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Au Centre de vote

Alye sort sa carte d’identité et celle d’électrice, double la file jusqu’à la porte du centre où elle montre ses papiers à l’agent qui filtre les entrées. Moi je sors ma carte de presse. Elle explique qu’elle accompagne un journaliste français venu voir les opérations électorales. Le gars demande à un supérieur. Bon, accordé, je peux entrer. Il y a plusieurs files.

Pourquoi est-ce que tu as pu passer rapidement, devant tout le monde ?

- Il y a 13 bureaux de vote ici. Je me rends à mon bureau, c’est à l’étage.

Devant son bureau, la file d’attente est moins importante. Je peux prendre quelques photos sans que personne ne proteste. Je le fais au smartphone, c’est moins provocateur que de viser avec un objectif et Alye rassure les gens qui m’observent :

 - C’est un journaliste français ...

Mais à la porte d’entrée de la salle du bureau de vote où trois assesseurs sont installés derrière une table, c’est plus compliqué. La chef de bureau va voir le responsable qui vient nous expliquer qu’il aurait fallu demander une autorisation spéciale avant. Je ne peux donc pas entrer dans la salle pour photographier. Dans l’encadrement de la porte, Je vois néanmoins comment cela se passe.

Comme chez nous, les assesseurs vérifient l’identité de l’électeur et lui font signer le cahier d’émargement après le vote. Mais au Brésil, pas de bulletins de vote des différents candidats, et pas de véritable isoloir. L’électeur se rend vers une table sur laquelle est posé un grand carton derrière lequel est dissimulée la machine à voter. Là, l’électeur manipule l’instrument et choisit les candidats de son choix pour les cinq votes à effectuer : présidentiel, député fédéral, député local, sénateur, gouverneur de l’État fédéral. Les électeurs peuvent soit inscrire un nom ou un numéro, soit choisir parmi des photos de candidats, il doit taper un code qui correspond à celui du candidat, à deux chiffres pour le président et les gouverneurs, trois pour les sénateurs, quatre pour les députés fédéraux et cinq pour les députés des assemblées de chaque État. Les deux premiers chiffres sont toujours celui du parti.

Le président de la république, les sénateurs et les gouverneurs sont élus via un scrutin uninominal majoritaire à deux tours. Pour les députés d'État et les députés fédéraux, il s'agit, en revanche, d'une proportionnelle à listes ouvertes (les partis présentent des listes sans ordre ni position).

Avec ce système électronique digital, pas de dépouillement manuel, pas de recomptage des votes, les résultats sont intégrés directement aux serveurs du Tribunal supérieur électoral. Les résultats seront connus instantanément dès que tous les votes auront été opérés compte tenu des décalages horaires de cet immense pays. A Sao, Paulo, les bureaux sont ouverts de 7h à 17h (heure de Brasilia – 1h de décalage pour Manaus).

Dans l'organisation locale des campagnes électorales, les petits candidats font campagne à la fois pour eux-mêmes et pour des candidats à des postes plus élevés dans la hiérarchie des responsabilités politiques. Par cette pratique connue sous le nom de « dobradinha », de petits candidats lient leur propre nom à celui de personnalités plus connues. Par exemple, un candidat à un mandat de député dans un État indique, sur ses tracts et ses affiches de campagne, avec quel candidat au mandat de député fédéral, de sénateur ou de gouverneur il entend « faire la paire », c'est-à-dire lier sa propre candidature. Cette pratique, qui s'explique par la multiplicité des candidatures, apporte une certaine clarification à un jeu électoral complexe.

La Constitution impose que les candidats aux présidentielles soient nés au Brésil, aient au moins 35 ans, résident au Brésil et soient membres d’un parti politique.

Chaque candidat se présente avec un colistier (vice-président). Jair Bolsonaro a choisi Braga Netto, un ancien général de l’armée engagé politiquement dans son parti. Lula fait équipe avec Geraldo Alckmin, son ancien adversaire de droite lors de la présidentielle de 2006. L’alliance avec ce fervent catholique, gouverneur de Sao Paulo, a pour objectif de créer un front républicain contre l’extrême droite afin de barrer la route à Jair Bolsonaro.

En principe, il est interdit de :

- distribuer des petits cadeaux, T-shirts, casquettes, etc. J’ai constaté que ce n’était pas observé !

- l’usage des voitures sonorisées (trios elétricos).

- de passer des annonces publicitaires dans les journaux, sur les candidatures.

- de pratiquer le marketing téléphonique pour faire campagne.

- l'usage des panneaux publicitaires en extérieur est régulé.

- La distribution de tracts et l’affichage sont interdits pour des raisons écologiques.

Selon les chiffres officiels du Tribunal supérieur électoral (TSE), 156.454.011 Brésiliens sont "aptes à voter". C'est 6% de plus que lors du dernier scrutin, en 2018. Plus de 52% des électeurs sont des femmes, mais les femmes ne représentent que 33 % des candidats.

L’opération de vote a duré une trentaine de minutes en tout. Nous allons déjeuner dans une lanchonetes, d’un sandwich et d’un café.
Au cours de nos discussions, je fais part de mon étonnement au sujet des campements de SDF que l’on observe partout en ville et plus particulièrement dans les quartiers du centre.  Il y a deux ou trois catégories, des gens qui vivent sous tente, habillés correctement ; d’autres dans des campements de fortune fouillent les sacs poubelles de plastique noir pour y trouver des bouteilles en plastique, des cartons, des cannettes métalliques, pour les revendre ; et d’autres encore simplement enroulés dans des couvertures grises, généralement en guenilles, parfois pieds nus, sales et souvent drogués ou en état d’ivresse, ou les deux ! De lamentables épaves qui font lâchement détourner le regard.
- Ceux qui vivent sous la tente sont des travailleurs qui ne gagnent pas assez pour payer un loyer. Les tentes sont fournies par des associations qui apportent leur aide. Les autres cherchent des ressources pour trouver à manger. Tous sont confrontés à la police, notamment les drogués. Il y a souvent des opérations de police, me dit Alye
- J’en ai observé une vers la cathédrale. Mais ce qui est étonnant, c’est que dans la rue adjacente, les flics ne disent et ne font rien. Et puis Place de la République, il y a de nombreux campements, devant le palais du gouverneur avec un fourgon de la police militaire en permanence. Il y a des douches et des toilettes spécialement pour eux, mais je n’en ai pas vu ailleurs. La Place de Cé devant la cathédrale est occupée par un grand campement. Ce serait inimaginable en France. Il y a des campements à Paris, mais pas devant la cathédrale ou l’hôtel de ville.

Difficile à comprendre que rien ne soit fait pour loger ces gens et de les laisser vivre comme ça en pleine ville, dans des lieux censés être touristiques. De plus ils sont stigmatisés en bloc comme des délinquants violents. Mes accompagnateurs et guides, plutôt des classes bourgeoises moyennes, m’ont tous déconseillé de fréquenter ces lieux considérés comme très dangereux. Or, on voit tout le monde passer là, au milieu d’eux, comme si ces gens n’existaient pas...

- Ce sont souvent les églises, les évangélistes qui les aident, parce qu’elles ont un capital moral. Il y a 30 % de progressistes parmi les évangélistes, alors que l’église catholique a été un outil au service de l’esclavage. Depuis 2019, la part des catholiques progressistes, bien que minoritaires, progresse. Le gouvernement de Dilma comprenait deux ministres de confession évangéliste.

Le Parti des Travailleurs n’a pas politisé tous ces pauvres avec ou sans logis.

Tag(s) : #AMERIQUE LATINE, #Voyage et découvertes, #international
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