Je viens d’entendre la ministre Muriel Péricaud sur France Inter présenter les orientations des réformes sur le droit du travail, les retraites, le chômage qui constituent les objectifs principaux de cette présidence Macron. Car, sinon pourquoi procéder en priorité, aussi vite et par ordonnances ? Il s’agit de profiter de l’été, des vacances pour éviter tout mouvement social important contre ce qui constitue la plus redoutable atteinte aux droits des travailleurs acquis par un siècle de luttes. Tout serait réduit à néant en quelques mois pour satisfaire un MEDEF qui est bien le seul à se féliciter des supposées propositions qui seraient adoptées. C’est déjà une indication sur le sens profond de ces réformes qui satisfont le patronat. Car pour le reste, c’est l’enfumage le plus total : la ministre prononce des mots, allonge des phrases sans contenu précis et concret, tout-à-fait dans la ligne de la campagne de Macron : la confusion et l’illusion.
La moindre des choses à quatre jours des élections législatives, ce serait de savoir sur quoi on doit voter, ce pourquoi on doit voter, plus que pour qui.
L’article du Parisien faisait état de l’ouverture à la négociation dans l’entreprise des éléments du contrat de travail, tels le temps de travail, le salaire minimum ou les motifs de rupture, allant ainsi bien plus loin que la loi El Khomri, qui offre uniquement des dérogations aux accords de branche concernant le paiement des heures supplémentaires.
Ordonnance 1
«Attribuer une place centrale […] à la négociation collective d’entreprise en élargissant ses champs de compétence». Cette ordonnance est jugée prioritaire sur le contrat de travail, pas sur les autres points[1]. »
Ordonnance n° 2 : le barème des prud'hommes. «Instaurer un référentiel pour le montant de l’indemnité octroyée par le conseil des prud’hommes en cas de licenciement dépourvu de cause réelle et sérieuse.» Cette ordonnance est jugée......«prioritaire»
« Nous, nous étions opposés pendant la loi El Khomri, et nous sommes toujours opposés par principe, parce que nous voulons la réparation intégrale du préjudice subi par le salarié en cas de licenciement abusif », a dit le secrétaire général de la CFDT Laurent Berger.
Comment peut-on estimer par un coût limitatif la violation du droit du travail que représente un licenciement abusif ? C’est un déni de justice à l’égard des salariés.
Ordonnance n° 3 : référendum à l'initiative de l'employeur
Avec des élus sans étiquette, avec ou sans syndicats, les employeurs pourront exercer le chantage à l’emploi pour obtenir un accord d’entreprise dérogeant du droit social et des conventions collectives. Ou obéir aux actionnaires pour augmenter le taux de profit...
Ordonnance n° 4 : redéfinir la place des branches
«Redéfinir le rôle de l’accord de branche et réduire le nombre de branches. C'est seulement à défaut d'accord d'entreprise que la branche interviendra.» Actuellement, il y a six thèmes de négociations obligatoires dans la branche sur lesquels les employeurs ne peuvent pas déroger dans un sens moins favorable aux salariés, par accord d'entreprise : égalité hommes-femmes, pénibilité, salaires, classifications, prévoyance et formation professionnelle. Selon l'avant-projet de loi, la branche n'aurait plus dans sa mallette que deux thèmes obligatoires (salaires minimums et l'égalité professionnelle).
« Les primes négociées par branche, compléments de salaires indispensables pour de nombreux salariés, pourraient désormais relever de la négociation au sein de l'entreprise. Adieu, prime de vacances pour certains ou complément de salaire pour ancienneté pour d'autres, alors qu'aujourd'hui les entreprises d'un même secteur sont tenues de verser ces sommes identiques à leurs employés, comme la prime de panier dans celles du bâtiment[2]. »
Ordonnance n°5 : fusion des IRP
«Simplifier les institutions représentatives du personnel (IRP)».
Cette ordonnance est jugée...«prioritaire». C’est une exigence du MEDEF dont l’objectif est de diminuer la représentation du personnel : moins de délégués, moins d’heures non travaillées à rémunérer. C’est sans doute pour améliorer l’information du personnel et la démocratie sociale...
L'objectif : fusionner le comité d'entreprise, le comité d'hygiène, de sécurité et des conditions de travail (CHSCT) et le délégué du personnel (DP) dans une instance unique.
