L’ OIF (Organisation internationale de la Francophonie) est l’un des sujets qui fâchent très fort les Congolais. Au point que des manifestations ont eu lieu et des pétitions circulent dans le pays pour demander son retrait, alors que la RDC, avec plus de 100 millions d’habitants, est le premier pays en nombre de locuteurs du français. Le fait que Louise Mushikiwabo, ancienne ministre des Affaires étrangères du Rwanda, soit à sa tête est considéré comme un affront. « Le Rwanda est un pays anglophone membre du Commonwealth et son président Paul Kagame, a tout fait pour éradiquer le français de l’enseignement » note, outrée, une Congolaise prof de français.
Elle n’est pas la seule. La presse accuse la France d’avoir ainsi payé en partie le prix du soutien militaire de Kigali à des intérêts français en grande difficulté en Afrique. Principal grief : Emmanuel Macron a passé avec le président rwandais des accords discrets qui font de l’armée rwandaise une sorte de mercenaire au service de ses entreprises néocoloniales. L’exemple le plus criant est celui du Mozambique où Total Énergies a failli, en mars 2021, être obligé d’abandonner l’énorme projet gazier du Cabo Delgado, quand la ville de Palma a été prise par des forces qualifiées de « djihadistes ». Sollicitée par Emmanuel Macron qui finalisait alors une réconciliation spectaculaire avec Paul Kagame, l’armée rwandaise y a déployé plus de 3 000 hommes et a mis moins d’un an à rétablir la situation. Au point que le français Total et l’italien Eni espèrent démarrer rapidement la production.
Le soutien de Paris à Kigali ne passe pas
Surtout, les Congolais s’indignent du soutien coupable de Paris à Kigali alors que l’armée rwandaise participe directement à l’invasion d’une partie du Kivu, à l’est de la RDC. L’offensive dure depuis octobre 2021 par le truchement d’une milice baptisée M23, dont l’ONU vient de reconnaître officiellement qu’elle est soutenue et armée par le Rwanda et l’Ouganda. Elle occupe depuis mars une zone où elle a provoqué des centaines de morts civils et un nouvel exode de plus de 300 000 personnes vers des camps de réfugiés, près de Goma, où ne leur est même pas assuré le minimum vital. Les États-Unis, après l’ONU, ont condamné le soutien rwandais à cette occupation et il a fallu attendre le 20 décembre pour que la ministre française du Développement, en visite à Kigali, ose dire : « Le Rwanda, car il faut le nommer, doit cesser son soutien au M23. Il faut en finir avec la répétition de l’histoire dans cette région. » Et d’ajouter : « Le rôle d’un ami n’est pas seulement de dénoncer mais d’aider à trouver une solution. C’est que nous faisons en parlant à tout le monde. »
Il faut dire, pour expliquer cette subite rectification, que les choses tournaient au vinaigre pour la France en RDC. Un cri unanime d’indignation s’était élevé dans le pays quand, au lendemain d’un nouveau massacre de civils à Kishishe et Bambo (29 et 30 novembre), l’Union européenne a annoncé l’attribution de 20 millions de dollars d’aide à l’armée rwandaise, à la demande de la France. S’y ajoutait la fourniture à Kigali de drones et autres armements de pointe décidés à la faveur des visites des patrons de la DRM (Direction générale du renseignement militaire) et de la DGA (Direction générale de l’armement).
L’ambassadeur de France, Bruno Aubert, a eu beau inviter la presse, le 14 décembre, pour combattre ce « désamour », assurant que le président Macron « entretient des relations équilibrées avec les deux pays pour jouer le rôle de facilitateur dans le conflit », il n’a guère convaincu. La visite présidentielle en RDC risque d’être mouvementée.