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AMAZONAS

« Luís da Câmara Cascudo (1898-1986), dans le Dictionnaire du Folklore Brésilien (Dicionário do Folclore Brasileiro), défend la graphie « caboco », c'est-à-dire sans la lettre « l », qui selon lui a dû être introduite par l'usage, sans justification étymologique, comme en attestent les origines en langue Tupie du terme : kaa'boc, (qui vient de la forêt) ou kari’boca, (fils de l'homme blanc)[1]. » Lorsque le mot caboclo revêt une valeur positive, on parle alors de « race amazonienne[2] ». Les caboclos possèdent un statut social de paysans de l’Amazonie.

Le fait caboclo est lié à la transmutation des Amérindiens par le métissage et l'acculturation et de leur place dans la nation brésilienne. Une place niée par la politique de Bolsonaro. Le Caboclo dans ce cadre est toujours vu sous l'angle de la transformation de l'Amérindien, jamais sous celui de la transformation de l'Européen, alors que, objectivement, il est reconnu comme étant le produit des deux ethnies.

Les Caboclos constituent des communautés paysannes mais vivent solitaires dans des zones forestières qu’ils défrichent pour implanter de petites plantations d’arbres fruitiers, de manioc, d’ananas, près d’une rivière. Car l’eau c’est la vie ; ici, ils n’en manquent pas ! Ils sont au milieu de l’eau. Ils vivent aussi de la pêche évidemment et de la chasse, comme les indiens, mais mangent plus de poissons que de viande. Avec le poisson, le manioc est l'une des bases de l'alimentation ; les caboclos en tirent la "farinha", leur source principale de féculents.

Après des années de violents conflits, les caboclos et les tribus amérindiennes luttent souvent ensemble pour la préservation de leur écosystème. Mais il y a des limites, par exemple les caïmans n’étant plus chassés, ils se sont multipliés aux alentours des communautés, chaque soir, il n’est pas rare de voir un "jacaré" faire surface à proximité des rivages de la propriété. Dans certaines communautés, on abat volontiers ce genre de prédateurs.

Les Caboclos font éventuellement de petits boulots comme charpentier ou fabricants de canoé, pour améliorer leurs maigres ressources provenant de la vente du manioc, des ananas. L’argent sert à acheter les outils, équipements, vêtements, les marchandises indispensables. Ils sont peu équipés pour conserver et transporter leurs productions jusqu’aux marchés, ce sont surtout des gens qui vivent de peu, en autonomie, seuls ou en petite communautés, à la différence des métis afro-brésiliens, des esclaves marrons qui s’étaient enfuis et constitués en « quilombos[3] ».

Beaucoup construisent des maisons flottantes ou sur pilotis, ou comme Georgio, sur une butte de terre, à l’abri des inondations, le niveau de l’eau pouvant monter de 15 m au moment de la saison des pluies.

Les toits de tôle commencent à remplacer ceux de palmes, plus fragiles et qui doivent être renouvelés tous les deux ans. C’est moins joli et moins protecteur contre les ardeurs du soleil. Georgio a encore les deux versions sur ses cabanes.

La population s’est répartie entre les sièges des municipios dont la plupart trouvent leur origine dans les missions religieuses du XVIIIe siècle), des petits villages, des sitios rassemblant rarement plus de deux familles, des campements. D'un type d'habitat à l'autre, la mobilité était grande, en fonction de l'écoulement de la production des produits de la forêt, de la rivière, du verger ou du champ sur brûlis. L'identité cabocla ne s’assimile pas à un lieu précis, puisque tout l'espace amazonien est sien. Ce sont des gens toujours aptes ou prêts à une quelconque exploitation du milieu, ils sont polyvalents et ne privilégient aucune spécialité, même lorsqu'on les croit spécialistes. C’est un héritage de la culture amérindienne, associée à celle des paysans, du nomade et du cultivateur sur le mode provisoire.

 

Pour l’instruction, il y a des écoles primaires dans les communautés, mais les enfants qui veulent poursuivre leur scolarité doivent aller à Manaus ou dans les villes les plus proches, ce que très peu d'entre eux ont les moyens de faire. Et puis, il y a les bateaux scolaires de couleur jaune avec une bande noire.

