long terme inclurait une consolidation d'un éventuel cessez-le-feu, la libération des otages, le rôle de l'Autorité palestinienne et de l'ONU à Gaza après la guerre et la relance d'un processus politique. Lors d'un entretien téléphonique avec Benyamin Nétanyahou, Emmanuel Macron a aussi condamné "fermement les récentes annonces israéliennes en matière de colonisation", a indiqué l'Élysée .
Texte de résolution pour un cessez le feu immédiat adopté
Mais c’est le texte qui avait reçu en amont le soutien de la Chine, de la Russie et des 22 États du groupe arabe à l’ONU, porté par les membres élus (non permanents) au Conseil, qui a été adopté par 14 des 15 membres du Conseil de sécurité de l’ONU qui a été adopté le lundi 25 mars, les États-Unis, pour la première fois s’étant abstenus. Il exige, outre un cessez-le-feu « immédiat » dans la bande de Gaza, « la libération immédiate et inconditionnelle de tous les otages » et souligne « le besoin urgent d’étendre le flux d’aide humanitaire dans toute la bande de Gaza ». Juste après le vote, l’ambassadrice américaine aux Nations unies Linda Thomas-Greenfield a déclaré que le cessez-le-feu pourrait commencer « dès la libération du premier otage  ». Donc, si l’abstention des États-Unis marque un tournant majeur de la politique américaine, la question de l’application concrète du texte se pose désormais sur le terrain, Hamas et américains n’étant pas parvenu à un accord sur un processus de libération des otages israéliens et des prisonniers palestiniens dans le cadre d’une trêve dont on discute depuis le début janvier. 
La question de l’application concrète de la résolution se pose désormais. L’article 25 de la Charte des Nations unies stipule que les membres de l’organisation doivent « accepter et appliquer les décisions du Conseil de sécurité ». Mais en soixante-dix ans, l’ONU a un passif très lourd de textes adoptés et peu ou jamais appliqués s’agissant du conflit israélo-palestinien . Car : « Israël mènera une offensive à Rafah », déclare Netanyahu à Blinken. Constant dans sa volonté génocidaire, le Premier ministre israélien, Benjamin Netanyahu, a fait savoir au secrétaire d'État américain Antony Blinken, en visite au Moyen-Orient, qu'Israël comptait bien mener une offensive à Rafah, même sans le soutien des États-Unis. Sur le terrain, Israël poursuit ses raids aériens dans la bande de Gaza, malgré la résolution adoptée et les appels à cessez-le-feu. Le ministère de la Santé du Hamas a fait état de 70 morts dans la nuit de lundi à mardi . 
Trêve
En dehors du cadre de l’ONU, des pourparlers se poursuivent afin de trouver un accord sur une trêve du ramadan  de 6 semaines qui permettrait un cessez-le-feu et un échange de prisonniers et d’otages, mais que le Hamas voudrait permanent. Interrogé par l’AFP, le responsable du mouvement islamiste a fait part de « profondes divergences » et a accusé Israël de vouloir « un cessez-le-feu temporaire, pour reprendre son agression contre notre peuple » dès que les otages seraient libérés. 

Le secrétaire général de l’ONU, Antonio Guterres s’est rendu à Rafah et a déclaré :
« Il est monstrueux qu’après tant de souffrances depuis tant de mois, les Palestiniens de Gaza fêtent le ramadan alors que les bombes israéliennes continuent de tomber, que les balles continuent de voler, que l’artillerie continue de pilonner et que l’aide humanitaire se heurte à des obstacles de plus en plus nombreux. En jeûnant avec vous pendant le ramadan, je suis profondément troublé de savoir que tant de personnes à Gaza ne pourront pas avoir un iftar (une rupture du jeûne – NDLR) digne de ce nom.
Les Palestiniens de Gaza – enfants, femmes, hommes – restent pris dans un cauchemar permanent avec des communautés anéanties, des maisons démolies, des familles entières et des générations anéanties, et la faim et la famine qui harcèlent la population. Depuis ce point de passage, nous voyons le déchirement et la cruauté de la situation. (…) C’est plus que tragique, c’est un scandale moral. (…) Tout nouvel assaut ne ferait qu’empirer les choses. Les gens du monde entier sont indignés par les horreurs dont nous sommes tous témoins en temps réel.
Je porte la voix de la grande majorité du monde qui en a vu assez, qui en a eu assez et qui continue de croire que la dignité humaine et la décence doivent nous définir en tant que communauté mondiale. Il est temps d’inonder Gaza d’une aide vitale ; le choix est clair : la vague ou la famine. Choisissons le côté de l’aide, le côté de l’espoir et le bon côté de l’histoire. Je ne renoncerai pas et nous ne devons pas renoncer à faire tout ce qui est en notre pouvoir pour que notre humanité commune l’emporte.  »