Le CHSCT a aujourd’hui une personnalité juridique qui lui permet d'aller en justice, de faire des enquêtes ou de diligenter des expertises. Le supprimer, c’est fragiliser la sécurité du personnel, la porte ouverte à tous les abus pour les patrons indélicats.
C’est une rupture avec la démocratie sociale dans l'entreprise, qui repose sur des élus disposant de droits d'information, de consultation, d'expertise et d'alerte et sur des syndicats (représentatifs) qui seuls ont la capacité de négocier. Depuis de longues années, le Medef a demandé d'autoriser la négociation avec des élus sans étiquette...
Après on glose sur la non représentativité des syndicats en France. Elle ne se mesure pas au nombre de syndiqués mais justement à la représentation par les délégués élus. C’est bien ce rempart qu’il s’agit d’abattre pour laisser el, champ libre au patronat.
Ordonnance n° 6 : un chèque syndical
«Renforcer la pratique et les moyens du dialogue social.»
La formation des représentants de salariés serait «renforcée». Il est prévu de mettre en place le fameux chèque syndical, une idée inspirée de l'expérience menée chez l'assureur Axa. Il s'agit de «permettre à chaque salarié d'apporter des ressources financées par l'employeur au syndicat de son choix». Enfin, le gouvernement s'engage à récompenser l'engagement syndical par la «reconnaissance dans les carrières» et la lutte contre la discrimination syndicale.
Ça, c’est pour faire passer la pilule de l’ordonnance 5 !
Ordonnance n° 7 : Les administrateurs salariés
«Une meilleure représentation des salariés dans les conseils d’administration». C'est réclamé par la CFDT et la CGT depuis très longtemps. Mais, le gouvernement reste imprécis et prudent sur ce point ; et ce n’est pas Mme Péricaud qui nous en a appris plus ce matin, floue comme pour le reste...
Il s'agit de mettre en place « des incitations » pour que les entreprises augmentent le nombre d'administrateurs salariés par des accords de groupe ou d'entreprise. Incitation ! Quand il s’agit d’une avancée, cela devient un droit très ... relatif et aléatoire !
Ordonnance n° 8 : réforme de l'assurance chômage
« Réformer l’indemnisation des travailleurs privés d’emploi. »
Création d'une assurance chômage universelle «ouverte à tous les actifs — salariés, artisans, commerçants indépendants, entrepreneurs, professions libérales, agriculteurs», précise le texte, et qui sera «financée par l'impôt». L'extension de ces nouveaux droits — et notamment l'indemnisation chômage pour les démissionnaires — aura un coût très important, toujours pas chiffré.
On peut craindre une révision à la baisse des conditions d'indemnisation.
« Le document distribué aux syndicats promet ainsi de « libérer l’énergie des entreprises et des actifs tout en donnant de nouveaux moyens concrets à chacun de trouver sa place sur le marché du travail et de construire son parcours professionnel ». Certes, mais encore ? En vérité, le public n'est guère plus avancé aujourd’hui qu’il y a plus d’un mois[3], sur le flou et des ambiguïtés de Macron sur sa vision des questions sociales.
Macron, le candidat du MEDEF
Avec ces projets, auxquels il faut ajouter la question de la retraite à point , un nouvel enfumage qui aboutira à partir encore plus tard pour une pension diminuée, l’augmentation de la CSG qui va diminuer les pensions d’une majorité de retraités, il ne faut pas s’étonner si Thibault Lanxade, le vice-président du MEDEF, se soit lâché par deux fois pour appeler les Français à donner une majorité au Président de la République sur France Inter.
Ces réformes sont des hors-d’œuvre. Le reste, dérégulation, baisse des recettes, austérité, sera à l’avenant et correspondra parfaitement aux désidératas de Mme Merkel que Monsieur Macron est allé consulter comme un féal dès le lendemain de son élection. Car aux acquis sociaux remis en cause s’ajoute la revanche des Eurobéats convaincus, des battus du référendum de 2005 sur le TCE, sur le peuple déjà trahit par Sarkozy et Hollande.
Le 11 juin, si vous votez comme des moutons, comme eux, cet été, vous serez tondus...et l’hiver sera socialement glacé malgré le réchauffement climatique...
Pour le réchauffement social :
votez écosocialiste !
votez France Insoumise !
Allain Louis Graux
Le 7 juin 2017