Couto de Magalhâes[4] avait lancé l’idée du devoir de protection des Amérindiens survivants des Amérindiens survivants, de favoriser une intégration harmonieuse. Verissimo[5] de vivifier le Brésil par un apport accru de sang neuf, celui des Européens... Le boom du caoutchouc, puis la grande crise de 1915 vont occulter ce débat jusqu'à la Seconde Guerre mondiale. Les populations amazoniennes, Amérindiennes (« des indiens sauvages « bravos ») et métisses, restent sans identité apparente auxquelles personne ne prête attention, en dehors des ethnologues et anthropologues. Seuls les missionnaires catholiques s’étaient préoccupés auparavant des « Indiens domestiqués » d’Amazonie auxquels étaient assimilés les Caboclos à partir de la ruée vers le caoutchouc. « Il faut attendre les travaux de Lévi-Strauss [1955], ou ceux de Wagley [1953] et Galvao [1955], qui vont s'intéresser autant aux Caboclos qu'aux Amérindiens, pour entrevoir l'échec de la colonisation en Amazonie, l'existence de communautés culturellement syncrétiques, la persistance du choc avec les sociétés amérindiennes[6] » [...] D. Ribeiro dans Frontières indigènes de la civilisation (1970), qui va étudier ce qu'il nomme l'histoire de "la transfiguration de l'Indien", annonce l'inéluctabilité de l'intégration finale des Amérindiens, les Caboclos représentant une phase transitoire permettant l'émergence d'une véritable "ethnie brésilienne" ». La question est de savoir de quelle transformation il s’agit, et d’une avancée vers quoi.

 Dans les années 1980, le thème du Caboclo est devenu à la mode, l'image qui prévaut est celle d’une exploitation douce d'une Amazonie postulée comme indispensable à la survie de l'humanité. Cependant, il estime que les Caboclos sont menacés par les projets de développement, au même titre, sinon plus, que pour les sociétés amérindiennes. Les cycles (cycle du bois du Brésil, cycle du cuir, de la canne à sucre, de l'or, du café, du caoutchouc, etc.) n'ont jamais induit un véritable développement au niveau micro-régional, dont auraient pu tirer profit les populations. Ils débouchent sur un épuisement de la ressource, et engendrent toujours l'appauvrissement global des populations, à l'exception d'une étroite oligarchie plus citadine.

La révolte de la cabanagèm, ensanglanta l'Amazonie durant vingt ans et marqua profondément l'identité cabocla jusqu’à nos jours [Di Paolo 1986].  Les Caboclos étaient pleinement motivés par un rejet d’une identité sociale et culturelle néocoloniale qui voulait faire d'eux une classe de sous-prolétaires amazoniens.

Le boom du caoutchouc, en introduisant massivement des petits paysans misérables, venus du Nordeste et essentiellement d'origine blanche, modifia sensiblement la structure du monde caboclo, comme aujourd’hui avec la politique de déforestation et d’installation de ce type de population. « On constate que les Nordestins, à quelques rares communautés près, se "caboclisèrent" dans de nombreux domaines, sauf celui de la langue. Rapidement, ces migrants, après une .phase de quasi-esclavage sur les zones d'extraction du latex, adopteront le comportement mobile des Caboclos amazoniens ; s'entremariant, sauf exceptions notables, avec eux[7] ».

Par le passé, outre des terres conquises sur brûlis et mal gérées par ignorance, conduisant à l’épuisement, les caboclos « furent aussi, à une écrasante majorité, ceux qui contribuèrent à la réduction de la faune terrestre par la chasse intensive, ceux qui participèrent de la raréfaction des poissons de leurs rivières par des pêches traumatisantes à la dynamite, ceux enfin qui aidèrent, à l'élimination ou à l'asservissement des communautés amérindiennes qu'ils se refusaient à côtoyer[8]. »

On assiste, depuis ces trente dernières années, à un repli vers une économie autarcique.

C'est le milieu qui a façonné et façonne le fait identitaire caboclo, lui imprimant une déconcertante originalité.

 

[1] Source Wikipédia

[2] Françoise et Pierre Grenand : l'identité insaisissable, les Caboclos amazoniens. (horizon.documentation.ird.fr)

[3] Dans la langue kimbundu (Angola) le quilombo est une société d’initiation de jeunes guerriers ou un lieu de repos pour les nomades. Au temps de l’esclavage, le quilombo (au Brésil) ou palenque (dans les colonies espagnoles) désigne les villages et communautés formés par les esclaves en fuite.

[4] José Vieira Couto de Magalhães (né en 1875) était un homme politique, militaire, écrivain et folkloriste brésilien.

[5] José Veríssimo Dias de Matos 1857-1916) était un essayiste, éducateur, journaliste, historien de la littérature et sociologue brésilien. Il est l’auteur de plusieurs études sociologiques, historiques et économiques sur l’Amazonie, sa région natale.

[6] Françoise et Pierre Grenand : l'identité insaisissable, les Caboclos amazoniens. (horizon.documentation.ird.fr)

[7] Source : ibid p26.

[8] Françoise et Pierre Grenand : l'identité insaisissable, les Caboclos amazoniens. (horizon.documentation.ird.fr) p.33

Tag(s) : #AMERIQUE LATINE
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