L’AIDE ALIMENTAIRE, autre contradiction de la politique de Biden
Alors que plusieurs pays qui avaient suspendu leurs versements à l’UNRWA, les ont rétablis, la Chambre des représentants américaine a adopté un projet de loi de financement de 1 200 milliards de dollars qui interdirait le financement de l’agence dans le contexte de la catastrophe humanitaire à Gaza . En dépit de la tragédie qui se déroule sous nos yeux, les autorités israéliennes ont informé l'ONU du fait qu'elles n'approuveraient plus de convois alimentaires de l'UNRWA dans le nord" du territoire, a annoncé le dirigeant de l'UNRWA, Philippe Lazzarini . L'agence de l'ONU a annoncé être formellement interdite par Israël de toute livraison d'aide alimentaire dans le nord de la bande de Gaza .
Dès le premier jour de la guerre contre Gaza, les hôpitaux, les écoles, les abris, les locaux de l’UNRWA ont été ciblés. Mais aussi les boulangeries, les installations pour désaliniser l’eau, les systèmes d’assainissement, les usines d’électricité, les routes. Bombarder 38 hôpitaux ? Quelle est l’intention ? Pourquoi s’en prendre aux enfants malades, aux médecins, aux ambulances ? Pourquoi attaquer les mosquées et les églises, les cimetières ? Pourquoi s’en prendre aux zones les plus peuplées ? Anéantir des familles entières ? Forcer les gens à quitter le nord tout en les bombardant ? Les affamer et empêcher l’accès de l’aide humanitaire ? Détruire des supermarchés ?
Il s’agit d’une stratégie planifiée et intentionnelle de nettoyer Gaza de ses civils. C’est d’évidence un génocide. 
Quelles sanctions face à tout cela, pour imposer le cessez le feu à Israël, avec la libération des prisonniers et otages ?
Pendant ce temps, les bombardements israéliens et les combats ont continué de faire rage à Gaza, tuant au moins 84 personnes en 24 heures, portant le bilan total palestinien à 32.333 morts et 74.694 blessés, selon le ministère de la Santé du Hamas. L’actualisation quotidienne de cette comptabilité morbide est désespérante, comme les récits, les témoignages des souffrances endurées par les enfants, des mères, de la population, qui parviennent à l’extérieur grâce aux correspondants palestiniens dont près de 140 sont morts, délibérément ciblés par les snippers israéliens ou périssant sous les bombardements avec leurs familles, grâce aux humanitaires des ONG, de l’UNRWA, des médecins en mission. 
La rapporteuse spéciale des Nations unies pour les territoires palestiniens, Francesca Albanese, affirme qu'il "existe des motifs raisonnables" de croire qu'Israël a commis plusieurs "actes de génocide", dans un rapport publié lundi, évoquant aussi un "nettoyage ethnique". Elle doit présenter son rapport mardi devant le Conseil des droits de l'homme.  

Raphaël Pitty, médecin spécialiste de la médecine de guerre qui revient de l’hôpital européen dans la bande de Gaza, Clothilde Mraffko, journaliste indépendante correspondante du Monde, Stéphanie Latte-Abdallah, directrice de recherche au CNRS(centre national de la recherche scientifique) et à l’EHESS (école des hautes études en sciences sociales), des parlementaires français qui se sont rendus à Rafah début février : Éric Coquerel (LFI), Akli Mellouli (sénateur EELV) et Marius Esposito (attaché parlementaire EELV). Ces personnalités ont toutes apporté des témoignages concordants sur la situation décrite et les atrocités commises à Gaza, lors du Forum organisé par le Collectif pour la Paix de Dijon, le samedi 23 mars à Quetigny. 
« Le collectif dijonnais a demandé à ce que des sanctions soient prononcées envers Israël. « Il est par exemple possible de suspendre l’accord économique entre Israël et l’Union européenne qui date de 2002 car Israël ne respecte pas le droit international. » C’est aussi ce qu’a demandé Raphaël Pitty lors de son intervention si une ligne rouge était franchie. Pour lui, en l’état, la ligne rouge sera franchie si les Israéliens attaquent Rafah. « C’est une ville de 240 000 habitants. Actuellement, il y a 1,5 million de personnes à Rafah. Ils vivent sur des trottoirs, dans des abris de fortune. 8 000 blessés graves pourraient être soignés en Égypte sauf qu’Israël s’y oppose. » Clothilde Mraffko raconte que les journalistes internationaux ne peuvent pas rentrer à Gaza, que seuls les journalistes palestiniens peuvent raconter ce qui se passe sur place. « J’ai l’impression que ce que j’écris est en dessous de la réalité. Plein de choses m’échappent. On ne peut pas établir un lien de confiance par téléphone de la même manière que physiquement. Nous n’avons pas de contact avec des personnes qui soient à l’abri pour enquêter sur tel ou tel bombardement. Les personnes que j’ai au téléphone ont peur d’être sur écoute ou que leur téléphone soit géolocalisé. » Difficile, dans ce contexte, de se faire réellement une idée de ce qui se passe sur place  ».

