Où cette politique a-t-elle été menée avec succès ?
Les taxes ont été inversées, 82 à 85 % de la valeur produite reste entre les mains de l’Etat et entre 15 à 18 % reste entre celles des entreprises étrangères ; avant, c’était l’inverse... Ainsi, le pays peut bénéficier du savoir-faire technologique des multinationales qui trouvent l’avantage suffisant, puisqu’elles sont restées.
Dans le secteur minier, la nationalisation est de 50 à 55 %, laissant de côté les investissements ; la répartition des bénéfices entre l'entreprise étrangère et l'Etat est de 50 et 55 % entre les mains de l'Etat et de 45 à 50 % à la société minière privée.
Ces premières décisions de la prise en charge par l’Etat du contrôle des principales sources excédentaires et publiques de l’économie est l’une des raisons du taux de croissance qui va s’établir en moyenne de 4,5 à 5 % pour les 13 années suivantes.
Le secteur bancaire
Une autre mesure a été prise : la modification du système financier. Une réunion a été organisée avec les banquiers pour les informer de ce qui allait se passer avec eux. « Nous leur avons dit : nous avons une bonne et une mauvais nouvelle.
- Quelle est la bonne nouvelle, ont-ils demandé ?
La réponse a été : que nous n’allons pas nationaliser les banques ...
Alors, ils ont demandé : quelle est la mauvaise nouvelle ? Nous leur avons répondu :
- Qu’ils allaient devoir abandonner 50 % de leurs bénéfices entre les mains de l’Etat....
La seconde chose a été l’obligation de fusionner avec le secteur productif, une loi établissant l’obligation de délivrer 60 % des emprunts aux secteurs manufacturiers et de la construction, et les 40 % restant de leurs crédits bancaires au commerçants, aux transports, au tourisme et aux loisirs. Cette mesure permettant de développer et diversifier tous les secteurs de l’économie locale, de construction et distribution, pour générer de la main-d’œuvre, de l’emploi et du pouvoir d’achat. Une mesure qui a bénéficié tant aux classes moyennes que populaires en favorisant la consommation et l’emploi.
Le gouvernement a fixé le taux d’intérêt pour les manufactures et la construction à 6 % annuel et laissé libre celui pour le commerce ; il a tourné autour de 11 à 12 %. Ainsi, les banques privées sont restés libres, mais strictement contrôlés par l’Etat.
Le modèle économique, où la stabilisation macroéconomique est privilégiée comme fondement du pacte social et politique, profite à une production et à une distribution plus équitables de la richesse nationale. Ainsi, la politique budgétaire a été l'un des facteurs les plus importants pour promouvoir les dépenses publiques, générer des multiplicateurs d'emplois et augmenter les infrastructures de croissance. La politique monétaire a maintenu une monnaie saine et créé un climat propice à l'investissement privé, et la politique de change a amélioré la compétitivité du secteur extérieur. De grands travaux dans les infrastructures routières, de communication et de transport ont été réalisés. Le capital humain a également été amélioré grâce aux investissements dans la santé et l'éducation.
La croissance est ainsi fonction d'une grande variété de facteurs de nature économique, sociale, politique et institutionnelle, d’un développement resté majoritairement celui d’un capitalisme national et international contrôlé par l’Etat. Le pays affiche l'un des taux de croissance économique et de développement inclusifs les plus élevés. Avant, le taux de croissance de 4,1 % au cours de la période 1991-1995 avait chuté à 3,1% au cours de la période 2001-2005. Ce n'est qu'à partir de 2006 qu'il y a eu un rebond soutenu du PIB, et une valeur maximale de 6,8 % en 2013. La politique mise en œuvre, est celle de dépenses publiques affectées à la résolution des problèmes sociaux utilisés comme un instrument très utile pour réduire la pauvreté, réduire les inégalités et améliorer le bien-être.
Cette offre améliore le pouvoir d’achat général et la croissance, contrairement aux théories libérales d’Aldelman et Robinson (1989) du ruissellement qui conditionnent la redistribution sociale à la priorité de la seule croissance économique comme préalable, le soutien aux entreprises et la baisse des dépenses publiques, pour améliorer la compétitivité, la croissance et la liberté du marché, assurant alors naturellement la réduction de la pauvreté.
La politique sociale est le moyen utilisé démocratiquement par le gouvernement pour intervenir, en ce qui concerne les aspects de l'éducation, de la santé, de la sécurité sociale et de la justice. Il s’ensuit un apaisement et une amélioration de la cohésion sociale. Cette alternative consiste à améliorer la croissance parallèlement aux instruments de la politique sociale. La croissance favorise des dépenses sociales soutenues (Sachs, 2006) et le développement social accroît la capacité des citoyens à stimuler la croissance.
C'était la voie suivie en Bolivie par le gouvernement d’Evo Moralès et D’Alvaro Garcia Linera, de 2006 à 2019. En outre, la Bolivie a comblé son déficit fiscal et remboursé la moitié de sa dette extérieure. L’emploi a été multiplié par quatre dans les mines et la métallurgie, la production et les revenus de ces industries ayant doublé.
Une leçon dont le gouvernement néoliobéral d'Emmanuel Macron devrait s'inspirer au lieu de persister à vouloir mettre en œuvre des réformes et un régime libéral dont la majorité des Français ne veut pas...
Allain Graux