La plateforme Palestina Hoy a dénoncé une nouvelle attaque de colons y policiers israéliens contre les fidèles palestiniens à la mosquée de Al-Aqsa à Jérusalem . 107 personnes ont été tuées à Gaza au cours des dernières 24 heures. « L'armée israélienne poursuit ses opérations militaires autour de deux hôpitaux. Plus de 20 combattants palestiniens ont été tués en 24 heures autour de l'hôpital al-Chifa de Gaza et de l'hôpital al-Amal à Khan Younès, selon l'armée.
L'UNRWA se dit interdite de toute livraison d'aide dans le nord de Gaza. "En dépit de la tragédie qui se déroule sous nos yeux, les autorités israéliennes ont informé l'ONU du fait qu'elles n'approuveraient plus de convois alimentaires de l'UNRWA dans le nord" de la bande de Gaza, a annoncé le patron de l'agence de l'ONU pour les réfugiés palestiniens. 

Les Nations unies, ça ne sert pas à rien ! 
C’est la seule source de légitimité, avec tous leurs défauts et la nécessité de les réformer. António Guterres va d’ailleurs réunir un Sommet du futur en marge de la prochaine assemblée générale, à ce sujet. Il faut une force de maintien de la paix et l’accompagner d’une administration civile. Il faudrait aussi que ce soit les Nations unies qui administrent Gaza pendant quelques années... Avec Netanyahou au pouvoir, c’est mission impossible. Et ce n’est évidemment pas le souhait du Hamas non plus. Et si on demandait leur avis aux Palestiniens ? Pour une fois ...
La Paix, juste et durable, ne peut s’appliquer qu’avec une instance internationale comme l’ONU, reconnue et acceptée par tous, qui ne soit pas entre les mains du veto des grandes puissances issues de la seconde guerre mondiale, mais dont le Conseil de Sécurité serait élargi aux puissances émergentes d’Afrique, d’Asie, d’Amérique du Sud. Les expériences précédentes des projets de pacification sous les auspices des Américains se sont tous traduits par des échecs, en particulier le processus d’Oslo qui n’a jamais abouti par la volonté d’Israël que cela ne se réalise pas, en saisissant ou provoquant tous les prétextes pour réfuter les possibles interlocuteurs palestiniens. Arafat était assiégé à Ramallah, le Hamas légitimement élu réfuté, quoique financé et soutenu pour diviser les Palestiniens. Pas d’interlocuteur pour la Paix disait Israël. Mais quelle Paix ? Quel État sur les 13 % restant du territoire historique du peuple palestinien, divisé, découpé en bantoustans ? 
L’enquête de la Cour pénale internationale doit être accélérée contre les responsables israéliens comme contre ceux du Hamas, car s’il n’y a pas de justice, personne ne croira aux Nations unies.
Une conférence de paix, aujourd’hui, c’est prêcher dans le désert. Elle doit être préparée par une administration civile des Nations unies. Gaza est en train d’être systématiquement rasée. Sa reconstruction ne sera pas possible sans une administration civile, car qui peut reconstruire si l’armée israélienne gère Gaza ou si le Hamas fait toujours la loi ?

La prise de position du Conseil de sécurité est un symbole important. Mais il doit plus que jamais s’accompagner d’actes. La fin des livraisons d’armes (une centaine en provenance des États-Unis depuis le 7 octobre), la révision des accords d’association avec Israël, l’application de sanctions… 

Allain Louis Graux 
 Le 26.03.2024
 

Tag(s) : #ISRAEL, #PAIX, #PALESTINE, #POLITIQUE, #géopolitique, #international
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